Mathys

Dans ma chambre d’étudiant, loin des regards curieux, j’ouvris le cadeau d’Ely. Ce n’était pas un paquet de bonbons. C’était léger, petit ; une feuille cartonnée où la chanson de Hugues aufray, Petit Simon, était écrite à la main.

Petit Simon,
Tu es encore petit
Pour bien le comprendre aujourd’hui
Mais tu verras lorsque tu grandiras
Un jour, tu comprendras

Je souris en lisant les paroles. Elle portait un sens qu’Ely connaissait surement. La guerre. Mais ici, ces mots n’avaient pas d’autres significations que de me remettre encore une fois à ma place. J’avais mal au fond du cœur et partout dans le corps. Ely, qui est ce petit garçon dont tu parles ? Où est-il ? Je ne le vois ni dans tes yeux ni dans ceux de qui que ce soit… même ma mère ne parvint plus à le trouver. Le petit Mathys. Il se terrait un peu plus, parfois rattrapé par des cauchemars d’un père suspendu à une poutre. L’insouciance ? Je l’avais perdu pendant ses six mois à fuir avec lui. À écouter son mal-être et ses plus grandes peurs. J’ai écouté mon père, un adulte, me dire qu’il était encore un enfant et que la vie avait été dure, les rêves des illusions, qu’il était terrifié.

— Ce n’est pas des étoiles que je veux accrocher à ma poitrine, ce sont les battements de ton cœur que j’attends. Un jour, je serais assez près de toi pour les inscrire sous ma peau. Et tes avertissements dissimulés en cadeau ne vaudront plus rien.

Iel ne voulait pas comprendre. Mais tôt ou tard, iel serait obligé de s’y confronter. À cet amour qui s’échappait de moi.

— Un jour, Ely, tu ne parviendras plus à te cacher. Et je serais là pour te dévoiler.

J’accrochais la feuille sur le mur, là où je pouvais la voir. Outre le message dont je ne croyais aucun mot, j’appréciais les courbes de chaque lettre. Ely y avait mis un soin tout particulier. Iel me l’avait écrit, soulignant son affection envers moi. Pourquoi avait-iel pris la peine d’user de l’encre si ça n’avait pas d’importance ?

— Tu tiens à moi. Plus que tu ne veux te l’avouer.