- Orcinus, je ne veux surtout pas vous mettre en danger.

- Ah ! Il est bien temps d’y penser ! Nous t’avons accueillie sans te poser de questions, nous t’avons aidée à fuir, et maintenant, que va-t-il se passer ? Nous allons avoir tous les espions de Champarfait à nos trousses.

- Je suis désolée, Orcinus.

- …

- Je ne l'ai pas fait exprès, tu sais.

- Quand je t’ai présentée à notre capitaine, tu aurais dû lui dire la vérité.

- Elle aurait refusé de me garder à bord.

- Je n’en suis pas si sûr.

- Que faut-il faire, à ton avis ?

- Parler au capitaine Salmus. Ou plutôt, aux deux capitaines. Que t’a dit cette vieille femme, exactement ?

- Qu’il y avait des rumeurs sur la princesse de Champarfait qui se serait enfuie avec les Lointains.

- Viens, il n’y a pas une minute à perdre ! »

Il me regarda une seconde en silence, ses yeux étaient bleus comme deux saphirs éclatés. Son torse se soulevait un peu trop vite, ses muscles semblaient tendus, électriques. Sa main quitta la mienne quand il s’empara d’une chemise turquoise qu’il enfila rapidement. L’air entre nous semblait soudain glacé… Puis il sortit à grandes enjambées.

Deux minutes plus tard, j’exposais la situation à Rutila et à Salmus qui m’écoutaient attentivement tout en me regardant avec des yeux ronds. Non seulement je n’étais pas un garçon, mais en plus, j’étais mariée au fils de la régente et je m’étais enfuie… J’étais un peu perdue, un peu dépassée par la situation. J’essayai d’expliquer tant bien que mal que je ne voulais pas les exposer aux représailles de Rotu, ni à la vengeance de sa mère, que j’étais désolée, que je leur demandais pardon… Salmus finit par m’interrompre.

« Bon… Lomu ! Enfin, non ! Quel est ton vrai nom ?

- Lumi.

- Evidemment ! Dans ce satané pays, les prénoms sont des numéros… Enfin peu importe. Lumi, tu as eu tort de ne pas nous dire la vérité…

- Je sais.

- Laisse-moi finir ! Tu as eu tort, donc. Mais tu as fait ta place à bord. Les Lointains ne refusent jamais l’asile à qui le leur demande pour de bonnes raisons. Mais si ton mari sait que tu es partie avec nous, ça peut être dangereux… La meilleure solution serait que tu restes à Héliopolis, sous la protection de leur jeune reine.

- Vous croyez qu’elle accepterait ?

- Oh oui ! Elle sera ravie de jouer un mauvais tour à Champarfait. Et d’aider une femme qui fuit un mari qui ne lui convenait pas.

- …

- Qui connaît la vérité ?

- Personne, à part nous quatre.

- Bien. Ne dites rien jusqu’à nouvel ordre. Je pars trouver Sanaâ. En attendant, Lumi restera cachée dans la voilerie. Orcinus, tu veilleras sur elle. Rutila, prépare discrètement le bateau à reprendre la mer… Juste au cas où. A tout à l’heure ! »