Chapitre LXXIX (1/2)

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Une fois de plus, je dormis affreusement mal. J’étais rincée par l’émotion : celle d’avoir dit adieu à mon ami Tempetus, mais aussi celle de devoir quitter ces contrées en laissant derrière moi Orcinus et sa chaleur… J’étais perdue, et surtout, je dois l’avouer, un peu en colère contre Rutila qui avait pris cette décision de partir dès que les glaces auraient suffisamment fondu pour permettre à notre étrave de se frayer un chemin sans danger. Rien qu’à l’idée d’abandonner ainsi mon amoureux à un sort incertain, sans espoir ni nouvelles, j’avais d’affreuses crampes à l’estomac.

J’étais roulée en boule sur ma paillasse, solitaire et rancunière, lorsque j’entendis frapper. La porte s’ouvrit sans me laisser le temps de répondre : c’était Perkinsus, boîteux mais debout, qui me tendit sans un mot une petite enveloppe. Le message était clair et court : j’étais convoquée séance tenante chez la capitaine. Et je savais bien que j’allais passer un mauvais quart d’heure, puisqu’à cause de mon imprudence, notre troupe avait perdu le plus joyeux et le plus compétent des seconds capitaines…

Une fois parvenue devant Rutila, je me tins donc raide comme à la parade, les yeux baissés, le corps glacé, le cœur en larmes. Elle me regarda en silence pendant quelques secondes, puis elle sourit tristement et prit la parole avec beaucoup de douceur.

« - Lumi… Est-il vraiment utile que je te fasse des reproches ? Ne t’en fais-tu pas déjà suffisamment toi-même ?

- Tempetus est mort par ma faute. Enfin, par notre faute, à Perkinsus et à moi. Alors oui, je m’en veux énormément… Je comprendrais très bien que tu me punisses. Et sévèrement !

- J’apprécie le fait que tu ne te défiles pas. Mais nous sommes à terre. Enfin presque, avec cette satanée banquise qui nous enserre… Or à terre, si un capitaine doit te réprimander, c’est à Salmus que revient ce plaisir. Ce n’est pas pour cela que je t’ai fait appeler.

- …

- Néanmoins, puisque tu en parles… Pourquoi donc êtes-vous allés là-bas, tous les trois ?

- Perkinsus avait discuté avec un garde de la forteresse… Il espérait avoir des nouvelles d’Orcinus. Alors j’ai voulu l’accompagner. Et pour plus de sécurité, nous avons demandé à Tempetus de se joindre à nous. Et il est mort…

- Lumi, si ça avait été l’inverse, et que ça ait été Tempetus qui ait eu besoin de ton aide, y serais-tu allée ?

- Oui, certainement.

- Et s’il t’en avait dissuadée, en te disant que c’était dangereux, risqué… L’aurais-tu laissé y aller tout seul ?

- Non. Je ne crois pas… Mais nous aurions dû vous prévenir, Salmus et toi.

- En effet, vous auriez dû. Mais cela n’aurait rien changé ! Tempetus est mort sur le coup, nous n’aurions rien pu faire de plus. Il vous a accompagnés parce qu’il était votre ami, à Perkinsus et à toi. Parce qu’il était loyal et droit. Parce qu’il voulait vous aider, vous protéger. Et aussi, peut-être, parce qu’il aimait bien faire des bêtises de temps en temps… C’est tout ! Inutile de te torturer à ce sujet, Lumi, tu as déjà bien assez de choses sur les épaules en ce moment.

- …

- Comment te sens-tu depuis l’enlèvement d’Orcinus ?

- Seule. Triste. Avec des hauts et des bas… Quand je suis occupée, ça va, mais le reste du temps, c’est difficile. Et quand hier, tu as parlé de partir en le laissant derrière nous…

- Temporairement seulement ! Rester ici ne nous apporte rien, en revanche, cela nous expose. Notre force, notre pouvoir, c’est la navigation. Alors nous devons naviguer.

- …

- D’ailleurs, c’est à ce propos que je voulais t’entretenir. Je viens de discuter avec Ventura… Car j’ai besoin d’un second capitaine. Quelqu’un qui connaisse la mer autant que les Hommes, qui n’ait pas peur de prendre des décisions mais qui sache obéir quand il le faut. Ventura navigue à mes côtés depuis des années, elle a la trempe et les épaules, je lui ai donc proposé le poste. Et elle l’a accepté.

- Oh ! Ventura va remplacer Tempetus ?

- Pour les manœuvres, oui. Pour le reste… Personne ne peut le remplacer, et tu le sais.

- Bien.

- Penses-tu qu’elle puisse assurer cette responsabilité ?

- Oui ! Et sans réserve. Nous ne sommes pas amies, mais nous nous respectons et j’ai confiance en elle.

- Parfait. Désormais, j’ai donc un nouveau second. Mais maintenant, il me manque un officier.

- …

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