Juillet 2016 -47

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Mathys

J’avais essayé de réveiller Ely, mais iel n’avait pas bronché. Je m’étais pourtant attendu à ce qu’iel m’envoie son poing dans la figure en se redressant comme un démon. J’imaginai que les larmes qui rougissaient ses yeux avaient eu la force de l’assommer.

Je retrouvais toujours Ely sur ma route, bien que je cherchasse à l’éviter parfois. Pas parce que je le voulais, mais parce qu’Ely me le demandait. Iel me le suppliait à travers son regard trop dur.

Ce regard que j’avais senti un instant après avoir glisser l’archè sur les cordes de mon violon, c’était le sien. J’avais cru l’avoir inventé pour me consoler, pour l’avoir auprès de moi, alors que ma pensée se tournait vers les maux de mon cœur. Quoi que je fasse, où que je sois, je pensais à Ely. J’en venais à me demander si Iel n’était pas devenu une obsession. Et si un jour, j’en guérirais. Malheureusement, je n’étais pas sûr que l’amour fonctionnât comme ça.

J’étais rentré au manoir prendre de quoi lea couvrir. Et j’attendais auprès d’iel, depuis. Le ciel noircissait. Minuit n’était pas l’heure la plus sombre. J’avais constaté, encore enfant, que les heures les plus noires étaient celles entre une heure et quatre heures du matin. C’était dans les ombres de ces heures que je caressais son visage le plus doucement possible. J’avais envie de profiter de ce moment, où iel ne pourrait pas me dissuader de lui offrir tout mon amour en un effleurement pas aussi pur que je l’aurai voulu.

Ely se tourna sur le flanc. Son front se colla à ma cuisse. Je n’avais pas la moindre idée de comment iel parvenait à dormir sur le sol humide. Mais c’était ellui qui avait le moins de mal à se lever de son duvet lorsque nous bivouaquions.

Iel tira légèrement sur la couverture, dévoilant ses épaules que les années élargissaient. En quatre ans, Ely avait changé. Son corps n’était plus tout à fait le même. De nouveaux tatouages avaient rejoint les anciens. Je longeais d’un doigt tremblant les arabesques sur ses biceps. Ses bras étaient moins épais que les miens, mais je savais qu’iel aurait suffisamment de force pour me broyer. L’envie de me glisser tout contre iel agita mon estomac.

Chaque nuit, j’attends le jour et chaque jour, j’attends la nuit. Si seulement je pouvais t’expliquer avec des mots rationnels ce qui se passe en moi quand tu es là. Mes sentiments ne se tarissent pas, Ely. Au contraire, ils grossissent. Ils se gavent de toi, du peu de ce que tu veuilles bien me donner.

Ça me faisait mal d’être né en retard. Ça me faisait mal qu’iel continue à me considérer comme un enfant. Je souffrais de ce que je ne pouvais pas lui dire. De ce trou dans ma poitrine que mon père avait laissé. De celui qu’iel avait créé ce jour même dans la bibliothèque quatre ans plus tôt.

J’aurais tant voulu lui parler de moi, plutôt que du dernier film vu en salle, ou de vieux singles de blues… J’avais envie qu’on se parle de nos études. De ces moments plus durs que d’autres, de ce besoin d’émancipation totale.

Ma main dans ses cheveux, j’observais le froissement de ses sourcils. Un autre cauchemar ?

Je caressai sa tempe, formant de petits arrondis. L’ombre sur son visage s’éclipsa, remplacée par l’apaisement. Un vif désir de l’embrasser me brûla les lèvres, mais iel dormait et je ne détenais pas son approbation pour un geste si intime.

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