« Zéphyr,

J’ai la douce illusion que tu lis chacun de mes mots, dans le coin d’une chambre d’hôtel, loin de nous tous. Je suis certain que tu en pleurs. Mais aussi, que ta décision a été prise depuis longtemps.

Je ne sais pas encore si tu as eu raison de partir comme ça.

Je pense qu’il ne m’est plus nécessaire de te parler d’Evack. Je ne te dirais plus combien il se perd ou combien il a peur. Tu le connais bien mieux que moi. Son corps, son esprit, ses faiblesses. Tu sais déjà ce qu’il se fait pour se venger de toi.

Aujourd’hui, j’ai choisi une date de mariage avec Eden. En juin, l’année prochaine. Ça se passera dans le jardin de tes parents. Je n’aurais pas cru me marier un jour. Mais Eden est un homme que j’ai envie de rendre heureux, que j’ai envie d’aimer à la déraison. Je me contenterais de cet amour-là. Un amour simple et facile.

Paul et Tina se marieront en 2019. Je les ai surpris à en parler.

Je crois que Mélodie est enceinte. Et je crois que Max ne le sait pas encore. Pour eux, le mariage ne sera pas pour tout de suite. Mais je connais un petit garçon qui va être surexcité d’apprendre qu’il aura un petit frère ou une petite sœur.

Lucien a passé une semaine chez tes parents. Il n’a fait que parler du petit calepin que tu as oublié dans la remise où tu stockes ton appareil à distiller. Il était persuadé qu’il s’agissait d’une piste pour te retrouver. Que tu n’étais pas vraiment parti en vacances, mais que tu te cachais et qu’il fallait te trouver.

Tu penses qu’il a raison. Que tu te caches en attendant qu’Evack te trouve ?

Non, ça serait horrible. Ça ne serait pas toi. À moins que je me trompe.

Bon, je te laisse. « À plus tard. »

La sonnerie de mon portable me fit redresser la tête. Le nom de Pola s’afficha. Je soupirai en décrochant.

— Le patron est déchiré. Tu peux venir le chercher ? Adès est au bord du pétage de plomb. Je crois qu’elle va finir par le planter.

J’entendais le monde derrière le comptoir. Les réclamations.

— J’arrive, dis-je seulement.

Bientôt, il leur faudrait un serveur en plus. Avec Evack qui passait son temps à se mettre minable avant vingt-trois heures, ça devenait compliqué. Le Hongrois fermant sur les coups d’une heure du matin et sachant que l’heure la plus appréciée était celle de la fermeture, surtout en été, ça devenait urgent.

Il faudrait bientôt le mettre sur le côté. Faire de lui un simple propriétaire de bar. Il toucherait sa com’ et ferait bon lui semblera avec. Là, il n’était qu’une gêne. Adès finirait par le faire plier. Et Pola prendrait la direction, le temps que Monsieur décide de revenir chez les vivants.

C’est allucinant comme une personne peut changer en si peu de temps. Dois-je croire à une personnalité d’Evack ? Une qu’il dissimulait sous un tas d’autres ? Était-ce la véritable forme de mon ami ?