Janvier 2015 - 18
(Ely)
— Des bonbons ? T’as raison, il va adorer. Je le vois déjà les jeter contre le mur de son dortoir, s’esclaffa Evack en rangeant mon cadeau à l’intérieur du colis.
— Vas-y, marre-toi. Qu’est-ce que tu veux que je lui offre ?
— Un peu de respect, me chariat-il.
— Je le respect. Ne fais pas le con, Evack ! C’est un minot et p’tain, c’est ton cousin, merde ! Tu penses à quoi ?
— À rien, Ely. Ne te fâche pas. C’est juste que j’sais bien que tu lui plaies. Et qu’il sera déçu. Genre, t’as jamais cherché à te grandir pour qu’on te remarque, pour qu’on te donne de l’attention ?
— Bien sûr que si.
— Ely, c’pas toi qui m’a dit qu’à quinze, t’as fait les yeux doux à un trentenaire et que vous aviez finit par vous rouler des patins.
— Si. Et je t’assure qu’il l’a très mal vécu quand il a su mon âge. Ma cousine était hors d’elle. J’avais merdé et ils ont tous les deux super bien réagi.
— Ouais, et toi, tu t’es senti comme de la merde.
— Ça m’est passé. Tu vois, je n’en suis pas mort.
Evack secoua la tête. Je savais ce que signifiait ce regard direct et cette tête de videur penchée.
— C’est clair. T’as fini dans les bras d’un certain Rex, deux ans ton aîné, et t’es resté plus de dix ans avec lui, après ce petit recadrage.
— Ce n’est pas ça qui m’a conforté dans mes mauvais choix, Evack.
— Tu sais, Tys grandit et franchement, ce gamin, comme tu dis si bien, il a un œil sur tout, il sait des tas de choses sur nous tous auxquelles on ne s’attend pas. Je te prédis qu’il finira par te mettre le grapin dessus un de ces jours.
— Ouais… Bah, il va devoir s’accrocher, mon gars. Je vais l’épuiser bien avant de céder à quoi que ce soit. Fais-moi confiance, il finira par se lasser quand il verra que je ne rajeunis pas.
Evack glissa la main dans ses cheveux. Une ombre passa sur son visage. Son regard prit dans l’étaux d’un éclat trop sérieux, me le rendit grave. Quand il était comme ça, je sentais toute la détresse qu’il endurait chaque jour.
— Je comprends très bien que pour le moment il soit trop jeune, je serais le premier à te sauter dessus si tu commençais une relation avec lui, mais je sais aussi, qu’il attire ton attention, que ça te fait souffrir, sans que je sache à quel degré. Qu’est-ce que ça ouvre chez toi ? J’connais pas tout de toi, Ely. Tu caches un paquet de trucs. Tu parleras un jour et j’t’écouterai et j’comprendrai mieux. Pourtant, il y a quelque chose d’important à savoir dans l’amour, c’est que ça ne se commande pas. Parfois, il lie les mauvaises personnes et ça flingue plus que ça procure du bien-être. De l’amour entre deux personnes consentantes, je tiens à préciser. Pas de manipulation, seulement deux cœurs maudits. Oublie les normes d’une société qui te dicte toutes les bonnes marches à suivre, même comme tu dois respirer. Dans le cas où tu serais trop con pour gonfler tes poumons…
— Je ne suis pas amoureux de Tys. Je le trouve intéressant, captivant, mais je n’en suis pas amoureux. D’où tu sors ça ?
— Je te parle globalement... et un peu de moi aussi.
Il ne remarquait même plus la façon dont je parlais de moi. Féminin, masculin était devenu un savant mélange dans mes phrases.
Un peu de lui aussi.
— Je ne te juge pas. Ni toi ni Zéphyr.
— Je sais, et je t’en remercie.
Avant d’aimer, je voulais me guérir. Je voulais retrouver tout ce que j’avais perdu pendant ces longues années, ma liberté. Ne plus m’enchaîner à qui que ce soit et voyager. En moi et au bout du monde.
J’avais besoin de rire, tout en me sentant moi. Mais ce n’était pas encore le cas. Il y avait encore des démons à déloger de mon crâne, des habitudes qui me poussaient à rester chez moi plutôt qu’explorer.
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