16h00 - 17h00
L'action se déroule entre 16h00 et 17h00 dans la banlieue nord du Caire.
Finalement, je vais pas me coucher, trop intrigué par Youssef qui revient à table avec la fameuse bouteille de vin. Georges nous la fait à la Louis XIV devant son plat en frappant dans ses mains d'impatience à la vue de notre sommelier berbère. Je signale au mangeur de semoule que la seule chose qui soit royale dans la pièce est le couscous. Ça ne le vexe même pas, au contraire il fait signe à Youssef de le servir dans un verre en cristal. Il s'exécute. Georges porte le verre à son nez, hume, le bascule à droite puis à gauche pour déclarer enfin :
— Il a une senteur boisée, de la jambe, une belle robe.
Ma Gréta le regarde admirative repensant à son tout premier métier de laborantine où elle savait au premier coup d’œil reconnaître un taux excessif d'albumine dans un flacon d'urine. Günther, lui, aurait pris un cubi moins classe mais plus rentable.
Georges s’apprête à boire en amenant le verre à ses lèvres. Je lui retiens le bras.
— Que se passe t-il ? dit-il.
— Vin pas bon ! je me la fais grammaire locale, genre Indiana Jones.
La phrase a plombé Youssef qui reste collé au plancher dans ses mocassins à ventouses. Pour le déplacer, il va falloir enlever une dalle. Il a le teint aussi cireux qu'un transplanté du foie.
— Faisons goûter notre sommelier ! dis-je.
— Je... Pas boire... Alcool ! dit Youssef qui vient de comprendre les principes fondamentaux de la ventriloquie.
Günther ne voit pas où je veux en venir. Il est amoureux et ça parasite sa libido.
Ma Gréta est partie chercher un entonnoir, toujours prête à rendre service.
Je reprends :
— Alors, Youssef, c'est la meilleure année, n'est ce pas ?
— Répond, ou je t'enlève ta prime de fin d'année ! s'écrit Georges.
Youssef est tombé à genoux en récitant des versets du Coran.
Günther qui se sent trahi est prêt à lui déverser du courant.
Gréta est aux ordres, un signe de moi et elle enfourne l'entonnoir dans le gosier du supplicié pour une séance de gavage.
Georges tapote sur l'épaule du repenti en lui disant que c'était une blague pour la prime.
Moi je reste perplexe, il faut que je sache si le vin est empoisonné ou pas. Gréta se ferait un plaisir de goûter mais à part peut être une infusion au plutonium rien ne la perturbe. Finalement, j'opte pour l'option entonnoir et les soixante quinze centilitres de pinard descendent tout schuss dans la tuyauterie du caviste.
— Je vais te poser une question, Youssef, et si tu réponds bien tu avances de deux dalles. Qui est la femme au tailleur ?
— Jeu neu sé pas de koi tu cose, ombré !
Il est bourré comme un métro aux heures de pointes. Pour quelqu'un qui boit pas, il supporte bien le penthotal des vignes.
Pourtant, c'est lui qui nous a fait venir ici avec l'histoire des amulettes. Si c'est un piège, il faut aller jusqu'au bout et se rendre au "17 rue du Caire".
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