Avril 2016- 34
Ely
Armand, bras croisé sur le ventre, l’air dubitatif, fixait un Evack sûr de lui.
— Je te dis que c’est un sanglier.
— Et moi, j’t’dis que t’as rêvé.
Il était deux heures du mat’, on partirait à huit heures pour commencer la première étape du GR 49, Saint-Raphaël -Rougon, et nous étions tous debout pour prendre parti de qui avait tort ou raison. Me concernant, j’avais été tiré de mon duvet par un Evack à peine gêné de me voir en caleçon dans les bras de mon mec.
Jeck se frotta le visage. Ses cheveux partaient dans tous les sens, il avait la marque de son sac sur la joue, l’air complétement dans ses souliers. Il m’envoya un regard consterné, je soupirai bruyamment en hochant la tête.
— Je fais quoi d’eux ? me demanda-t-il. Je les noie ou je leur colle un sanglier au cul ?
— Tu connais la zone mieux que moi, fais comme tu sens, je retourne me coucher.
En me tournant pour rejoindre ma tente, je tombai sur un Mathys distant, au regard sombre. Pour une fois, ce n’était pas moi qu’il regardait, mais mon petit-ami du moment, Jules. J’aurais préféré qu’il ne vienne pas bivouaquer avec nous ce week-end, j’aurais voulu qu’Evack me prévienne pour que je ne ramène pas Jules avec moi. Mais depuis qu’il s’était pris le chou avec Zéphyr, pour je ne sais quel propos, il avait la tête dans ses problèmes.
Jules ne remarquait pas l’amertume qui coulait de Mathys, alors que je la sentais, constante, se déployer comme un éventail dans l’atmosphère. La jalousie lui allait aussi bien que le reste. Et quelque part, dans les montagnes lointaines de ma folie, je jubilais de le voir ainsi. Son assurance était amoindrie et je pouvais à mon tour observer sa fragilité. Mais pas trop non plus. J’avais peur qu’elle m’entraine là où je ne voulais pas la suivre.
Sans m’attarder davantage sur Mathys, j’invitais Jules à retourner dormir.
En le laissant glisser sous la tente, j’entendis un claquement de langue dans mon dos. Je me forçai à ne pas me retourner et fermai derrière moi.
La voix de Jeck gronda et deux claques se perdirent dans la nuit, suivies de deux plaintes. Le zip des tentes et des duvets s’éternisa avant que le silence revienne et que je sente sur mon torse une main s’agiter. Un baiser caressa ma peau, mon cou, ma joue, mes lèvres. La chevelure blonde de Jules m’encadra, alors qu’il se hissait sur moi.
— J’ai envie de toi, susurra-t-il à mon oreille.
Il avait envie de moi, c’était certain. Et dans le noir de la tente, j’avais envie de lui.
— Si tu te sens capable d’être silencieux, alors…
Je n’eus pas le temps de terminer, qu’il envoya valser son tee-shirt et son leggins avant de tirer sur mon caleçon.
Jules, je l’avais rencontré au Hongrois, comme je rencontrais la plupart de mes conquêtes. Il avait dix-neuf ans, des cheveux longs, blond comme les blés, et des yeux d’un vert pale à s’y délecter. Il était doux, prévenant et peut-être un peu gay. Il ne le savait pas ou n’était pas encore convaincu de son orientation sexuelle. Je lui plaisais, parce que je ne le « forcerais pas ». C’est ce qu’il m’avait dit.
Il s’allongea contre moi, je sentais combien il était fin, câlin. Il m’embrassa, caressa mon torse encore et encore, comme si c’était là la partie de mon corps qu’il préférait, avant de glisser entre mes jambes. Cette nuit, il me sembla me manquer quelque chose entre les jambes pour être tout à fait moi. Ce soir-là, j’étais plus lui que je ne l’avais été avec une autre personne. Ça me pesait de ne pas pouvoir faire l’amour à Jules comme je le ressentais dans mes tripes. C’est dans ces moments-là que j’aurais tout donné pour être un mérou. Pourvoir choisir quand être elle et quand être lui.
J’étais lui, elle, iel… parfois juste Ely. Mais mon corps restait toujours le même. Il ne se transformait pas.
Je n’étais pas équilibré entre mon féminin et mon masculin depuis quelque temps déjà. Ça reviendrait… Ou peut-être que non.
Le bout de sa langue me fit esquisser un sourire, avant que mes nerfs me lâchent et que "Dominance" prenne le dessus. Jules aimait ça. Que je le surplombe, que j’enroule mes bras autour de sa taille de Marathonien. Je glissais mes mains sur ses hanches, puis sur ses fesses avant de me cramponner à ses cuisses. Il enroula ses jambes autour de ma taille, recevant les coups de reins qu’il aimait tant. Même s’il n’y avait pas de pénétration à proprement parler, lui et moi avions beaucoup d’imagination, et les sensations allaient bon train entre nous.
Jules était le premier qui comprenait "celui" que j’étais.
Ce besoin de le pilonner et de le voir prendre du plaisir simplement en ressentant l’appui formé contre ses fesses, me comblait.
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