Octobre 2011
Les rêves sinistres, j’en faisais à la pelle. De plus en plus depuis que j’étais tombé sur un ancien album photo dans un vieux carton.
En regardant la jeune fille que j’étais, ses sourires de façades, je réalisai combien ses souffrances me poursuivaient depuis si longtemps.
Les décisions que je commençais à prendre en tant qu’adulte, en tant que personne réfléchie, je les devais à cet album. Cette petite fille qui avait grandi avec des secrets. Cette jeune fille mal dans sa peau qui cherchait l’amour. Cette très jeune femme qui s’était créé un monde alternatif pour résister à son quotidien. J’étais malade de moi, des autres, des actes et des non-actes.
Dans ce lit de clinique, où l’infirmière me sourit tout en me rappelant la procédure, je continuai de m’émanciper. Je m’éloignai des mensonges. Ceux que j’avais entendus, et ceux que je me répétais. J’effaçai cette image qui me collait mal à la peau.
Toutes ces années de mal-être, à subir, à gratter mon âme à la recherche d’un problème à éjecter.
Une seule discussion avec une parfaite inconnue, deux ans plutôt, et j’avais mis des mots sur la personne que j’étais. J’étais un être vague dont le corps ne le définissait seulement par la norme sociale. J’étais trop de choses et mon corps si peu enclin à tout montrer.
À vingt-neuf ans, je reprenais le guidon de ma vie. Je devenais moi-même.
Cette chirurgie du torse n’était qu’un début vers mon affirmation. Et avec le chirurgien Laden, un praticien à l’esprit grandiosement ouvert pour notre temps, je me sentais compris. Je n’avais pas eu à me justifier de quoi que ce soit. Et peut-être était-ce un tort pour lui d’accepter si facilement ce que je lui demandai. J’avais cru comprendre que ce n’était pas un procédé habituel. Peut-être bien qu’il était fou et que j’étais son expérience. C’était un chirurgien esthétique. Un chirurgien qui avait voulu m’ajouter des Pécs en silicone. J’avais refusé. Il avait insisté. J’avais remporté la guerre.
Je le pensai en avance sur son temps. Je saurai bien plus tard qu’il pratiquait cette chirurgie clandestinement et que j’avais eu bien plus de chance que les autres patients. J’avais toujours eu de la chance dans ma malchance.
— Nous vous amenons au bloc opératoire. Vous sentez-vous prêtes ?
— Hum. Je me sens prêt.
Depuis toujours, je voguai entre deux genres. Enfant, ce n’était pas clair et pourtant, c’était à ce moment-là que j’étais le plus vrai. Mais mon environnement m’avait bridé.
La vie, cette façonneuse me rendait ce que j’étais.
Ou presque…
Je ne savais pas si je serais tout à fait moi-même un jour.
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