Juillet 2017 - 80 ely
J’écris depuis des heures, Cerninos et Narcisse à mes pieds. Ils ronflaient comme des biens heureux, la truffe en l’air.
Eden s’était endormi sur le canapé, son stylet à la main et sa tablette graphique sur le ventre. Je m’habituai à vivre avec Eden, mais j’avais encore un peu de mal à réaliser que je l’avais demandé en fiançailles, qu’il avait dit oui et que l’année prochaine on se marierait.
Je m’étais fiancé. Pas pour les bonnes raisons, mais je me sentais bien. Mieux. Grâce à Eden, Mathys paralysait moins mon esprit. Je m’en voulais moins pour ces sentiments qui étaient nés bien malgré moi. Je disais qu’il ne sagissait que de pensées intrusives.
Eden était un homme avec qui je m’entendais bien. Pas une dispute en presque un an. Il illustrait mes romans, devinant leur sens profond. On mangeait la même chose, regardait les mêmes films. On se ressemblait, mais je n’avais toujours pas joué pour lui. Ni avec Gueguette ni avec Clara. Je n’y arrivais pas. Il m’écoutait jouer, mais je ne jouais pas pour lui. Le comprendrait-il un jour ? Et que se passerait-il ? Me le pardonnerait-il ?
J’écrivis une dernière phrase avant de fermer mon ordinateur. Je n’avais pas l’inspiration depuis quelque temps. Ou plutôt, je bloquai sur mon personnage. Je ne savais pas où il voulait aller et prendre la décision à sa place ne m’enchantait pas. Mais il faudra trancher. Il ne pouvait pas rester indécis pour toujours. Les lecteurs attendaient de lire la suite de son histoire. Qui serai-je pour marquer en lettre capitale : « IL NE SAIT PAS. SORRY ».
La tête basculée sur le dossier de la chaise, je pensai à moi, à mon parcours. Ça avait été chaotique et pourtant, je me retrouvai là… chez moi. Une maison, un jardin, un ange sur mon canapé, une carrière qui me nourrissait et me garantissait un toit sur ma tête. Des amis. Une famille qui ne juge pas. Je ne sais pas encore si je pouvais dire que j’étais heureux, mais j’étais bien. Bien mieux qu’avant. Les ombres du passé avaient presque disparu, les douleurs et les certitudes. J’aurais pu inventer cette vie dans un de mes bouquins, mais je l’ai vécue. Et c’est tellement mieux. Vivre.
J’ai attendu ça toute ma vie.
Vivre, loin de ce poids qui m’écrasait.
C’était si bon de vivre.
Je me penchai sur mon portable vibrant. Margot.
C’était rare qu’elle appelle à cette heure. Je me ruai dessus, le cœur battant trop vite.
Evack !
— Allo ?
— Ely, C’est Margot, mon petit.
— Que se passe-t-il ?
J’étais debout devant mon bureau, les mains tremblantes, le cœur battant trop fort. La peur s’enroula autour de moi. Je peinai à respirer.
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