Janvier 2023- 95 Elyas
La tête renversée sur le dossier de mon fauteuil, je regardais le plafond de mon studio. Un son passait en boucle depuis bientôt une heure sur une plateforme musicale.
J’avais eu droit aux textos des jumelles et à un appel de Margot, pour féliciter et encourager mon geste.
Je m’étais lancé.
J’avais enregistré une nouvelle chanson sur un ancien son.
Les paroles s’étaient invitées très tôt ce matin. J’avais quitté le lit et je m’étais réfugié entre micro et table de mixage.
Il était six heures du soir, mais je n’arrivais pas à quitter le studio. Je repassai encore et encore ma voix, mes mots, la musique de mon cœur.
Je n’étais pas allé à ma séance chez Madame Careult. Elle avait essayé de me joindre, je n’avais pas répondu.
Eden errait devant la porte. Encore…
Qu’est-ce qui fichait encore avec moi ? Ne comprenait-il pas ? Pourquoi ?
J’avais l’impression d’un nouveau Rex. D’un Rex qui m’excitait, mais que je n’aimais toujours pas. Pourtant, j’y avais cru. Fort.
Mon portable sonna.
Eden.
Je répondis. Parce que je ne pouvais pas le laisser comme ça.
— Mon Ange, ça fait longtemps que tu es là-dedans. Tu ne veux pas sortir pour qu’on parle.
— Que je sorte ou non, est-ce que ça changera, Eden ?
— Je ne crois pas, mais ça me ferait plaisir. J’ai besoin de voir tes yeux, ton visage, de te sentir avec moi quand tu le diras.
— Pourquoi es-tu comme ça ? Pourquoi es-tu si calme ?
— Je ne sais pas. Peut-être que je le savais. Ouvre la porte.
Je gardais mon portable à l’oreille et obtempérai. J’ouvris la porte du studio de musique.
Eden posa son regard dans le mien. Il était envahi de tristesse.
— Parle-moi, mon ange.
J’éteignis le portable et le mis au fond de ma poche.
— J’ai quelqu’un dans le cœur et je suis incapable de le déloger. Je ne savais pas qu’il était si profondément ancré. Je le jure.
— Je comprends.
— Tu comprends ?
— Ça t’étonnes ?
Non. Ça ne devait pas m’étonner. Si son ex-copine ne s’était pas suicidée, est-ce que nous nous serions connus ? Et si, depuis le début, Eden aussi avait quelqu’un d’autre gravé au cœur. Si nous étions des lots de consolations ? Qu’étions-nous ?
Il glissa ses mains sur ma nuque et me donna un baiser. Pas ceux qu’on se donnait à longueur de jour, non. Celui-là il disait « bon voyage, mon amour».
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