Aout 2017 - 82 Ely

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— Envoie-moi un message quand tu arrives.

Eden était partie. Ça ne faisait pas un jour et il me manquait déjà. À la place, j’avais hérité d’Evack.

Je zieutais dans la chambre d’ami l’épave qu’était devenu mon meilleur ami. Il était enroulé aux couvertures, emmitouflé dans un cocon duquel il ne se levait qu’aux alentours de 18 heures pour se rendre au Hongrois. Certains soirs, il était tellement déchiré que je le laissai chez lui, une caméra en direction de son lit. Juste pour vérifier qu’il ne fasse pas de conneries. Mais dans son état, il était tout bonnement incapable de bouger. Il dormait pendant des heures . J’avais la pénible sensation de veiller un mort.

Ce soir, j’étais allé le chercher au Hongrois comme j’avais promis à Adès. Je l’avais récupéré encore dans bel état.

Pola avait hoché la tête vers une banquette au fond du bar. Rick, le serveur, m’avait à peine lancé un regard blasé. Et je le comprenais très bien. Tous les deux étaient à bout.

En le récupérant, et tentant de le faire tenir sur ses pieds, j’en avais voulu une nouvelle fois à Zéphyr. Mais surtout, j’en voulais à Evack. À sa façon de réagir depuis des mois. Il était en train de tous nous user.

— Allez, mon pote. Reste debout. J’te ramène chez toi.

Chez lui, c’était sombre, épuré. La colère avait su s’imposer à la perfection.

J’observai cette chambre d’ami. Cette chambre où Zéphyr n’avait jamais dormi. Cette chambre que Evack préférait à la sienne depuis la séparation. Il se retourna, recouvrit son visage dans ses mains. La lumière de la lampe murale le gênait. Je ne l’épargnais pas et j’observais sa décadence. Voir à quel point il était cassé.

Cette pile de linges sales qui côtoyait les bouteilles et les canettes vides me comprimait le cœur.

— Quand est-ce que tu vas revenir vers nous, Vack ?

Un silence lourd envahit la pièce. Un silence qui attendait une réponse.

— Jamais… entendis-je.

Ce n’était rien de plus qu’un souffle entre les lèvres de mon ami.

Je n’en dis pas plus. À quoi aurait servi de m’énerver ?

J’éteignis la lumière, près à rejoindre le salon, mais Evack m’arrêta.

— Reste.

— Pourquoi faire ? Te regarder te tuer ?

— Bois avec moi.

— Tu n’as pas assez bu ?

— Non. Regarde, si j’avais assez bu, je ne pourrais pas te parler. Regarde moi m’endormir.

— Non… « regarde-moi me saouler pour oublier ». Ce n’est pas la même chose.

Il se redressa du lit.

Je l’avais déshabillé. Il ne portait plus qu’un caleçon.

En se hissant vers une bouteille de Jack Daniel, j’admirai les nouvelles peintures qui décoraient le mur. Un jour, l’appartement entier serait une œuvre d’art. Il y laisserait tout ce qu’il est, tout ce qu’il devenait.

Evack apporta le goulot de la bouteille à ses lèvres. Je le laissais faire, conscient de participer à son déclin. Il me la tendit. Je l’attrapai et avalai une gorgée. C’était fort. Ça brulait ma trachée.

Je lui rendis, privilégiant la canette de bière pleine sur la table de nuit. En la décapsulant, je toisai la bouteille de Jack Daniel que mon ami s’enfilait comme s’il s’agissait d’eau gazeuse.

— Ne me regarde pas comme ça, Ely.

— Pourquoi ? ça te dérange.

— Oui. Je ne suis pas ce que tu crois que je suis. Je ne bois pas pour oublier. C’est inoubliable. Je bois, pour me faire du mal. Parce qu’en me faisant du mal, c’est lui que je blesse. Quoi qu’il pense, je sais ce que je représente pour lui. Je connais son amour pour moi. Il me regarde, quelque part.

Qu’y avait-il à dire à ça ?

Je le fixai. Il enchainait les boissons, les mélangeait.

Et lorsque le ciel se teint de clair, derrière les volets croisés, j’avisai le réveil matin, sous le lit. Il éclairait la pile de linge.

7 heures du mat’.

Merde. Déjà.

Je jetai un coup d’œil à Evack. Il avait les yeux fermés et tenait une canette encore entre ses doigts.

Un long soupir s’échappa de mes lèvres.

Il dormirait jusqu’à ce que la nuit se lève.

Je secouai la tête et fermai la porte derrière moi. Un jour, je finirai par lui montrer ce qu’il nous faisait subir.

La semaine prochaine, Adès me soulagera. Encore quelques jours.

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