Chapitre LIII (2/2)

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(Père de Lumi) - … Je t’aime, Lumi. Je t’aimerai toujours. Et je te crois, oui. Mais hélas, je ne peux pas faire grand-chose de plus.

(Lumi) - Que veux-tu dire ?

- Je dois aussi penser à tes sœurs. Rotu est un monstre, mais il a beaucoup de pouvoir ! Et puisque tu as réussi à sortir de ses griffes sans l’aide de ton vieux père, je ne peux pas tout remettre en cause, tout remettre en jeu, juste pour lui faire admettre sa monstruosité.

- Alors tu ne lui diras rien ?

- Non, Lumi. Parce que je ne peux rien lui dire. Si tu étais encore en danger, peut-être que… Enfin, j’aurais essayé de te sortir de là, d’une manière ou d’une autre, mais certes pas en l’attaquant de front ! Je n’ai aucune chance contre lui. Contre eux. Tu comprends ?

- Je ne sais pas trop…

- Ma chérie, je suis venu te dire adieu. Je te souhaite de tout mon cœur d’être heureuse dans ta nouvelle vie, avec les Lointains ou ailleurs. Mais nos chemins doivent se séparer. Je ne peux pas te suivre, te soutenir ouvertement. Et tu ne peux pas revenir à Champarfait au vu et au su de tous… Alors je t’aimerai de loin. Et je penserai à toi, jusqu’à mon dernier souffle !

- Mais, Père…

- Je t’en supplie, ma fille, prends bien soin de toi. Sois forte, sois libre. Et vis ! »

Il s’approcha de moi et me serra fort, très fort, contre son cœur. Puis il repartit dans la nuit sans lune de notre pays natal, me laissant vide et perdue comme une enfant... Je le suivis des yeux, du moins autant que les ténèbres des ruelles faiblement éclairées aux flambeaux me le permettaient. Il repartit ainsi comme il était venu, en cachette, en silence.

Je fis quelques pas pour rejoindre le gaillard d’arrière. Et là, seule face à la rivière sage comme une cage, à l’abri des regards et des oreilles, j’éclatai en sanglots lourds et froids. Venais-je vraiment de dire adieu à mon cher petit papa, au héros de mon enfance, à l’image invincible et miraculeuse que j’avais construite autour de lui tout au long de mes jeunes années ? Je pleurai jusqu’à m’étouffer, recroquevillée par terre comme une toute petite fille.

Deux heures plus tard, Orcinus me trouva ainsi, seule et glacée dans le noir. Il m’appela doucement et me rejoignis presque sur la pointe des pieds, avec sa démarche simple et ses yeux de nuit. J’entrepris de lui expliquer ce qui venait de se passer, et bien que peu habitué à de telles histoires de famille, il fit de son mieux pour sécher mes larmes. Lorsque j’eus recouvré mes esprits autant que ma respiration, il murmura dans le noir en me tenant la main.

« - Chuuut, calme-toi, ça va aller…

- Mais je ne le reverrai jamais !

- Tu n’en sais rien, Lumi. Peut-être qu’un jour, les circonstances seront différentes ! Et tu le retrouveras…

- Non. Je le sens. Mon petit papa si ouvert, si brillant, avait finalement plus de lâcheté que d’amour.

- Tu es dure… Que voulais-tu qu’il fasse ? Qu’il provoque ton mari en duel ?

- Et pourquoi pas ?

- Dans ce cas, tu pourrais me reprocher, à moi aussi, de ne pas le faire ! Après tout, moi aussi, je devrais te défendre contre les méchants, non ?

- Tu ne connais même pas Rotu. Et puis, arrête de l’appeler mon mari, s’il te plaît.

- Lumi, ce que j’essaye de te dire, c’est que ton père est pieds et poings liés. S’il lève le petit doigt contre la famille royale, il sera en danger. Et ses autres filles aussi ! Alors que toi, tant que tu es ici, sur ce bateau, avec nous, tu ne risques plus rien.

- …

- Ton père réfléchit au lieu de foncer dans un mur. C’est peut-être une autre forme de courage, moins chevaleresque que celle que tu as apprise dans tes romans, mais je ne le trouve pas si lâche. D’abord, parce qu’il a pris le risque de venir jusqu’ici pour te parler en face, pour te dire au revoir… Ensuite, parce qu’il s’oblige à renoncer à toi. Alors que visiblement, il aime sa fille ! Ses filles. Je ne crois pas une seconde que ce soit facile pour lui.

- …

- Lumi, ton papa est un être humain, pas un héros. Accepte-le… Ne serait-ce que pour qu’on puisse aller se coucher ! Je suis épuisé… Et puisque tu es si triste, tu auras le droit de me déchausser l’épaule en dormant dessus comme un bébé. Tu viens ? »

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