Aout 2017 - 83 Ely

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J’entrai chez moi, filai dans ma chambre et chargeai mon portable, la tête complètement en vrac. Picoler avec Evack n’était jamais une bone idée. Le veiller toute la nuit, non plus. Trois jours qu’il buvait jusqu’à évanouissement. Il était en train de foutre en l’air mon sommeil. Et je ne pouvais pas me le permettre. Il fallait que je me repose un peu. Trois jours que je le ramenai chez lui au lieu de le faire dormir chez moi. Trois jours que je le laissais faire n’importe quoi avec l’alcool. J’attendais peut-être que l’irréparable se passe. Comme une bonne leçon.

Une multitude de sonneries me firent froncer les sourcils.

Une floppée de messages venant de Max et de Mathys défila sur mon portable. Je les lissais, la tête dans le pot de fleur.

Plus je lisais, plus je me mortifiais.

— Putain ! Mathys ! J’avais complétement zappé.

J’étais censé venir le chercher à la gare et le ramener chez moi pour la nuit. Il passait ses vacances dans le Sud, avec des amis. Il était supposé dormir une nuit ou deux, Grand Max. Chez moi, c’était l’idéal et les dernières fois où nous nous étions rencontrés, j’avais senti ses reproches. Il n’aurait rien tenté. Après tout, il avait son caractère, lui aussi. Et puis, Max m’avait demandé cette faveur. Il savait que chez moi, c’était un lieu sûr. Et ça l’était. Carl était malade depuis deux semaines. Margot ne voulait personne à la maison. Adès et Pola avaient suffisamment d’Evack.

— Salut, entendis-je une voix plus rauque encore que cet hiver.

Très reconnaissable.

Je me retournais comme si j’avais vu le loup, et glissais de ma chaise. Putain, Charlot, le retour !

— Tys ? Bordel, comment tu es venu ici ?

— Un taxi.

— T’avais les clés ?

— Hum… Max m’a filé le double. « Au cas où ». Il a bien fait.

— Excuse-moi. Ça m’est complétement sorti de l’esprit. Tu as bien dormi ?

Il haussa les épaules, comme s’il s’était attendu à ce que je l’oubli.

— Plutôt bien. Mieux que toi en tout cas.

Il observa mon portable allumé, avec le même sourire qu’il avait trop souvent quand il était devant moi.

— J’ai déposé le carton que Max devait te faire parvenir. Il est dans le salon. Je t’ai appelé plusieurs fois, mais comme tu ne me répondais pas, j’ai fait comme chez moi. Tu ne m’en voudras pas. Je me suis dit que tu n’aurais pas aimé me savoir dans la rue. Mes parents n’auraient pas grandement apprécié.

Il se payait encore ma tête. Max m’avait dit plusieurs fois, un peu dépassé, que Mathys passait beaucoup de temps à droite et à gauche. Et qu’il avait trouvé plusieurs boîtes de préservatives dans ses affaires, ce à quoi j’avais répondu, « il est jeune, laisse-le vivre ». Peut-être vivait-il un peu trop.

— J’ai dormi ici, hier.

— C’était prévu. Tu as fait bon voyage ?

— Comme dans un bus …

— Ok. T’as mangé ?

— Pas encore. Mais ne te casse pas la tête, je vais bruncher avec des amis.

— Ok. C’est cool. Et la fac ?

— Ça se passe.

— Psychologie, hein ?

— Tu es en train de meublé ou j’imagine ?

Je roulai les yeux et partis rejoindre le salon. Les fringues d’Evack y trainaient. Je l’avais laissé chez Adès avant de rentrer. C’était sa semaine.

Sur le rebord du canapé, je retrouvais un soutien-gorge qui n’était clairement pas à moi. Je le regardais longuement avant d’entendre Mathys dans mon dos.

— Ah ! bah, il était là. Les cons !

— Les cons ?

— Oh ! J’ai invité une amie à dormir, elle n’était pas du coin et elle ne se sentait pas de rester seule à l’hôtel. J’ai essayé de te joindre, mais tu ne répondais pas. Je me suis permis.

— Bah ! T’as bien fait ! Mais à l’avenir, préviens-moi.

— C’est ce que j’ai fait. Tu ne répondais pas. Je me suis vite dit qu’à ton âge, découcher, ce n’était pas problématique.

— Découcher ? Parce que tu crois que c’était le cas ?

— Je ne sais. Peut-être bien qu’Eden ne te satisfait plus. Mais qu’en sais-je ? Ce sont vos affaires.

— T’as raison. Ce sont nos affaires.

Je crispais la mâchoire. Il sourit en coin, certain de m’avoir blessé. Il était si sûr de lui. Que se passera-t-il quand il comprendrait qu’Eden serait là l’année prochaine et les autres jours ?

Lorsqu’il me fixait avec cette intensité dans le regard, je doutais de tout et ça me retournait l’estomac. Ça me faisait mal dans le cœur et la culpabilité montait. Lui cacher mes fiançailles était absurde. Je ne sais pas lequel de nous je tentais de préserver.

Je le sentis avancer vers moi. Sa chaleur irradiant dans mon dos. Il n’avait pas tant grandi que ça. Un petit mètre soixante-treize, la taille toujours aussi fine que celle d’un danseur classique, des épaules larges et des cheveux toujours trop longs, comme j’aimais.

Avait-il vu le changement dans la maison ? Celui qu’Eden avait laissé ?

— Trop près, Tys. Décale-toi.

—Toujours trop près. Pourquoi ça te pose autant de problèmes ? Pourquoi tu ne me laisse jamais plus ? Si tu ne penses pas à moi de cette façon, cela ne devrait rien te faire, non ?

— Je n’aime pas qu’on me colle, et tu le sais très bien.

— Bien sûr. Ça m’était sorti de la tête.

Je me déportais, passant dans la cuisine. Il y avait un sac de traiteur que j’éjectais dans la poubelle. Poubelle dont je laissai le couvercle ouvert pour bien voir le préservatif qui trônait sur une boîte d’épinard. Il n’avait pas osé baiser chez moi ? Pas vrai ? Pourquoi ça m’impactait autant.

Je refermais le tout en inspirant et me servis un grand verre d’eau. J’avais suffisamment d’Evack à gérer pour me prendre la tête avec Mathys.

— Je te laisse. Euh… Je reviendrais ce soir, pour dormir, si ça ne te dérange pas. J’ai interdiction d’aller chez Evack. À croire que je suis trop sensible pour assister à sa décadence. Je reste deux jours seulement, après je crèche chez mon pote.

Je le fixais.

— Ok. Amuse-toi bien.

On se reverrait. Et ça m’angoissait. Mathys à dix-sept ans, ce n’était pas un simple adolescent. Mathys à dix-sept ans, c’était un savoir et un vécu plus poussés que moi à son âge.

En comparaison, j’avais l’impression de n’avoir jamais rien fait de ma vie.

Il ferma la porte. J’attendis cinq minutes avant de flanquer un coup de pied dans la poubelle. Elle valdingua répandant toutes les ordures accumulées.

Putain ! Mon cœur finirait par me trahir. Pourquoi battait-il toujours plus fort en sa présence ?

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