Mars 2017 - 68 Mathys un con.
Dani se colla contre mon dos. Son érection sur mes fesses m’indiquait qu’il n’avait pas l’intention d’oublier notre petite dérive du week-end dernier.
Il glissa la main sur mon ventre. Je l’arrêtai immédiatement avant de me tourner vers lui. Dans le noir, il n’était qu’une tache sombre, comme ce soir-là où j’avais eu envie de le faire et qu’il était là.
— Dani, on ne s’est pas compris. OK, on a couché ensemble, mais c’était la seule fois.
— Pourquoi ? C’était bien, non ? ça ne t’a pas plus ?
J’étais en manque et il avait été là. Dire que ça m’avait plu aurait été un mensonge.
— On est ami. On a couché ensemble. Ça n’arrivera plus. Je me fais comprendre.
— N’emploie pas ce ton avec moi. Ça me gonfle.
— Tu m’y obliges, Dani.
Prendre ma voix sombre et rauque pour me rendre plus impressionnant fonctionnait avec n’importe qui… sauf avec Ely.
Il se retourna, me montra son dos. Je posais la tête dessus, pour lui signifier que je m’en voulais, mais que je le voulais comme ami.
— C’est à cause de ce trans ! Ely ?
Je redressai la tête.
— Tu ne peux pas le dire d’une autre façon. « C’est à cause, d’Ely » par exemple. On s’en fiche de son identité sexuelle, non ?
— Ouais… C’est ce que je dis. C’est « iel » qui te fou des barrières avec tout le monde. Ça me gonfle.
— Et pourquoi ça te gonfle ?
— Putain… Elle, il a déjà un mec. T’es aveugle. T’es qu’un gosse pour… merde. Iel.
— Je le suis pour toi ?
— Bien sûr que non. T’as rien d’un gamin, Mattéus. C’est pour ça que t’as autant de succès. Tu rassures. T’es responsable. Respectueux. Stable.
— Stable ?
— Tu vois ce que je veux dire. T’es pas toxico, alcoolique, complètement tordu… J’sais bien que t’a des ombres aussi. Tu m’as suffisamment réveillé en sursaut pour savoir qu’il y a un truc qui te ronge. Tu ne diras rien…
Il marqua une pause avant de me demander :
— C’est Ely ?
Je souris en reposant la tête sur mon sac.
— Parfois. Iel me hante, mais d’une toute autre façon.
Dani remua. Il se tortilla jusqu’à ce que son dos vienne glisser entre mes bras.
— Pourquoi, Ely ? Dix-huit ans, c’est énorme.
— Tu trouves ? Pourtant avant qu’iel ne dise son âge, tu semblais avoir bien discuté avec. Le gouffre t’a paru si « énorme ».
Il soupira, ce qui signifiait que j’avais raison.
— Non. J’avais pas une seconde capté qu’elle soit plus vieille que Eden. Je pensais qu’ils avaient la même tranche d’âge.
— La vingtaine… Comme toi.
— Ouais. Comme moi, répéta-t-il en haussant les épaules.
— Pour répondre à ta question. Je ne sais pas pourquoi, Ely. Je sais seulement que j’ai commencé à me sentir différent en lea regardant. Je me suis senti tomber amoureux quand je lisais les quelques e-mails qu’iel m’envoyait à ma demande. J’ai toujours été un gamin pour Ely. Toujours… Mais je ne peux pas ignorer ce qu’iel a mis en moi. Cette chaleur dans mon coeur. Une chaleur que je n’arrive pas effacer.
— Tu crois vraiment que tu es un gamin ? Parce qu’à l’évidence tu ne dois pas l’être tant que ça pour Iel. J’veux dire, quand on dansait. Ely ne t’a pas quitté du regard. Et ce n’était pas un gosse sous ses yeux. Vas-y ! Pourquoi tu t’accroches ?
Je calais mon front sur sa nuque, sans le toucher plus, très conscient qu’Ely ne m’avait pas une fois quitté du regard. Quand iel posait ses yeux sur moi, je frissonnais immédiatement. Je savais quand Ely m’observait.
— Parce que je ne suis pas dupe, avouai-je.
— Ouais. Tu sais que tu fais de l’effet, mais est-ce que ça veut dire la même chose pour « iel ». T’as peut-être juste grandi, mais tu restes toujours… Tu vois. Dix-huit ans… J’en sais rien. Iel semble intéressé, mais je crois pas qu’iel voudra de toi un jour.
— Tu crois ce que tu dis ?
Il attendit un instant avant de répondre, nous gardant dans le silence de la nuit.
— Je pense qu’Ely a truc pour toi. Et ça ne date pas d’aujourd’hui. Mais, je me dis qu’il ne s’agit pas forcément de cet amour que tu ressens pour iel.
Il l’avait dit. « amour ». J’aimais Ely. Sans toujours le comprendre. Je pensais à iel et mon cœur s’emballait. Je croisais son regard et mon ventre se nouait. Je me tenais à côté d’iel et j’avais envie de lea toucher. Partir loin d’iel me déchirait l’âme. Mais je m’y forçais en espérant qu’un jour Ely comprendrait ce qu’iel représentait : mon tout.
— Ely est une personne qui aime se voiler la face. Disons aussi qu’il y a des traumatismes peut-être trop imbriqués à l’intérieur de sa conscience.
Iel me voyait différemment depuis mon retour d’Angleterre, un peu plus de deux ans maintenant. Ce que j’avais envie de lea prendre dans mes bras et de murmurer à son oreille qu’iel n’avait rien d’un prédateur sexuel, qu’iel pouvait me désirer sans pour autant se flageoler. Mais que vaudrait mes arguments face à un jury ? Que vaudrait les siens, si elle m’avait cédé ?
Je ne voulais pas être hypocrite…
Je voulais lui montrer que majeur ou pas, j’étais juste moi. Juste éperdument amoureux.
Combien j’en avais vu des collégiennes de quinze ans monter dans la voiture de leur copain !
Combien j’en avais vu des lycéennes montrer la photo de leur trentenaire de mec à leurs copines. J’avais été ami avec un jeune homme de seize ans qui fréquentait un trentenaire. Aujourd’hui, ils étaient mariés. J’avais reçu le faire-part le mois dernier.
Il y avait des règles pour protéger les plus faibles… qui n’étaient pas si bien protégés. L’enfant qu’avait été Ely aurait pu le dire.
Et moi, qui ne voulait pas l’être, qui n’en avais pas besoin, je devais me plier à cette protection qui m’empêchait d’être avec la seule personne dont j’étais complétement fou.
Je comprenais pourquoi les règles et les lois étaient là. Mais pas pourquoi Ely devait se museler et se menotter quand je passais devant iel. Je ne comprenais pas pourquoi, je ne pouvais pas faire avec iel ce que je faisais avec d’autre… plus vieux que moi. Parfois, plus vieux qu’iel.
Qui savait combien cela me rongeait l’esprit de devoir patienter.
Tout était bon pour patienter.
Ely avait un problème avec ma majorité. Que dirait-iel d’ici quelques mois ? 9 mois.
J’étais réduit à compter, comme un con.
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