Avril 2016 -35

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Ely

Jeck marchait en tête, suivi d’Arman et d’Evack. En temps normal, j’aurais été le suivant, mais la froideur de Mathys envers Jules m’avait fait réfléchir. J’avais placé Jules derrière mon pote, tandis que j’accueillais comme une vieille habitude la force des regards de Mathys. Étrangement, ça me rassurait qu’il puisse encore poser ce regard sur moi. Je me serais attendue à une envie de vengeance et d’ignorance crue, mais il était fidèle à lui-même, rien ne devait être plus passionnant que mon dos.

Je le laissais me scruter, alors que doucement, je coulais à l’intérieur de ma tête, pourchassant la prochaine histoire qui m’éveillait le soir, sans que je puisse pour autant la commencer. Je m’organisais, dans mon propre esprit, et collais dans chaque casse d’un grand tableau l’itinéraire de mon récit. Je schématisais rapidement, esquissais un décor sans couleur, séquencé, jusqu’à tomber sur mon premier personnage, celui auquel je m’attachais comme à une bouée en pleine mer. Je prenais du temps pour le détailler. Seulement dans ma tête. Une fois sur le papier, il mettrait du temps à se découvrir au lecteur.

— Ely ! Sors de ta bulle, Bordel.

Je relevai la tête du sentier et plantai mon regard dans celui d’Armand.

Tout le monde s’était arrêté, alors que j’étais prêt à marcher encore des kilomètres.

— On s’arrête ici pour aujourd’hui.

Je regardais ma montre. Il était déjà 17 heures.

Je rebroussais chemin vers le groupe et retirais mon sac, avant d’y sortir le matos pour remonter la tente.

Jules s’activa à côté de moi, quand mon regard s’attarda sur Mathys. Avoir Mathys et Jules sous les yeux au même moment, me fit un choc.

Je n’avais pas remarqué combien ils se ressemblaient.

Jules était une version plus pâle de Mathys.

Une version plus âgée que lui… de trois ans.

Et là, je me remémorais la tête d’Evack lorsque je lui avais présenté Jules. Ce moment de doute dans ses yeux bruns.

Avec précipitation, je me redressai. Jules inclina la tête, inquiet.

Ça va ?

Ouais, mentis-je. Une envie de pipi. Je reviens.

Et je partis le plus loin possible que je pus.

Je me posai sur une roche, pour ignorer que je sortais avec Mathys sous une forme légale, sous une forme mature.

Peut-être étais-je resté un peu trop longtemps en pause pipi. Parce que j’entendis la voix d’Evack juste derrière moi.

— T’es pas en train de pisser ! Quelque part ça me rassure, s’amusa-t-il, pour détendre ce que j’avais de tendu dans le cœur.

J’aimais bien fuir. Mettre un masque sur mon visage. Ignorer ce qui me faisait mal.

Mon pote s’approcha de moi, avant de s’installer et de contempler la nature qui se déroulait devant nous. Il n’y avait rien de plus reposant que de la roche, de la verdure et du silence, pour me plaire.

— On aurait dit que t’avais vu un fantôme, Ely. Qu’est-ce qui ne va pas ?

— Tu le sais.

— Je le soupçonne, mais je ne le sais pas. Dis-le moi.

— Me force pas. Ça me dégoûte.

— Jules, c’est Jules. Je t’accorde qu’il a des airs de Mathys, mais c’est le jour et la nuit. Ils n’ont rien à avoir l’un avec l’autre.

— On dirait des frères, Vack.

— On dirait la plupart des personnes que tu fréquentes, surtout. On ne va pas se mentir. T’as un gros faible pour les châtains et les blonds. Tu choisis toujours des petits gabarits, homme ou femme. Et la plupart ont les yeux noisette ou vert. La peau un peu dorée. Et la taille fine.

— Ferme-là, Vack, me renfrognai-je.

— Non, parce que tu te reproches un truc que t’n’as pas à te reprocher. Tu sors avec Jules.

— Et Mathys lui ressemble. Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ?

— Ely ! T’écoute pas ce que je dis. Jules n’a rien à voir avec Mathys. Ils sont à des années lumières de se ressembler, dans leur caractère et dans leur manière.

Pour ça, Evack avait raison. Et peut-être que pour le reste aussi. Il se trouvait juste que Mathys ressemblait à mon genre idéal. Bien avant que je ne le rencontre, j’avais toujours préféré les châtains-blonds aux yeux verts. Les peaux dorées avaient quelque chose de séduisant, de solaire… Au collège, j’avais craqué pour trois garçons avec cette description. Et quand j’en croisais un dans la rue, je pouvais le mater le temps qu’il disparaisse.

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