Mars 2012
Un samedi au Salon du livre de Pétaouchnoc.
— Bonjour, à tous, nous allons pouvoir débuter l’entrevue avec notre invitée, Brume Noire.
La dizaine de lecteurs venus me rencontrer s’assit sur les chaises à disposition. Le speaker se tourna vers moi, un grand sourire, des fiches bien rangées à la main. Il plaça mes quatre romans desquels dépassaient des Post-its. Il avait bien bossé son sujet. J’attendais les premières questions pour cette première entrevue. La première depuis que j’avais commencé à écrire treize ans plutôt.
— Bonjour, Brume Noire.
— Bonjour, Luc.
Vous écrivez depuis une petite dizaine d’années maintenant. Votre premier roman est sorti il y a deux ans et vous voilà avec nous. Vous êtes-vous attendu à ce succès en sortant votre troisième ouvrage ?
Je m’attendais à ce qu’il me demande de me présenter. À croire que tout le monde me connaissait. Ce n’était pas le cas. Certains se reposaient dans cette salle. D’autres étaient venus par pure curiosité. Ça ne laissait pas grand monde. Une poignée d’une quinzaine de personnes.
Je ne lui fis pas remarquer et répondis à sa question. Si c’était son genre de commencer directement par là. Alors nous irons par là.
— Absolument pas. Je ne m’attendais à rien, comme à chaque fois. Ce troisième ouvrage reprenait les mêmes points que les deux premiers romans. Je ne sais pas pourquoi il a mieux réussi que les deux autres. Il a été baigné de lumière.
Je ris.
Luc hocha la tête. Je venais de lui donner la possibilité d’embrayer sur une nouvelle question.
— La lumière, c’est bien que vous en parliez. Vos récits sont très sombres et pourtant il y a toujours cette lumière qui poursuit les personnages. Ce petit espoir. Pourquoi aborder des sujets si durs, encore tabou pour certains ? Pourquoi des personnages si violentés ?
— Ah ! J’imagine que j’ai toujours eu un besoin de comprendre pourquoi certaines personnes finissent mal alors que d’autres réussissent à rejoindre une part de lumière. J’ai toujours été fasciné par la folie qui prend aux tripes, celle tapie dans notre tête et vue de nous seuls. J’ai commencé à écrire à quinze ans, c’étaient des petites histoires. Un jour, j’ai grandi. J’ai continué à écrire. Ça payait très mal, alors je suis devenue auxiliaire de vie. J’ai rencontré des personnes que la vie n’a pas épargnées. Alors, j’ai commencé à écrire des textes plus sombres qui racontent la violence, le consentement, l’abus, les chaines entravant notre vie…
— Je comprends. C’est courageux.
— Je ne pense pas que ce le soit. C’est juste que ces sujets sont un combat que tout le monde devrait mener. Ils me tiennent à cœur. J’ai besoin de donner à mes personnages une échappatoire, la lumière.
— Bien, c’est tout à votre honneur. J’aimerais rapidement parler de cette phrase que vous laissez à chaque fin de roman. « Encouragez-vous à vivre ». Qu’est-ce que cela signifie ?
— La phrase parle d’elle-même, non ? Je demande aux lecteurs de se faire du bien, de se pardonner, de s’aimer et de marcher vers leur vie. La leur... Pas celle qu’on leur impose.
— J’ai l’impression dans tous vos livres que vous voulez sauver vos personnages d’eux-mêmes.
— Je veux les sauver de ce qu’on leur a fait. De ce qu’on a mis à l’intérieur d’eux. Ce vide. Ce mal. Cette haine. Cette peur.
— Pourquoi écrivez-vous ?
— Pour que chacun ait ces réponses.
— Et vous, avez-vous les vôtres ?
— Bien sûr que non. C’est peut-être aussi pour ça que j’écris. Pour me comprendre.
— C’est dur ?
— De se comprendre ou d’écrire ?
— Les deux.
— L’écriture est dure seulement quand on n’a rien à dire. Se comprendre… Ouais, ce n’est pas simple. Mais petit pas par petit pas, on s’apprend. On a toute une vie pour se construire, non ?
…
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