Septembre 2015 -28
ely
J’embrassais Mélodie. Max attrapa les étuis de Gueguette et de Clara, les mis dans le coffre. Je saluais tout le monde, fixant malgré moi Mathys en haut des escaliers, Lucien dans les bras. Il me renvoya mon regard avant de disparaître. J’aimais bien la nouvelle façon dont il attachait ses cheveux. Dans un chignon déstructuré.
Je devais avoir une mine affreuse. La nuit avait été courte. J’avais repassé notre conversation en boucle et irrévocablement, je l’avais aimé. J’aimais lui parler, j’aimais l’écouter… et le comprendre. Je jurerais qu’il finirait en Science Po avec son art d’orateur ou en tant qu’avocat.
Son éloquence était désarmante, stupéfiante et si inadapté pour un gosse de quinze ans.
J’avais très bien entendu que pour lui je n’avais pas d’âge.
Mais pour moi, le sien était gravé dans ma peau.
J’ignorais le jeune homme qu’il était devenu. J’ignorais les battements de mon cœur, et cette « affection » qui grandissait. Il y ignorait peut-être les dégâts que pouvait engendrer ce genre de relation, pas moi. Il découvrait son intimité et cet « amour » dérrangeant qu’il me portait pourrait avoir un grave impacte sur sa vie sentimentale. Mes sentiments, quelques qu’ils soient ne favoriseraient en aucun cas sa croissance. Je fermais les yeux sur lui et le reste.
J’entrais dans la voiture, Max me bassina avec un nouveau salon du livres qui « serait bien de faire ».
— Ça te rendrait plus visible, recommença-t-il.
— Je le suis suffisamment. Je n’ai pas besoin de plus. J’ai trouvé mon équilibre. L’argent amassé me permet une vie agréable.
— Je ne parle pas d’argent, Ely. Je parle de ce que tu dis dans tes livres, j’aimerais que tes récits soient mieux diffusés.
— Tu sais ce que je pense de ça, si un lecteur doit avoir mon livre entre les mains, il l’aura. Je fais les salons, seulement pour faire plaisir à ma communauté, maintenant. Puis, j’ai pas mal de week-ends bouclés avec Evack, Jeck et Armand.
— Ça te convient ?
— Franchement ? Ouais. Ma vie me convient. Elle est plus douce que je ne l’aurais jamais imaginé. Je me sors doucement de mes blocages. Te dire que je pète la joie, serait mentir. Il manque encore pas mal de morceaux pour que je sois entière. Mais j’ai encore le temps, non.
Je n’avais pas terminé mon évolution. Peut-être étais-je encore une adolescente bloqué dans des problèmes de grands.
Je passais une main sur son épaule et la serra.
— C’est quoi le véritable souci, Max ?
Je le lisais comme un livre ouvert. Et j’avais sentis de la tension entre lui et Mélodie.
— OK. J’ai été contacté par une maison d’édition, plutôt gratiné, si tu vois ce que je veux dire. Ils ont besoin d’un agent pour deux de leur romanciers vedettes. Le salaire est carrément bon. Mais il faut que je me libère de la place.
— Et c’est pour ça que tu veux me rajouter une date ? Max, faire moins de salon, moins d’interview et toute la clique, ne me dérange pas. Alors si tu réduits tes heures avec moi, ça me va très bien aussi.
Il ne dit rien, mais je compris son silence. Il me remerciait de ma compréhension.
— T’es mon pote Max. T’es plus vraiment mon agent, on se capte ?
— On se capte, se marra-t-il.
La route se poursuivit sur un son que je connaissais bien pour l’avoir passé en boucle adolescente : l’opening de City hunter. Si Max était devenu mon ami, tout le monde savait pourquoi. On était deux fervent fan du célèbre détective privé Ryo Saiba, alias Nicky Larson. La pop culture japonaise, ça nous connaissait et on pouvait en parler des heures.
En arrivant à la gare, il vérifiait que j’avais tout le monde dans les mains : Clara et Gueguette.
— Tu reviens quand tu veux.
— Je sais.
— Et encore désolé pour Mathys. Tu sais comment sont les ados.
— Je sais comment ils sont, et toi aussi, on a été comme lui.
— Non, pas vraiment, m’avoua-t-il. Je préférais les week-ends avec mes potes qu’avec mes parents.
— Il profite un peu de vous. Depuis qu’il est rentré il vadrouille entre Evack et le reste des Torrens.
— C’est pas faux.
Je lui tapais la bise en serrant son épaule. Max devait avoisiner le mètre soixante-seize, maximum. Ce n’était pas un gros effort de tendre une main vers lui. Ça l’était plus avec Evack, Armand et Jeck, qui dépassaient essaiment le mètre quatre-vingt.
— On se voit en octobre, me lança-t-il.
J’avais un salon dans le centre et un en bretagne.
Je le saluai et fila vers le quai.
Je pouvais penser ce que je voulais, depuis que j’avais rompu avec Rex, j’avais recommencé à respirer. Je crois que ce fut la mort de mes parents qui m’avait donné des ailes. Leurs maladies m’avaient pas mal bloqué, elles aussi.
Bon, j’avais encore des difficultés à décoller et à atterrie, mais je volais plus loin, plus longtemps. Peut-être qu’il aurait fallu que je reste dans les airs sans plus jamais me poser.
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