Janvier 2015 - 17
(Ely)
Expéditeur : Mathys-Fallen
À : Ely
J’imagine que Max bassine encore tout le monde avec l’obtention de mon bac ? Ça fait des mois, il aurait dû se calmer. Je m’excuse pour lui. Et pour répondre à ta question : oui, j’ai recommencé les cours dans une école de danse spécialisée et ça se passe très bien. Cependant, je rentrerai cet été pour commencer la FAC en septembre. Merci pour ton dernier roman. Je sais que Max t’a tanné pour que tu le signes. Il te disait réticent. Tu ne veux toujours pas que je te lise ? Pourquoi ? Tu trouves ton écriture trop HARD pour le jeune et innocent garçon que je suis ? Je tiens à te rassurer, je lis bien plus érotique que toi, plus violent aussi. Je lis absolument de tout. Cela m’aide pour la musique, la danse et le théâtre. J’aime les émotions et ce qu’elles retournent à l’intérieur de moi.
Bon anniversaire, Ely.
Trente-trois ans. L’âge de Jésus quand il est mort et ressuscité. À ce qu’il paraît.
Pas très réjouissant ce que je t’écris, pas vrai ?
J’espère pouvoir te revoir bientôt. On s’est beaucoup raté depuis deux ans. Et cela me peine un peu. Mais tu le sais déjà.
Je t’ai envoyé un colis. Tu le recevras dans la semaine.
Mathys.
Deux ans… Je ne m’en étais pas bien rendu compte. Je ne l’avais plus vu depuis qu’il avait intégré son pensionnat en Angleterre. Même ses trois retours en France…
J’aurais pu le voir cet été dernier chez Evack, mais j’étais parti avec une de mes aventures.
Ce gamin m’avait cependant impressionné. Disons que Max m’en avait rabattu les oreilles de « son petit prodige, un peu trop sérieux ».
Ça me scotchait encore le fait qu’il avait passé son bac en candidature libre. Quatorze ans. D’avantage, lorsqu’il l’avait obtenu et demandé à repartir en Angleterre. Une année sabbatique pour la danse d’après Max. Mon ami avait un peu de mal avec tout ça. Mathys était plus concis dans ses explications.
En deux ans, il m’avait envoyé pas moins d’une centaine de lettres et quatre fois plus d’e-mails. J’aimais parler avec lui, c’était facile. La littérature, la musique, l’art dans toutes ses formes. Il est vrai que j’avais plusieurs fois ignoré ses messages quand il filait à nouveau du mauvais coton. Je n’avais pas envie de cautionner ses avances. Depuis cinq mois, il était plutôt calme et j’en appréciais la démarche. Ne jamais le pousser à croire qu’il pouvait m’intéresser, c’était un mot d’ordre. J’avais déjà du mal à me regarder en face lorsque je me permettais de penser à lui, de songer qu’il pourrait me correspondre s’il n’avait pas été si jeune. Il m’arrivait de trouver dommage qu’il soit né si tard. Et des remarques comme « S’il était majeur… », « Encore combien de temps avant qu’il ait dix-huit ans… » me donnaient envie de vomir et de me rompre la tête contre les vitres. Alors je l’ignorais plus fort.
Deux ans.
Il la voulait, sa correspondance, et moi, elle me plaisait bien. Parce qu’au final, Mathys m’apprenait toujours plus sur moi, sur le monde, sur l’œuvre d’un peintre complétement inconnu ou sur le sens d’une musique mille fois entendue.
« Un an », c’est ce qu’il avait dit à Mélodie. « Un an avant la FAC et son retour en France. » Il reviendrait en juin.
Je me tournais vers les chiens après avoir fermé mon PC. Je n’avais pas envie de répondre tout de suite et de toute façon, les quatre yeux posés sur moi m’invitaient à me rendre dans la cuisine.
Suivi de près, j’ouvris le frigo tout en pensant à quoi envoyer à Mathys pour son anniversaire. Max avait dit un livre. Evack avait proposé un magazine de lingerie… Bref… J’avais encore à réfléchir avant qu’ils n’envoient le colis.
Peut-être lui écrire un truc rien que pour lui pour marquer le coup. L’année dernière aussi, il m’avait offert un cadeau. Un carnet avec une peinture de Klimt sur la couverture : Les Sirènes. Il n’avait pas oublié que je l’aimais beaucoup.
Moi, je l’avais juste remercié en lui demandant de ne plus m’envoyer rien. Il n’avait pas écouté. D’ailleurs, qu’écoutait-il que lui ?
Les deux gamelles dressées, j’avançai vers ma guitare.
Mathys aimait la musique autant que moi ; pourquoi ne pas lui écrire une partition. Juste quelques notes qui formeraient un refrain facile à retenir et rien que pour lui.
J’attrapais mon instrument avant de le relâcher.
— Mais bien sûr, n’est-ce pas une attention trop romantique ! ironisai-je. Je lui ferais envoyer un paquet de bonbons et ça ira bien.
Alors pourquoi, je repris Guéguette, ma guitare, par le manche et tirais une feuille de la photocopieuse avant de m’asseoir confortablement.
Qu’est-ce que j’avais à écrire sur Mathys… ?
Finalement, j’abandonnais tout et sortie sur la terrasse. On pourra dire ce qu’on veut, le temps était complétement pété lui aussi.
Le soleil était aussi chaud qu’au printemps, à la différence qu’il s’agissait d’un 4 janvier.
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