juillet 2016- 38
ely
Comme chaque année, il y avait du passage dans le domaine en Auvergne.
Les Torrens ramenaient de nouvelles têtes à chacune de leur arrivée. Moi, j’étais avec Gueguette et Clara. Je n’aimais pas emmener des conquêtes ici, contrairement à un certain ado. Il avait encore les yeux braqués sur moi, alors qu’une grande partie des jeunes gens squattant la piscine n’avait d’yeux que pour Prune, sa copine. Si je m’en étais douté. Mathys était surprenant. Il avait bon goût aussi.
Je le fixais. Derrière mes lunettes, s’en doutait-il ? Je n’avais pas à hésiter sur la réponse, alors je levais mon bouquin jusqu’à mon visage pour couper le contact. J’arrivais de moins en moins à m’empêcher de le regarder. En maillot de bain, je pouvais détailler chacun de ses muscles de danseur, et c’était comme observer un félin se mouvoir.
— Arrête d’y penser et tu passeras de bonnes vacances, me rassurai-je.
Je replongeais dans ma lecture, avant qu’une ombre ne me cache le soleil. Je levais les yeux vers Jupiter, le fils des voisins me tendit une limonade.
— Il fait un peu chaud, je me suis dit que tu aurais soif.
Je l’attrapai en souriant, et quittai mon livre. Jupiter s’installa sur mon transat, à l’aise, dans son corps de jeune éphèbe de dix-neuf ans. Je n’avais pas raté ses œillades ou cette façon qu’il avait de parler un peu plus fort quand je passais dans le secteur.
— Merci.
Il étira ses lèvres épaisses. Ses yeux bruns se plissèrent joliment. C’était un beau garçon qu’un an de plus avait galbé.
— Ce soir, on fait une soirée à la maison, tu viendras ?
— Je croyais que c’était interdit aux « vioc ».
Il explosa de rire avant d’esquisser à nouveau son sourire charmeur. Jupiter l’était. Il le savait, il en jouait. Ça ne me déplaisait pas.
— Qu’y a dit ça ?
— La rumeur.
— Bien entendu, tu n’es pas du genre à écouter les rumeurs, et tu as conscience de ne pas être une « vioc ».
Une … il me voyait comme une femme à part entière, mais se gardait bien de fermer les yeux sur mon torse. Il le dévorait du regard avec envie.
— Je vais voir si je peux me libérer, le taquinai-je.
— Viens, ça sera chouette.
— Si c’est une promesse tenue, alors je pourrais bien me libérer.
Il sourit encore en dévoilant toutes ses dents. Il avait une bouche immense. Et un regard coquin qui me plaisait bien. Il était simple. Un peu gauche, mais ça rajoutait à son charme.
Il se leva, me lançant un clin d’œil. Je haussais un sourcil.
— À ce soir, Jupiter.
Il se mordit la lèvre inférieure, comprenant ce que j’insinuai.
Il était beau, majeur, vacciné, et j’avais envie de m’enlever un effronté de la tête. Celui-ci m’oublierait bien vite. Jupiter aimait les défis. Et j’en étais un.
Je repris ma lecture, quand le cri de Zéphyr m’alerta. Je redressai le cou, avant de me prendre une bombe d’eau et de ruisseler comme un torchon sous une pluie battante. Une vague de rire explosa. J’entendis clairement celui d’Adès et de Max de l’autre côté de la piscine.
Zéphyr se hissa sur le bord, je lui tendis la main en voyant à qui il échappait.
Evack.
— J’en peux plus de ce mec, dit-il avec un sourire non dissimulé.
Il essora ses cheveux qui lui couraient au bas des cuisses, et s’excusa pour son « abruti » de frère.
— Comme si je n’en avais pas l’habitude, lui fis-je remarquer.
— Pyrri, reviens ! brailla mon pote vers son frère.
Evack me fixa longuement avec ce petit air malin qu’il avait souvent, en attente d’une connerie à programmer.
— C’est quoi ce sourire à la con ! lui lançais-je.
— Tu verras.
Rien pour me rassurer.
Il regarda au pied du transat mon portable, avant de lever son pouce.
Je secouai la tête en me tournant vers Zéphyr, exaspéré.
— Franchement, qu’est-ce que tu lui trouves ?
Ça m’échappa.
Zéphyr déglutit durement en baissant le regard.
Merde !
J’avais beau savoir ce que je savais, Zéphyr pensait être suffisamment discret pour éviter ces remarques.
Avant que je n’aie pu rectifier le coup, je me sentis soulevé dans les airs et propulsé dans la piscine. Evack souriait devant moi. Qui me portait ?
Je contractai tous mes muscles sous la pression de l’eau et la surprise. Mais je ne remontais pas tout de suite. Je restais sous l’eau. J’avais besoin de visibilité pour retrouver la surface et pour retirer le maillot d’Armand qui venait de me jeter, comme un sac, à la flotte.
En le repérant au-dessus de moi, je tirai un coup ferme et le défroquai d’un geste maîtrisé, avant d’immerger et de balancer le short sur les dalles.
Les rires jaillirent de plus belle. Armand se colla contre la paroi de la piscine et moi, je jubilais.
— Bah alors ? Tu comptes rester cul nu.
— Ah ! Ely ! Mon short ! J’suis à poil.
— Non ! Sans déconner. Jure !
À l’autre bout de la piscine, je me hissais sur le rebord, capturant le rire de Prune derrière moi. C’était mélodieux, féminin.
Sans le vouloir, je me retournai vers la jeune femme. Elle était allongée entre les jambes de Mathys, sa tête reposant sur son torse. Mon cœur se crispa, mes poings se serrèrent. De quel droit mon corps me trahissait comme ça.
Mathys riait lui aussi.
Il n’ignora pas mon regard. Au contraire, il y planta ses yeux brillants de ce vert hypnotique.
Jusqu’où ce regard finirait par m’emporter ?
J’aimerais pouvoir me le sortir du crâne, faire comme si je ne pensais pas ce que je pensais quand j’osais poser mon putain de regard sur lui. C’était haïssable, ce qui me mordait le corps et l’esprit.
J’avais envie de noyer ma dégueulasserie.
Annotations
Versions