Février 2023- 97 Elyas
— Pourquoi tu veux qu’on fasse ça, maintenant ? souffla Paul.
Carl regarda son fils avec un doigt levé.
— Pourquoi ? Tu le demandes ? Crois-moi, tu seras enchanté d’ici deux ou trois ans, quand tous les enfants de la famille viendront se réfugier dans ce vieux grenier.
Carl nous avait fait venir, moi et Paul, pour l’aider à réaménager le grenier. Je n’avais pour ainsi dire rien de particulier à faire, alors je m’étais dit que filer un coup de main à cette vieille branche ce serait lui épargner un trop grand mal au dos.
Carl secoua la tête, l’air de traiter son fils d’idiot.
— Tu verras quand ta mère voudra tous vous faire dormir à la maison, tu seras heureux qu’ils dorment tous ici. Et puis si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais. Mon corps n’a plus vingt-ans.
Outre le fait que Lucien et Eunaisyl avaient une chambre lors de leur vacances chez les Torrens, ce ne serait pas la même tarte lorsque Tina, enceinte de jumeaux - prévu pour la fin de l’année - et Carmen, sur le point d’exploser, feraient rentrer dans la ronde leur bambin. Ça grandissait vite.
Paul eut un mouvement de panique dans le regard. Il comprenait toute l’urgence d’un dortoir et d’une salle de jeu, pour les futurs gamins. À l’évidence, l’idée lui plut et il commença à fouiller le bric-à-brac qui envahissait le grenier.
Je souris, et imitais son geste. Carl resta à l’étage pour rattraper les cartons qu’on lui faisait passer. Il faisait le tri, avec Margot, qui s’extasiait sur d’anciens objets ayant appartenu à ses enfants.
Au bout de trois heures, Paul et moi, vinrent à bout de tous les cartons et objets encombrants. Il passa, à son tour, à l’étage et commença à aider ses parents à tout sortir. Le monstre passerait dans trois jours pour récupérer l’amas de bric-à-brac.
Je commençais à faire de la propreté dans le grenier. Il était grand. Suffisamment pour accueillir une dizaine de gamins, leur lit et une salle de jeu.
En tirant sur un rideau poussiéreux, je trouvai un bureau.
Une multitude de livres le recouvrait. Curieux, je passai ma main sur les couvertures. Il y avait de tout. Littérature blanche, romance, fantastique… et érotique. Je m’assis sur la chaise, intrigué par le potentiel lecteur. J’ouvris les tiroirs, certain qu’il y aurait d’autres trouvailles, mais pas de livre, seulement un carnet de dessin, un vieux crayon et un cutteur.
À qui appartenait-il ? Je souris, amusé de voir les gribouillis de ceux et celles qui étaient devenus ma famille.
En tournant les pages, les croquis du jardin remplacèrent ceux du grenier, puis… Mon visage, mon corps, dans toutes les positions, partout. J’étais partout sur ce carnet.
J’avisais les dates. 2015-2017.
Ce n’était pas rare que Mathys fasse un tour chez Margot et Carl à cette époque. Parfois, il disparaissait en fin d’après-midi, alors que nous étions tous dans le jardin. Se rendait-il au grenier ?
— Ah ! Tu as trouvé la cachette secrète de Mathys ?
Carl me surpris. Je refermais le carnet et le plongeai dans le tiroir avant de me redresser plus calmement.
— Alors, c’est le coin de Mathys, dis-je seulement.
Il a toujours bien aimé monter ici. Ce gamin aimait s’isoler parfois.
Il pinça les lèvres dans une moue triste.
— J’espère qu’il reviendra un de ces jours, nous faire un coucou.
— Il reviendra.
Je n’en savais rien, pourtant je tapotai l’épaule de Carl en le lui assurant.
Lui avais-je si profondément brisé le cœur ? Pourquoi revenait-il si rarement dire bonjour ? Pour toujours en coup de vent... Pourquoi quand je n’étais pas là ?
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