Chapitre LXXXIII (2/2)

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(Suni) - Les serviteurs du palais m’ont sauvé la vie en me cachant… Je me suis sauvée dans une charrette de vaisselle sale qui partait à la rivière pour être lavée. À la nuit tombée, j’ai quitté ma planque et j’ai longé la rive jusqu’à la mer. Je te cherchais, je crois… Mais c’est sur ton mari que je suis tombée ! Il était là, drapé dans sa fierté et dans son uniforme, sur le pont de cette galère… Tu sais, à force de traîner dans les cuisines, à la buanderie, à l’herboristerie, je connais ce qui explose et ce qui n’explose pas. J’ai donc confectionné une petite surprise pour Rotu, que j’ai mise sur une barque. Et quand le vent et le courant ont été favorables, cette barque a conduit la mort jusqu’à sa proie.

(Lumi) - C’est toi qui as tué Rotu ?

- Pour venger notre père et notre sœur.

- …

- Tu crois que j’ai mal agi ?

- Je ne sais pas. Rotu est mort, je ne le regrette pas une seconde ! Mais les marins qui étaient avec lui…

- …

- Est-ce que tu te sens mieux, au moins ?

- Non… Je pleure tous les soirs et tous les matins. Je rêve chaque nuit des regards bienveillants de Père, des yeux de pré de Ruti et du soleil dans les cheveux de ses enfants.

(Mes yeux se noyèrent sous des larmes amères et je posai doucement, machinalement, une main sur mon ventre.)

- J’ai du mal à réaliser qu’ils soient tous partis…

- Je sais, Lumi. J’ai ressenti la même chose ! Tiens, sais-tu quand j’ai vraiment compris, ressenti la mort de Père ?

- Non…

- Quand je suis retournée dans notre logis pour récupérer quelques vêtements. J’ai pris deux ou trois livres que nous aimions, le portrait de Mère, et aussi, autour du cou de Père, la clé de la tour Nord à laquelle nous n’avions jamais pu accéder.

- Tu y es allée ?

- Oui. Et c’est là, dans cette pièce ronde et sombre, minuscule et poussiéreuse, dans laquelle il ne m’aurait jamais laissée pénétrer de son vivant, que j’ai compris qu’il ne reviendrait plus jamais.

- …

- Tu ne me demandes pas ce que j’ai trouvé dans la tour ?

(Je m’essuyai les yeux et le nez sans une once d´élégance.)

- Si…

- Eh bien, tu sais, cette histoire de prince égaré dont tu nous rebattais les oreilles quand nous étions enfants… Figure-toi qu’elle est vraie !

(Mon cœur se serra douloureusement à l’idée que Champarfait ait découvert l’identité d’Orcinus.)

- Comment le sais-tu ?

- Dans la tour Nord, il n’y avait rien… Rien, à part un vieux grimoire tout poussiéreux dans lequel deux parchemins très fins, presque effacés, avaient été glissés.

- Et alors ?

- C'étaient des actes de reconnaissance, dressés en champarfaitois, sur la base de deux actes de naissance héliopolis. Les actes de naissance de la princesse Lumi et du prince Lomu, les enfants de Lomu, héritier de Champarfait, et de Hanaâ, princesse d’Héliopolis. Tu te rends compte ? Le prince de ta légende existe vraiment !

- Je sais, oui…

- Comment cela, tu le sais ?

- Je le sais. Et je l’aime ! Même si, crois-moi, je regrette bien son héritage…

- Oh ! Ce très beau garçon qui m’avait sauvée de la noyade ?

- Orcinus.

- Oui, Orcinus, je me souviens de son nom maintenant. Il est ici ?

- Non. Il est dans le grand Nord, quelque part au milieu des terres de glace, prisonnier de gens qui ne lui veulent pas de mal, mais qui le privent de sa liberté. Et de son enfant.

- Quel enfant ?

- Le mien. Je suis enceinte, Suni. Et je suis fatiguée de toutes ces luttes incessantes…

- Bon ! Il était temps que je te retrouve ! Car tu as besoin de ta petite sœur filoute. Rotu est mort et tu dis que ton amoureux n’est pas en danger avec ses ravisseurs : c’est un bon début ! Pour l’instant, tu as besoin de pleurer la mort de Père et celle de Ruti. Et de prendre soin de ton bébé ! Pour le reste, on verra plus tard. Où est ton bateau ? Allons-y ! »

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