Chapitre XVIII (2/2)

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Je lui mis une tape du bout des doigts en lui tirant la langue, le tout avec une absence totale de grâce vraiment indigne d’une princesse, même détrônée. Il baissa la tête un instant pour observer ma main restée posée sur son bras. Puis son regard se planta dans le mien et il me sourit comme un ciel sans nuages. Qu’il était beau, avec les reflets de flamme qui brillaient dans ses yeux !


Deux secondes plus tard, Orcinus se dégagea, tout doucement, et reprit d’une voix plus basse.


« - Vas-tu vraiment rester avec nous, même si tu es la reine de ton pays ?

- Je ne suis plus reine, Orcinus. Mon mariage a été effacé par le Conseil des Cinq. Et c’est tant mieux ! Crois-moi, je ne suis pas près d’enchaîner ma vie à quelqu’un d’autre… C’est la toute première fois que je suis vraiment libre, et je compte bien le rester longtemps.

- …

- …

- Bon, alors, ton nouveau nom ?

- Je ne sais pas quoi choisir. Et tu ne m’aides pas beaucoup, avec tes bêtises.

- Veux-tu que je te donne mon avis ?

- Je te l’ai demandé il y a au moins dix minutes !

- Moi, je trouve que tu devrais garder ton nom. Lumi, ça te va bien.

- Même si toutes les filles aînées du royaume de Champarfait portent le même prénom ?

- On s’en fiche. Chez nous, c’est un prénom particulièrement original.

- Et… Ce ne serait pas impoli, de ne pas adopter un prénom Lointain ?

- Non. Tu en as parfaitement le droit.

- …

- Tu n’aimes pas ton prénom ?

- Non… Enfin, si, ce n’est pas ça.

- Alors c’est quoi ?

- Eh bien… Si je change de nom, je me dis que Rotu aura plus de mal à me retrouver.

- Franchement, je ne crois pas. De toute façon, tu es facile à repérer parmi l’équipage, avec tes cheveux clairs, ton accent, tes yeux verts…

- Ma démarche hasardeuse quand je me déplace sur le bateau quand nous sommes en mer…

- Oui, ça aussi !

- …

- …

- Bon, tu as raison. Alors inutile de me cacher ! Lumi je suis, Lumi je reste.

- Bien. Alors, Lumi, puisque tel est ton nom, vas-tu enfin sortir de ma chambre ou faut-il que je me change devant toi ? »


J’avisai cette chemise qu’il tenait à la main depuis un bon quart d’heure, et je me sentis infiniment bête.


Je quittai la pièce en rougissant, non sans me cogner au mur tant elle était exigüe, en bégayant vaguement pour lui souhaiter une bonne nuit. Je repoussai la porte de la main pour lui rendre son intimité et me dirigeai vers la voilerie toute proche. Ma paillasse était en ordre, mes affaires étaient posées à côté comme si je n’étais jamais partie.


Je me laissai glisser sur le moelleux de mon matelas de chanvre et de maïs. Puis je souris dans le noir, en me disant qu’après tout, voir Orcinus se changer devant moi n’aurait pas été si désagréable que cela.

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