Février 2015 - 20
(Mathys)
Il n’était pas rare qu’Ely mette plusieurs jours, parfois des semaines, à me répondre. J’avais appris à compter avec, ignorant le mal que ses silences me procuraient.
Je ne pensais pas avoir exagéré en lui envoyant mon dernier mail. Il n’y avait rien de provoquant, rien de sous-jacent. J’avais voulu lui montrer qui j’étais, et non qu’iel s’aperçoit que mes hormones me travaillaient peut-être trop depuis quelque temps. J’avais le désir de lui rester, respectueux, mais peut-être m’étais-je égaré une fois ou deux, sans être explicite non plus.
J’aurais beau me raconter des histoires, je savais qu’iel était en train de me punir comme un enfant, en m’ignorant. Et ça me broyait les os, jusqu’au cœur.
Trois semaines… C’était déjà long, mais bien moins pire qu’au mois de septembre, où j’avais attendu deux mois avant qu’Ely ne dévie le sujet de mon envie d’embrasser ses lèvres, un jour, à comment iel interprétéait la quête de Lestat (dans les chroniques vampiriques). Belle façon de me mettre une veste, sans marquer en lettre capitale : RESTE À TA PLACE GAMIN. Il y avait eu du progrès.
J’éteignis mon ordinateur avant de le faire glisser dans un tiroir, que je refermais. J’envoyais un regard à une partition que j’avais écrite, un morceau que j’avais du mal à associer avec le reste de mon travail. Mon violon dormait dans son étui. Une semaine que je ne l’avais pas touché. Une semaine que je me morfondais devant ma boîte mail vide.
J’attrapais mes affaires de danse. Mon prochain court allait bientôt débuter. J’avais besoin de chauffer mon corps, d’étirer mes muscles, de mettre à l’épreuve mes émotions… Et la danse me procurait du soulagement pour le moment. Quand je dansais, je vivais loin de l’asphyxie. Pour dire vrai, j’avais besoin de faire mille et une choses pour m’éviter les questions existentielles qui m’accablaient depuis petit.
Dans les couloirs du dortoir, les âges se confondaient, comme les pensées. Personne ne jugeait personne sur son degré de maturité.
Je sentis une main glisser sur ma nuque, la reconnu aussitôt.
Willem.
Il avait dix-sept ans. Un teint mat. Des fesses rondes et craquantes. Et le pot pour me croiser quand le moral m’abandonnait.
Un sourire de Matador s’étira sur ses lèvres pleines. J’avais pu en apprécier la texture, plusieurs fois et dans plusieurs coins de l’académie. Il était mon substitut à Ely, son contraire le plus total.
— Un problème, beau Gosse ? demanda-t-il.
Il ne demandait ni par politesse ni par ruse. Il savait reconnaître mes humeurs. Je l’appréciais pour cette raison.
— Tu es trop pressé, beaucoup trop réactif. Iel a raison, t’es un gosse.
— Je le suis à bien des égards, soupirais-je.
Je l’étais encore parfois. Plus que je ne l’aurais voulu.
— Oh ! Mathys. Ne puis-je pas te convenir, pour ce petit lapse de temps. Oublie ton « iel » et laisse toi aller à un beau mâle tel que moi.
Je pouffais de rire. Will arqua un sourcil, se voulant très sérieux, avant d’exploser de rire.
Ouais, j’étais un gamin.
Mais j’étais très loin d’être le seul, et mon âge n’avait rien à y voir.
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