Octobre 2016-54 ely

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Je le regardais esquisser un autre croquis pour la commande d’une couverture de fantaisie policière. Eden se forçait à rester concentré, jetant des coups d’œil à la feuille A3 sur laquelle Cerninos et Narcisse étaient peind. Il revenait ajouter des détails depuis les deux derniers jours. Je trouvais la peinture parfaite. Il pensait qu’il manquait quelque chose. Sans trouver quoi. Il travaillait trop et ne comptait pas ses heures, entre les commandes de couvertures, d'illustrations perso et pros, et de son temps partiel en caisse dans une supérette de quartier. Il me disait combien il voulait réussir par lui-même et je le comprenais tellement. J’avais été lui un jour. J’avais eu des patrons, des horaires, des obligations… Depuis quelques années tout était bien différent. Je vivais de ma passion et sans forcer. Tous les paysage était la fenêtre de son mon bureau. Je pouvais me permettre de partir au bout du monde pour travailler et visiter. Pouvait-on dire, cependant, que j’étais en vacances toutes l’années ? Non… Mon travail avait certaine facilité à l’orale, la réalité n’était pas la meilleur non plus. Chaque jour, je travaillais mes textes, la promotion de mes romans et tout ce qui faisait de moi un romancier de profession. Je pouvais dire : « je suis romancier ». Et à la question : « ça gagne bien », je pouvais répondre : « suffisamment pour ne pas avoir un patron derrière mon cul et des obligations salariés ».

Cette façon qu’Eden avait de tordre sa bouche quand il était concentré avait quelque chose de naïf, et j’avais envie de lui faire l’amour tendrement.

— Arrête de me regarder, tu me déconcentres, El.

Depuis peu, j’avais eu droit à un nouveau surnom. El. Simple. En deux lettres. Un surnom que seule Eden utilisait. C’était à lui et pour moi.

— Tu es si mignon.

Je restai sur ma chaise, devant mon bureau, le pc ouvert sur mon dernier chapitre.

— Mignon ?

Il se retourna en arquant un sourcil fin.

— Mignon ? répéta-t-il. Je suis quoi ? Un adorable chiot ?

— Quelque chose comme ça, me marrai-je.

— Est-ce que j’ai été mignon hier soir, aussi ?

Il me taquinait tout en replongeant dans son travail, le nez collé à sa tablette graphique.

Hier, il n’avait pas été mignon. Il avait été beau, sauvage. Mais toujours trop tendre. Je ne savais pas pourquoi, mais je n’étais jamais vraiment satisfait lorsque je couchais avec quelqu’un. Ou même repu. Il y avait un manque, une sensation en moins que j’étais incapable de trouver.

Que ce fut avec lui ou n’importe qui d’autre, je n’allais pas aussi loin dans mes jouissances, comme si une émotion particulière me coupait dans mes tentatives d’attraper le sommet de l’extase.

Encore une matinée où nous étions ensemble. Il partirait avant le déjeuner, oublierait son slip ou sa paire de chaussettes que je mettrais dans la panière à linge. Ça faisait deux mois que nous étions ensemble. En temps normal, je n’aurais jamais accepté qu’il reste si souvent à la maison, ou même qu’il bosse dans mon salon, pourtant, j’aimais ça. J’aimais le savoir tout proche. Il me reposait les nerfs, il me rendait moins solitaire dans ma trop grande maison.

Encore contemplatif, de celui qui était devenu mon « petit ami » bien vite, je reçu une notification sur mon portable. Quelqu’un y avait laissé un message. Je tapai le numéro et consultai la messagerie.

La voix de Max.

— « Salut, Ely, ça va bien ? Non, parce que le dernier chapitre que tu m’as envoyé est une cata. Il n’y a rien qui va. Je n’ai rien pigé à ce que tu as raconté. Tes persos vont dans tous les sens, on dirait qu’on les a drogués tellement ils disent des conneries à la seconde. Fais-moi plaisir de revenir dessus. Si tu n’as pas l’inspiration, please, repose-toi ! N’écris pas de la daube. Je t’ai envoyé quelques pistes par e-mail, t’en fais ce que tu veux. »

Ça avait le mérite d’être clair.

Après un long soupir, je m’obligeai à relire encore une fois ma merde de mots, parce que c’était le cas. Ce chapitre n’avait absolument aucun sens. Encore en le lisant, je lui trouvais des tas d’inepties.

Alors, je naviguais dans mes mails, cherchant celui de Max. Il y en avait pas mal. Ça faisait un petit moment que je n’étais pas passé par ici. Rapidement, je supprimai les publicités, quand je remarquai un e-mail provenant de Mathys, quelques jours plutôt. Je ne savais pourquoi, j’étais toujours irrésistiblement attiré par ce qu’il avait à m’écrire.

Je cliquai et commençai à lire. Pas de « bonjour » ou de « commença va ». Un mail pour Tys était une conversation qui s’étirait dans le temps. Il n’y avait pas de point final. Plus vraiment de début, pas l’ombre d’une fin.

De : Mathys

à : Ely

T’es complétement à côté de ton histoire. C’est quoi ce dernier chapitre que tu as proposé ? C’est à peine si j’ai reconnu ta façon d’écrire. Efface-le et recommence. Il n’y rien à retenir de cette scène. Elle est bancale, on se demande ce qu’elle fiche ici. Si je ne te connaissais pas, je penserais que tu as fumé la moquette avant de te lancer.

Reste dans l’atmosphère de ce drame humoristique. Ne t’essaie pas à un nouveau genre en plein milieu de l’intrigue principale.

Si tu veux mon avis, et tu le voudras à contrecœur, tu devrais noircir le personnage de Camille. Il y a beaucoup à raconter de lui. Emmène-nous plus loin dans ses travers. Je veux savoir pourquoi il veut éventrer Gwenn alors qu’il l’aime à s’en être crevé un œil ?

Tys.

— Quelque chose ne va pas, El ?

Je redressai le menton. Eden avait suspendu son geste et me fixait doucement.

— Non, ça va. Pourquoi ?

— Parce que tu fronces les sourcils sévèrement. On dirait que tu vas tabasser ton écran.

Il explosa d’un rire tout à fait charmant. Sa voix chantante me le rendit si sage. J’avais envie de le caresser, mais j’avais, semblait-il, du travail.

— Je vais bien. Je me suis un peu trop concentré.

La réponse lui convint et il reprit là où il s’était arrêté. Quant à moi, je rappelais deux ou trois choses à Mathys.

De : Ely

à : Mathys

Occupe-toi de tes affaires et arrête de lire les messages que j’envoie à ton père. Je n’ai pas besoin de toi pour savoir que j’ai fait de la merde.

Court. Simple. Hargneux.

Quand j’écrivais, je ne savais pas me cacher. Les mots parlaient facilement de moi, de mes émotions, de mes sentiments. Sur papier, les mots étaient véritables. Ils ne faisaient pas la différence entre un ado et un adulte. Ils parlaient de mon cœur, un point, c’est tout.

Le portable dans ma poche vibra.

Numéro inconnu.

Pourtant, en lisant le message, je savais qui était derrière ce chiffre.

Inconnu -9 h45.

Beau-père, Ely. Et ce n’est pas comme si je lisais autre chose dans ses e-mails. Tu le sais bien, non ? Je ne sais pas me mesurer quand il s’agit de ta plume. Je veux lire avant tout le monde.

Il avait une alerte pour répondre aussi vite à mon message ?

Ely -9h47

Putain ! Et si je lui disais un truc plus perso.

Inconnu – 9h49

Tu lui enverrais un texto. Tu n’envoies rien de perso dans tes e-mails à Max.

Je le retrouvai bien là, à jouer au con avec moi. Mais qu’est-ce que j’avais dans la tête pour continuer de donner de l’importance à ce qu’il disait ?

Il m’envoya une photo de lui faisant un clin d’œil. Je restai un instant à la contempler, avant de sentir mon cœur battre trop fort et de la supprimer.

Il était devant une plage et portait une veste de motard en cuir que je ne lui avais jamais vu porter. Ça lui donnait un air plus mature encore. Plus vibrant. Je n’avais pas loupé l’égratignure sur sa lèvre ni le suçon violacé à son cou. Trop de détail que j’avais vu en quelques minutes trop courtes. Ça faisait moins d’une semaine qu’il était en Italie. Avec qui était-il ? Sa copine ? Son copain ? En avait-il un ou une en ce moment ?

Je posai mon portable et comme Max et Mathys me l’avaient conseillé, je supprimai ce chapitre. J’essayai, tant bien que mal, de me concentrer sur le personnage de Camille, mais la vérité, c’est qu’il n’y avait rien qui me venait. J’avais l’inspiration d’un Golden Retriever sous tranquillisant. Puis je ne parvenais pas à oublier la photo de Mathys. Son visage. Le galbe de sa mâchoire. Son regard amusé et hypnotique. Ses cheveux détachés qui partaient en arrière. Y avait-il du vent où il se trouvait ?

Les yeux rivés devant moi, je cherchais Eden. Il n’était plus sur le canapé, le nez sur sa tablette, le stylé sur l’écran.

J’inclinai la tête et le trouvai à ma gauche. Une main sur le bureau, l’autre sur sa hanche.

Il pencha la tête avec un air charmeur avant de fermer mon pc.

— Et si on faisait une pause crapuleuse, El ?

Je ne savais pas trop si c’était son attitude, son t-shirt trop large ou la façon qu’il avait de monter sur le bureau et d’écarter les cuisses qui me chauffait, mais je lui tombais dessus pour l’embrasser sauvagement. Peut-être était-ce à cause de la marque dans son cou. La même que celle de Mathys.

Je coulai mes lèvres sur sa jugulaire, l’embrassai fort. Dans un soupir douloureux, j’attrapai ses hanches pour les coller aux miennes. Il disposa ses jambes sur la chaise derrière moi, écarta les cuisses. Je sentais le gonflement de son sexe sur lequel je me frottais.

Ma prothèse ne dérangeait pas Eden. Il concevait que j’étais plus souvent lui qu’elle. Ça lui allait. Après tout, il s’en fichait. Il était bisexuel. Que je sois elle, lui ou iel. Tous étaient moi. Et c’était le principal.

J’empoignai ses fesses, jouai avec la fente à travers le bas de pyjama que je lui avais prêté. J’avais envie de m’y glisser. Eden me repoussa afin de se mettre dos à moi, comprenant ce que j’avais envie de lui faire.

Je ris. Il retira le bas, montrant la blancheur de ses fesses rondes et fines.

— Tu sais que je ne peux rien faire, n’est-ce pas ?

— Tu crois, murmura-t-il. Tu as pourtant beaucoup d’imagination.

J’en avais.

Sans retirer mon boxer, je commençais à frotter mon pénis en silicone contre son joufflu. Je le vis frémir. Je le sentis se durcir en posant ma main sur son sexe. J’avais cette sensation de puissance qui me traversait. Je le possédais. Il se laissait aller contre moi.

— J’ai tellement envie de t’explorer, dis-je en le coinçant contre le bureau.

— On va faire un petit tour sur un site que je connais bien, El. Et tu pourras m’explorer. Tu pourras devenir lui, plus souvent si cela te chante. Il y a des objets révolutionnaires pour les personnes comme toi.

— On se fera l’amour de mille façons. Hum… Eden.

Je m’étalai sur lui, lui prodiguant des petits coups de reins qui faisaient trembler le bureau. Bientôt, je me laissais emporter par la chaleur ardant qui brûlait en moi. Je le brutalisai en cognant plus fort. Il gémit en s’accrochant au bord de la table. Le frottement. Il n’y avait à cet instant que ça de vrai.

— Laisse-moi te faire du bien, soufflai-je.

—Tu… m’en fais, haleta-t-il, alors que je sanglais sa gorge avec une de mes mains, pendant que l’autre retenait sa hanche.

En étant comme ça, derrière lui, contre lui, le sentant vibrer, je me sentis à ma place dans le mouvement physique de notre affection débridée.

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