Chapitre XLIV (1/2)

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A mon arrivée, je fus surprise de ne trouver aucune trace d’Orcinus. Sa chambre-placard était vide et manifestement, il n’avait pas non plus eu la mignonne idée de m’attendre sur ma paillasse… Je fis donc un saut à l’infirmerie, mais je n’y trouvai qu’Aurata, que Milos soignait pour une infection respiratoire depuis quelques jours et qui dormait dans le silence de la nuit. Le médecin devait lui aussi être couché, puisque aucune lumière ne filtrait sous sa porte.

Je me souvins alors d’une phrase que m’avait dite Muraena, quelques mois auparavant : « Si tu avais appris à regarder les voiles et à lever le nez, tu saurais où le trouver. » Je remontai sur le pont et, une fois que mes yeux se furent accoutumés à l’obscurité et que je commençai à discerner les ombres, je suivis le conseil de Muraena et regardai en l’air de tous mes yeux. Je commençai par le mât d’artimon, qui était le plus accessible pour quelqu’un qui avait été blessé, puisqu’il était bien moins haut que les autres. Mais je ne vis personne. Je rejoignis alors le pied du grand-mât mais de nouveau, la nuit ne me renvoya que du vide et des étoiles.

C’est sur le plateau de hune du mât de misaine qu’il me sembla déceler une présence, une ombre plus sombre que la pénombre elle-même. Je restai quelques instants à écouter la nuit, et je perçus un mouvement au-dessus de ma tête. Alors je filai rapidement récupérer mon harnais, je m’assurai sur la ligne de vie et je grimpai. Une telle ascension, dans le calme du port et alors que la nuit réduisait à néant toute impression de vide, ne présentait plus de difficulté pour moi.. A part au niveau du dévers, évidemment ! Mais je m’en sortis très honorablement, même si ma respiration dans l’effort des derniers mètres avait évidemment annoncé mon arrivée.

Il faisait noir comme les abysses, seul un flambeau vascillait au loin, tout au bout du quai, tel un écho à la lueur tremblotante que nous offraient les étoiles du grand Sud. Orcinus était assis en tailleur, je ne le voyais pas mais je le devinais quand quelque gramme de lumière s’accrochait à l’eau de ses yeux. Il me tendit la main pour m’aider à prendre pied sur le plateau et se décala légèrement pour me faire de la place.

« - Lumi ! Je ne m’attendais pas à te voir.

- Qu’est-ce que tu fais ici, tout seul ?

- Je ne suis plus tout seul, puisque tu es là.

- …

- Il est tard, tu devrais dormir. Il y a école, demain.

- Je voulais voir comment tu allais. Je peux rester un peu avec toi ?

- Bien sûr.

(Il tâtonna jusqu’à trouver ma main, qu’il prit dans la sienne.)

- Alors, comment te sens-tu ?

- Ça va… J’aime bien monter ici quand j’ai besoin de réfléchir.

- Tu n’as pas froid, à rester comme ça dans la nuit ?

- Non… D’autant moins que nous sommes dans le pays le plus chaud du monde, je pense ! C’est drôle, non, que Muraena soit morte justement ici…

- ...

- Toi, tu as froid ?

- Un peu.

- Viens, mets-toi là.

(Il m’installa entre ses jambes et m’enserra dans la chaleur de ses bras.)

- Hmmm, tu es tout chaud.

- Alors profite.

- …

- …

(Il me tenait fort contre lui, mes doigts s’accrochèrent doucement à sa nuque et ses mains s'égarèrent gentiment sur mon cou, sur mes épaules, sur mon ventre, sur mes seins…)

- Dis donc, toi aussi tu profites un peu, non ?

(Il sourit dans mon cou et resserra son étreinte.)

- Aïe ! Attends, il y a quelque chose qui me fait mal.

- … »

Il écarta les bras pour me libérer et je me retournai pour lui faire face. J’essayai, à tâtons, de trouver ce qui m’avait ainsi incommodée. Je finis par refermer la main sur un objet de forme oblongue, légèrement courbé et taillé en pointe, d’environ cinq centimètres de hauteur pour deux centimètres de large, et qui était suspendu au cou d’Orcinus par une lanière très fine.

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