Juillet 2016- 39
ely
Il n’y avait presque que des vingtenaires et des teenagers. Sans étonnement, je me fondais parfaitement au décor et au corps qui s’agitait sur la piste. D’ici moins de dix minutes, je m’y lancerais aussi et je viendrais bouger mon corps, mais avant, je me dirigeais vers Jupiter, qui une fois croisé mon regard quitta son groupe pour me saluer.
— Alors t’es venue ?
— Pourquoi ça t’étonne ? Je crois t’avoir dit que je viendrais.
— Je n’étais pas certain que ça t’emballe, mais je suis content que tu sois là.
Il n’arrêtait pas de sourire, ne sachant pas à quelle distance il devait se tenir de moi.
— T…t’as soif ?
— Pas vraiment, mais j’avoue que le son déchire.
Je n’avais aucune idée de qui chantait sous les baffes de la stéréo et je m’en cognais royalement. J’avais juste envie de bouger mon corps au rythme des percussions.
— Tu veux danser ? m’invita-t-il.
— J’y compte bien, seul ou accompagné.
— Je peux me trémousser avec toi ? proposa-t-il dans un éclat de rire.
Il était à croquer dans son bermuda rouge et son tee-shirt trop court qui laissait voir son ventre plat. Ses cheveux bruns rebiquaient et j’avais envie de passer une main concupiscente à l’intérieur.
Il se mordilla la lèvre, avant que je ne l’entraine sur la piste. Et là, je n’étais plus personne. Je devenais un millier de mouvements. Je me changeai en air, sentant la pulsation des basses dans tout mon être. J’étais vibration. Et plus les titres se succédaient et plus j’avais besoin de substance auxquelles me raccrocher.
Jupiter se mouvait, agitant aussi bien le bas de son corps que le haut. J’aimais les mecs qui savaient danser. Qui savait bouger leur rein… Il y avait quelque chose de dévergondé dans la rotation d’un bassin masculin, quand chez une femme, il y avait le charme de la séduction la plus mordante.
Plus les minutes s’égrenaient, plus je me rapprochais de Jupiter. Rien à foutre du poing de côté qui m’empêchait de me tortiller. Rien à foutre de ma gorge asséchée. Quand j’étais le son et l’air, plus rien ne me retenait. Toutes mes barrières dégringolées. Je n’étais que le mouvement.
Un instant, je fermais les yeux pour ressentir plus fougueusement la musique et le sang qui pulsait sous ma chair.
Je restais à ma place. J’entendis Jupiter m’avertir qu’il allait nous chercher à boire. Dans le souffle éreinté de sa voix, je sentais qu’il n’était pas endurant. Je ne l’étais pas non plus, en règle générale. Mais sous la coupe d’une musique entrainante, je me transformais en fauve inarrêtable.
Je continuais.
Encore.
Bouger.
J’en avais plus que besoin.
Et quand je sentis ce corps inconnu se rapprocher de miens, j’acceptai de danser avec lui. Effleurant sa peau. Ce n’était qu’un dos, qu’un bras qui en caressait un autre dans la foule, mais c’était déjà beaucoup pour me donner envie de m’y coller un peu plus.
Et je le fis. Ce n’était qu’une épaule, qu’une chevelure dans une autre, que nos parfums et notre sueur qui se faisaient l’amour sous un son toujours plus brut et décadent.
Sa main rentra en contact avec la mienne. Elles s’enlacèrent. Et j’ouvris les yeux, arrêtant tout mouvement.
Je lâchais cette main, que j’avais plus d’une fois sentie dans la mienne. C’était différent de ces fois où, pour s’aider à grimper un rocher, une pente glissante, on s’accrochait à la première main tendue. C’était encore différent que lorsqu’on se passait un plateau de fromage et qu’un doigt allait en caresser un autre.
Sans même me retourner, sans même confirmer qui j’avais derrière moi, je traversais la masse des corps dansant pour rejoindre Jupiter deux verres à la main.
— Limonade ? sourit-il en me tendant mon verre, un peu surpris de me voir.
— Pas seulement, soufflai-je en attrapant son poignet et en l’entraînant à ma suite, plus loin, où le bruit serait moins assourdissant.
J’avais besoin de rejoindre les abysses. J’avais besoin d’y emmener un autre corps. Mais pas celui qui corrompait mes pensées.
Jupiter voulait de moi. Alors me donnerait à lui.
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