La mer. Les vagues. Huit degrés.

Je me demandais encore ce que je foutais les pieds dans le sable avec deux gamins de deux et trois ans, en train de construire une forteresse autour de moi.

Je me tournais vers Zéphyr, pas dans un meilleur état que moi. Lui aussi devait se poser la même question.

Je retenais Pola et sa mémoire de gruyère. Elle s’était pointée ce matin chez moi avec Adès et les mioches. Un grand sourire aux lèvres, elle m’avait tout simplement dit que j’étais son seul espoir. Elle et Adès devait faire une virée entre filles, je ne savais plus où et les minots étaient prié de rester loin de cet endroit, pour les grands.

— Rappelle-moi pourquoi nous ? demandai-je à Zéphyr.

— Parce qu’on est tous les deux à notre compte et qu’on peut articuler nos journées comme on le veut.

— Hum… et rappelle-moi comment je me suis retrouvé ici ?

— Tu voulais me les refiler parce qu’ils criaient trop fort et que tu n’arrivais pas à te concentrer sur ton roman. Fiona a fait une crise de larmes parce qu’elle voulait que tu restes et j’ai proposé la plage.

Je hochais la tête. Il me sourit.

Cerninos s’approcha de lui et se prit, le temps d’un instant, pour un coton tige. Zéphyr se marra et le repoussa.

— Pas dans l’oreille.

Je lui jetai un petit coup d’œil, en arquant un sourcil.

— T’as tes préférences ?

Son sourire s’agrandit.

— Pourquoi ? Pas toi ?

Je haussais les épaules sans répondre. Bien sûr que j’avais mes préférences.

Cerninos retourna ennuyer sa sœur, alors que les gamins agençaient leur futur terrier.

Zéphyr et moi contemplions l’horizon et les multiples vagues qui se formaient sur l’eau.

Le silence se prolongea quand il décida d’y mettre fin.

— Dis Ely, Evack, tu pourrais le supporter à quel point s’il faisait le con ?

Je m’allongeais, interloqué par sa question. Je croisais les bras derrière ma nuque, songeur.

— Qu’est-ce que tu entends par faire le con ?

— J’entends, s’il se blessait volontairement et qu’il recommençait encore…

Je me redressai sur les coudes, les sourcils froncés.

— Il se fait du mal ?

— Pas pour le moment.

La voix de Zéphyr me parvint dans un voile de tristesse et de désespoir.

— Pourquoi commencerait-il ? Il aime sa vie. Et temps que tu es là, il n’a pas de quoi se faire du mal.

Zéphyr garda le silence un instant, prit une poignée de sable dans sa paume avant de la laissa glisser entre ses doigts.

— Je le pense aussi.

— Alors pas besoin de s’inquiéter.

Je me rallongeai avec une pointe de culpabilité dans le cœur. Etais-je vraiment en train de faire semblant de ne pas avoir compris ce qu’il venait de me dire ?

Les filleuls de Pola continuaient à faire des trous. Narcisse avait décidé de les aider un peu, pendant que Cerninos se recolla à Zéphyr.

Mon fils ressentait le mal-être des gens qui l’entouraient, et cette façon qu’il avait de se rapprocher de Zéphyr n’était pas anodine. Il se coulait contre sa jambe, une patte sur la jambe et le museau collé sur un morceau de peau. Il fixait Zéphyr avec une grande attention.

Celui-ci le caressa, le regard ailleurs et la mine basse.

Quoi qu’il se tramât dans sa tête, j’avais la conviction que mon meilleur ami allait en pâtir.

Que s’était-il passé entre eux ?

Une dispute ?

J’avais bien peur qu’Evack ne soit encore au courant de rien…