Chapitre XLVII (2/2)

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Orcinus avait la peau douce et chaude et je dus faire appel à des trésors de maîtrise et de renoncement pour me souvenir que je devais vraiment, mais vraiment, être devant mes élèves moins de deux minutes plus tard… Alors je le repoussai doucement, et malgré le regard mélodramatique et la moue boudeuse qu’il afficha illico, je m’extirpai à grand peine de mon lit. Je fis ma toilette rapidement, enfilai une robe bleue et rouge qui m’attendait sur une étagère, déposai un baiser rapide sur ses lèvres, et fonçai de toute la vitesse de mes jambes jusqu’à la sainte-barbe.

Mes élèves s’impatientaient déjà, et je m’excusai abondamment de les avoir fait attendre. Pour me faire pardonner, et aussi parce que mon cerveau n’était pas en état de survivre à un grand texte littéraire ou aux conjugaisons champarfaitoires, j’improvisai une sortie scolaire sur le marché voisin. C’était l’occasion de parler avec les enfants de la culture du grand Sud que nous connaissions si mal, des fruits et légumes locaux, des dromadaires qu’ils n’avaient jamais vus nulle part ailleurs et devant lesquels ils tombèrent en extase, des caravanes d’épices…

La matinée passa ainsi, de découverte en découverte, de filouteries enfantines en gentilles remontrances. Toute ma petite troupe était ravie, mais c’est avec un certain soulagement que je les rendis à leurs parents juste avant le déjeuner. J’étais épuisée ! Je m’assis cependant un petit quart d’heure au réfectoire, pour manger avec Tempetus, Perkinsus (guère plus vaillants que moi…) et Ventura (qui fit poliment semblant de ne rien remarquer). Mais à peine avais-je avalé la dernière bouchée que je m’excusai et descendis à la voilerie rejoindre ma paillasse. Orcinus était là, il travaillait sur une voile, dans un parfait silence qui ne risquait pas de déranger ma sieste.

Je dormis quatre heures d’une seule traite, d’un sommeil lourd et immobile, et lorsque je repris pied dans la réalité, j’avalai un grand verre d’eau et je me sentis beaucoup mieux. En me levant, je réalisai que je perdais du sang. Quel soulagement ! J’en sautai de joie, sous le regard interrogateur d’Orcinus qui ne semblait pas comprendre en quoi il était si réjouissant que j’aie mes règles… Je me lavai, mis une protection et me rendis directement au cabinet médical pour voir Milos.

Je dus patienter un bon moment, car il était en train de soigner Aurata dans l’infirmerie. Et lorsqu’il eut fini, il me fit entrer et me regarda avec sa bienveillance habituelle.

« Eh bien, Lumi, qu’est-ce qui t’amène aujourd’hui ? Tu es malade ?

- Non, au contraire ! Je crois que j’ai mes règles.

- Bien ! Je t’avais dit que les choses reviendraient à la normale toutes seules… Laisse-moi quand même t’examiner rapidement… Bon, tout semble parfait.

- Je ne suis pas enceinte ?

- Tu n’es pas enceinte.

- Ouf !

- Tu sais, tu refusais peut-être tellement fort de porter l’enfant de Rotu que ton esprit a plus ou moins bloqué ton corps. Quoiqu’il en soit, te voilà rassurée. C’est l’essentiel. Maintenant, comme je te l’avais dit, tu vas surveiller ton cycle. Et si tout se passe normalement, régulièrement, pendant environ trois mois, reviens me voir et nous pourrons reparler de la contraception.

- D’accord… Merci, Milos. Merci pour tout ! »

Il me sourit en grand, malgré sa fatigue et son évidente tristesse. Je repris le chemin de la voilerie, soulagée comme un assoiffé devant un grand verre d’eau. Et même si je n’avais pas partagé mes craintes avec Orcinus, j’avais hâte de pouvoir fêter cela avec lui, une fois que mes menstruations seraient terminées.

Justement, je tombai sur lui sur le pont de batterie, en sortant du cabinet médical. Il me tournait le dos et Ventura était collée à lui, tête contre tête, main contre bras. Ils ne me virent pas, et je reçus comme une flèche empoisonnée dans les entrailles.

J’avais donc raison depuis le début : Orcinus courait deux lièvres à la fois.

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