Juillet 2016- 43

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ely

Il était trois heures du mat’, quand je fourrais mon sac de rando dans le coffre du van. Je montai, silencieux.

Tout au fond, collé contre la vitre, je fermais à nouveau les yeux, avant de sentir une masse effleurer mon épaule. Un imprudent venait tout juste de s’assoir à côté de moi. C’était vraiment pas le moment de me coller. En temps normal, je n’aimais pas ça, mais alors me coller quand je venais de me lever vingt minutes plutôt, c’était ce condamner tout seul.

— Sans dec’, y’a pas assez de place pour me coller, mec !

— Plus pour longtemps, chuchota, à mon oreille, une voix qui me refroidit.

Je me redressais, les yeux dans la marmite, mais ouverts, et braquais mon regard sur Mathys. J’étais persuadé qu’il s’agissait d’Armand. Il était particulièrement collant, et avec tout le monde.

— Qu’est-ce tu fiches ici ?

— Comme toi, je présume. Je vais me faire un petit levé de soleil.

Impossible de louper le sourire en coin qui dessinait ses lèvres trop rouges.

Regarde ailleurs, me rabrouais-je.

J’observais le cirque dehors. On ne serait pas quatre comme prévu, finalement. Le Van serait bientôt complet. Et le chahut qui me parvenait, me fit grincer des dents.

— J’suis sûr que la moitié ne savent pas grimper, râlais-je entre mes dents.

— Une chance que l’autre moitié en soit capable, s’amusa Mathys dont le bras s’appuya trop au mien.

— Trop près, Tys, soufflai-je, sans plus le regarder.

— Désolé, c’est ma faute, Ely.

Je me tournais vers le siège qui était encore libre deux secondes auparavant. Marius.

La ranger de fauteuils devant nous se remplit en deux minutes chronos, accompagnée d’un brouhaha plus féroce que jamais. Je sentais la mourtade me monter au nez.

Je sortis mon portable, déjà gonflé par la voiture, à côté, qui se remplissait, elle aussi.

Ely - 3H03

T’as branlé quoi Jeck ?

On était supposé y aller tous les quatre ?

C’est qui ça ?

Jeck – 3H04

Ouais, j’sais.

Mais j’étais peut-être un peu rébou, hier soir.

Face à la fenêtre, je fourrais mon portable dans la poche intérieure de ma veste. Le bruit me mettait les nerfs en bloc. Qu’il se la ferme, Bordel !

Mathys gesticula. Si je n’aimais pas des masses qu’on me touche, lui ne supportait pas d’être serré. Et avec Marius qui faisait deux fois notre taille et cinq fois notre poids en muscle, ce n’était pas évident. Ni pour lui ni pour moi.

Je fermais les paupières, me maudissant d’avoir laissé mon casque dans ma chambre. Un peu de musique aurait atténué le début de migraine qui pointait dans mon crâne.

Le moteur vrombit. J’avais la sensation de partir en colonie de vacances avec une floppée d’inconnus. Je voulais un peu de hauteur, loin du monde et surtout loin de Mathys. J’avais besoin de refaire le point sur mon texte, trouver un moment de paix pour tout reconnecter. Et là, on partait en expédition et j’entendais déjà les plaintes qu’un ou deux cons sortiraient avant le premier kilomètre :« j’ai mal aux pieds – J’ai soif – c’est quand qu’on arrive – Ouais ! Bah, c’est des cailloux ».

Collé un peu plus contre la fenêtre, je soupirais en cherchant à me calmer. Pas simple quand les « poules » de devant jactaient.

J’essayais de m’emmurer, pour mettre de la distance avec le monde, lorsque je sentis un écouteur glisser dans mon oreille. Je me laissais surprendre, inclinant la tête vers Mathys. Il fixait son portable, sans me prêter attention, et cherchait une musique qui saurait m’apaiser. Rapidement, la voix de Phylis Hyman caressa mon cœur. Il savait ce que j’aimais, et je l’appréciais pour ça. Mais le choix du titre, bien que j’adorasse son rythme, me posa problème : You Know How To Love Me.

— Chang…

— Je ne changerai pas, me coupa-t-il en enfonçant son portable entre ses cuisses.

Je ne dis rien de plus.

Je refermais les yeux que j’avais rouvert et appuyai mon front sur la vitre. Je faisais abstraction de la présence, trop proche, de Mathys, collé à moi ou de son pied contre le mien et me laissai envahir par la soul woman dans mes oreilles. Elle détruisait les jacasseries, me confectionnant un espace rien qu’à moi. J’étais bien, là où la musique retentissait. Elle avait un pouvoir libérateur sur moi. Je pouvais absolument tout faire en musique. À commencer par accepter la chaleur trop mordante qui montait en moi, alors que la tête de Mathyse reposait sur mon épaule. Je m’empêchai d’ouvrir à nouveau les yeux pour le contempler. Et le laisser s’appuyer toujours plus.

Il se rendormit le temps de la route, et profita, dans la foulée, que je sois proche de lui pour prendre un peu de ce que je lui refuserais toujours.

Comme un mantra, je me répétais son âge, répudiant la brûlure qui envahissait mon thorax.

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