Juin 2017- 74 ely

5 minutes de lecture


La journée s’était bien terminée. Max avait rejoint la chambre d’hôtel qu’il partageait avec Tys. Éreinté, il avait décliné ma proposition d’aller dans un bar chantant. Mathys n’était pas encore rentré. J’avais cru comprendre qu’il rejoindrait des amis à une soirée. Au moins, il profitait de sa jeunesse. La mienne avait été écourtée de bien des façons. Et je le regrette.

J’étais en couple avec Rex. Je n’avais pas d’amis. J’étais déjà seule, en arrêt sur ma vie. Je me nichais dans mon imaginaire pour ignorer le vide toujours plus profond et l’incompréhension de ma vie.

Depuis, je m’étais rattrapé. Mais, il y avait toujours cette question qui me trottait dans la tête. Si j’avais eu une adolescence lambda (des amis, un mec que j’aimais…) est-ce que je serai celui que je suis aujourd’hui ? Il y a tellement de choses qui rentrent en compte lors de notre façonnement. J’ai été mature tôt pour bon nombre de problèmes, alors que pour d’autres, c’est encore le fllou parfois.

Je errais dans la ville de Montpellier, quand je décidai d’entrer dans un bar. J’avais eu droit à un regard hésitant du videur. Il n’avait pas su exactement ce qu’il avait devant lui, mais peut-être que ma prothèse avait suffi à me faire entrer et ma carte d’identité.

Dans une atmosphère chic et bling, je m’avançai vers le bar où je commandai une limonade. Je repartis avec un diabolo-menthe entre les doigts. Je trouvai un siège où je m’installai, écoutant l’agitation autour de moi. Mon regard passa sur chaque personne, quand il arrêta sa course sur un jeune danseur complétement déchainé sur la piste de danse. Il portait un t-shirt noir proche du corps. Ses cheveux passaient sur son visage à chaque fois qu’il remuait la tête. De longues mèches châtains qui finirent par me dévoiler le regard envoûtant et d’un vert bouillant. Je serrai le verre entre mes mains, incapable de regarder ailleurs. Ses bras au-dessus de sa tête, musclés, forts et artistiques, me firent me mordre les lèvres.

Plusieurs minutes passèrent, et je continuai à le regarder, le cœur battant avec frénésie dans ma poitrine. Mathys. Pourquoi ?

Il était entouré de trois garçons. Ces amis, devinai-je. Ils s’éclataient.

En terminant mon verre. Je consentis à partir et m’arrachai à ce corps masculin qui bougeait comme jamais.

Je quittai le verre sur une table, avant de me frayer un passage entre les corps afin de partir. Mais mon regard s’arrêta à nouveau sur une main caressant les fesses bombées de Tys.Un homme éméché se colla à lui. Il repoussa la main. Une fois. Deux fois. Un de ses amis le poussa à sa place. Mais l’homme attrapa Tys par la taille et le fit cogner contre son érection beaucoup trop visible, même là où je me trouvais.

Les poings serrés, le feu envahissant mon souffle, je me précipitai sur le brun. Il faisait un bon mètre quatre-vingt. J’attrapai son poignet et le tordis, enfonçant mes ongles à travers sa peau.

Avec humeur, je chopai sa nuque en appuyant dessus, de quoi l’approcher suffisamment pour cracher à son oreille :

— Il est mineur et je peux te buter pour bien moins que ça. Le touche pas.

Je le relâchai aussitôt et partis en arrière avant qu’il ne réagisse. J’avais beau avoir de la force, je n’en restais pas moins dans le corps d’une femme. Contre ce pilier, je n’aurais pas fait long feu. Quoi que. Quand la sauce montait trop, je me savais capable du pire.

Mathys dans mon dos. Ses trois potes en bouclier devant moi, j’avais déjà du mal à croire ce que je venais de cracher à ce gars. Personne en dehors de lui n’avait entendu. Ça lui avait été destiné.

Il partit, tirait par des potes à lui. Je me tournais vers Tys. Il transpirait, ses cheveux collaient à ses tempes, son t-shirt moulait ses muscles abdominaux. Il n’était pas beau. C’était un cran au-dessus. J’en tremblais.

Il m’attrapa la main et m’entraina derrière lui. Je le suivis d’incompréhension.

Dehors, à l’air libre, je profitais d’une petite brise, moins acculé par le brouhaha. Tys me tira plus loin, là où il n’y aurait plus que de l’ombre. Nous finîmes dans une ruelle, lui me fixant avec du feu dans les yeux, moi sur la défensive.

— Tu m’as suivi ? demanda-t-il.

La question était tellement conne que je ne parvins pas à lui répondre.

— Ely… Qu’est-ce que tu veux, bordel ?

— Moi. Absolument rien. En revanche, je te rappelle que tu n’es pas encore majeur. Qu’est-ce que tu fiches dans un bar ? Putain, c’est dangereux. T’as vu ce type.

Il resta figé un instant, avant de se passer la langue sur les lèvres.

— Ely. Tu penses avoir un problème de vision ?

— De quoi ?

— Je te demande si tu es aveugle ! gueula-t-il. À quel moment tu as cru que j’étais en danger. Merde ! Tu crois que c’est le premier qui essaie de me draguer ? Tu crois que moi, Mathys, je n’ai pas de répondant, que je ne sais pas me servir de mes poings quand il le faut. Que je ne sais pas en foutre une à quelqu’un quand je ne veux pas ? TU ME PRENDS POUR QUOI ? Pour un putain de gamin sans défense ! C’est ça ?

Il s’approcha dangereusement de moi. J’aurais voulu ne pas reculer, mais l’intensité de son regard me troubla au point où je ne voyais plus qu’elle. Il m’épinglait comme si je n’étais qu’un cadavre de papillon. Mon dos heurta le mur derrière moi.

Les bras de Mathys m’encadrèrent, alors que son visage s’approcha du mien. Son odeur fleurta avec la mienne. J’avais envie de coller mon visage dans son cou, et de l’inspirer au plus près de sa peau.

Non.

C’était inacceptable.

Ma respiration se fit plus forte. J’avais peur. Pas de lui, mais de ce que j’avais envie de lui faire, de ce que j’aurais pu lui laisser faire.

Avant qu’il n’approche ses lèvres et que son souffle brûle les miennes, j’abattais ma main sur sa bouche et serrais.

— Putain ! Qu’est-ce que tu crois faire, Tys ? Retire-toi tout de suite cette idée de merde de la tête. Recule.

Pris dans la rage de l’autre, nous ne nous lâchions pas du regard.

Je sentis toute la force qu’il mit pour reculer.

Il me tourna le dos, la mâchoire serrée.

— Est-ce que tu voudras bien comprendre un jour ?

— Quoi ? Ton envie de faire des conneries ? grognais-je.

— Mon envie de toi.

— Va chier, Tys. Tu me gonfles avec ça. Arrête. Il ne se passera rien.

Il rit.

— Ah ! Tu crois ? siffla-t-il méchamment. Alors il ne s’est rien passé dans cette ruelle. C’était du vent, ta saleté de respiration. Ely… Tu me fais un mal de chien, alors laisse-moi me défouler comme je l’entends. Ce type, je n’avais pas besoin de toi pour le repousser. Dans le cas où tu aviserais Max. Il sait déjà où je me trouve. Au moins lui, il ne fait pas semblant en me regardant dans les yeux. Il sait qui je suis. Et je lui en suis reconnaissant. C’est moi qui suis dangereux pour les autres, Ely. Pas le contraire.

Il ne me laissa pas en placer une et partit rejoindre ses amis qui l’attendaient plus loin.

Ça devenait critique.

Il fallait que je sois plus prudent avec lui.

Ne plus lui laisser une telle chance de m’atteindre. Il fallait que je brise ses illusions.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire NM .L ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0