Février 2017- 64 ely

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La tête à l’envers sur le canapé, les chiens sur le thorax, j’attendais que le sang me monte à la tête avant de crier. Je m’étais décidé à regarder les propositions de Mathys concernant mon roman après plus de deux mois à traîner dans mon tiroir, et franchement, ça me plaisait carrément. Mais qu’est-ce que ça me brûlait la gueule de me dire qu’il y avait de la magie suprême dans ses mots. Il avait repensé un chapitre entier. Pour le reste, il m’avait donné des pistes. C’était à proprement parler ce que je voulais mettre en place, mais je n’avais pas réussi à structurer. Lui, y était parvenu comme s’il avait lu à l’intérieur de moi. Ça me dérangeait qu’il puisse me connaître à ce point, alors qu’on ne se voyait seulement lorsqu’il descendait chez les Torrens, Evack ou chez moi avec sa famille. Toujours pendant les vacances.

Pour un peu d’intimité, j’avais laissé plusieurs fois ma maison à Max et Mélodie… et les gosses. Ils avaient leur clé. Un coup de fil et je préparais leur chambre. Oui, parce que les deux chambres d’ami étaient devenues les leurs. Surtout pendant le mois d’août et les vacances de printemps. Depuis que Perséphone n’habitait plus à Toulon, elle dormait chez ses parents quand elle descendait avec Ayron et Magalie. Paul et Tina faisaient pareil depuis qu’il avait emménagé à Nice.

Chacun avait ses pensionnaires. Et je réalisais lentement que Mathys remarquerait, lorsqu’il descendrait avec ses parents, les jumelles et Lucien, que mon mec avait emménagé avec moi. Enfin, Eden n’avait pas encore pris sa décision. Mais je saurais le faire craquer. L’emporter dans le tourbillon de ma vie. J’étais aussi capable d’enchaîner quelqu’un que de l’abandonner et de ne plus le recroiser.

Un vif coup fut donné à la porte. Les chiens sautèrent du canapé en gueulant comme des diables. Adès devait passer. Les problèmes avec Evack m’avaient forcé à donner mes clés à Adès.

Je traînais les pieds jusqu’à l’entrée avant d’ouvrir. Quand les deux fauves reniflèrent le manteau d’Adès - Raton vivait avec elle -, le calme revint. « Ce n’était qu’elle ». Elle fit une moue de travers et haussa les épaules tout en pénétrant dans le couloir. D’un geste nerveux, la brunette pendit son vêtement et me rejoignit dans le salon. Elle se colla devant la cheminée, balayant d’un regard neutre la table basse recouverte de carnets, de mouchoirs et de stylos.

— Toujours coincé dans ton histoire ?

Je lui tendis un verre de tisane encore fumante dans un verre propre.

— Pas vraiment. Un certain gars aux yeux vert m’a donné des pistes. Et franchement, il est bon. Ça avance tout seul… Pour le moment.

— Tant mieux pour toi.

Je reprenais ma place sur le canapé, rejoint par Cerninos et Narcisse. Ils se calèrent en boule de chaque côté de mes fesses.

— J’imagine que tu n’es pas venu à 18 h 30 pour me parler de roman.

Adès trempa ses lèvres dans le liquide jaunâtre avant de s’asseoir sur l’accoudoir du fauteuil devant moi.

— Je n’peux pas gérer Evack seule. Paul est trop loin. Perséphone fait silence radio. Je ne veux pas inquiéter nos parents. Pas tout de suite en tout cas. Ils verront bien assez tôt en quoi Evack se transforme. Hier, Pola m’a demandé de le ramener. Il a passé sa soirée à picoler. J’ai dû lui foutre la tête sous l’eau pour qu’il revienne à lui.

— Alors, ça commence ?

— Tu ne l’as pas connu quand il faisait n’importe quoi.

— Et tu crois que je vais le lâcher ?

Adès posa le verre sur la table et glissa dans le fauteuil pour s’y enfoncer.

— Je ne t’en voudrais pas. Il peut être horrible quand il a trop bu. Et là, ce n’est que la première face. Quand viendra l’état dépressif, il faudra avoir constamment un œil sur lui.

— Parce qu’il ?

— Il peut partir au quart de tour pour n’importe quoi. Il peut s’ouvrir les veines avec une capsule de bière qui traine, il peut se faire du mal et pas seulement à lui.

Elle baissa la tête, fit tourner le collier à son cou. Le même que portait Pola. Rien n’avait encore été officialisé, mais ce ne serait tarder. Je savais déjà qu’elles sortaient ensemble.

— Mes parents ont beaucoup souffert de le voir se faire du mal. Si ça devait recommencer, et ça reprendra, est-ce qu’ils auront la même forme qu’à l’époque ? Mon père ne veut rien dire, mais je sais bien qu’il n’est plus dans la santé de fer que dans notre jeunesse. Ma mère est une femme forte, mais elle aussi vieillie. La question, Ely, c’est…

— … Est-ce que je me sens de t’épauler ? Je peux gérer Evack. Peut-être pas seul, mais à deux, on devrait s’en sortir, non ?

— Tu as Eden dans ta vie, me rappela-t-elle.

— On a tous quelqu’un dans notre vie, lui assurai-je.

Evack m’avait donné son amitié du temps où je n’avais plus grand monde autour de moi. Il était entré dans ma vie comme un rayon de soleil et m’avait réappris les liens sociaux.

Un pote. Un frère.

Evack était une force, un plaisir. Une personne sur qui je pouvais compter.

S’il n’allait pas bien, je ferais en sorte de le porter.

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