Chapitre 4 : Landry

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Je terminais de taper les notes de l’inspecteur Tae. Il les avait « rangé » dans un désordre monstrueux. Je me demandais comment je parvenais à trouver ses pensées cohérentes lorsque je lisais son calpin de note ou comment je pouvais les organiser afin qu’elles aient du sens.

Je tapais la dernière lettre, mis un point, avant de regrouper les feuilles et de me diriger vers le bureau de l’inspecteur. Comme s’il m’avait senti, la porte s’ouvrit et je fus accueilli par un grand sourire.

— Tiens, tu tombes bien, j’allais justement venir te chercher. Tu viens avec nous.

Je jetais un vite regard sur deux agents plus âgés que moi.

Ses deux subordonnés posèrent sur moi un regard de méfiance. Dans le service, la rumeur disait que je remplacerais Lordegrift, l’ancien second de l’inspecteur. L’inspecteur Tae m’avait fait comprendre que je serais celui qu’il formera. Il n’avait, cependant, encore rien dit. Il le ferait. Je posais les feuillets sur son bureau, avant de me tourner vers le portrait de Lordegrift. Notre ressemblance était frappante, et cela, malgré ses cheveux noirs et ses yeux d’un vert trop pâle pour que son regard ne nous fasse pas frisonner. Ce n’était qu’un tableau. Image peinte, offerte à Tae, par la sœur de son second… de son amant.

Comme une évidence, j’étais arrivé au poste un mois après la mort de cet homme. Je n’avais pas compris toutes les personnes qui m’observaient comme si je revenais du monde des morts. Une secrétaire avait même fait un malaise.

Tae se tourna vers moi, puis contempla Lordegrift. Les deux agents attendaient patiemment. Il n’y avait qu’un cadavre qui nous attendait.

Tae s’approcha de nous. Je me tenais droit. Il posa sa main sur mon épaule.

— Je te mentirais, Landry, si je te disais ne pas avoir été anéanti en te voyant la première fois. Si je n’avais pas vu Lordegrift mourir dans mes bras, j’aurais juré que c’était lui, plus jeune. Mais crois-tu que c’est parce que tu lui ressemble que je te porte de l’intérêt ?

— Je ne sais pas. Est-ce le cas ?

— Oui. Un peu. Quand je pose les yeux sur toi, j’ai l’impression qu’il est encore un peu avec moi. Mais ce n’est qu’une image. Ce qui me plait c’est ce qu’il y a derrière ton regard. Tu captes des choses sur lesquelles certains mettraient des mois à comprendre. Tes analyses sont rapides. Tu es comme lui, tu comprends ce qu’il y a à démêler dans ma tête. Il suffit de lire tes notes. Je vois ce qui ont le talent, Landry. Et Lordegrift et toi, l’avez. Le coups du sort à voulu que vous vous ressembliez. Est-ce une faute ? Je ne crois pas. Ça m’a permis de te remarquer avant les autres.

— Monsieur ?

— Je t’écoutes.

— Etes-vous bien conscient que je ne suis pas Lordegrift ? J’ai… une fiancée.

Tae partie d’un rire fort et disharmonieux. Même ce simple son partait dans tout les sens.

— J’ai aimé profondément Lordegrift. À un point que tu ne pourrais l’imaginer. Tu sais pour arriver à devenir inspecteur, il faut souvent devenir un tueur. Avoir la capacité d’entrer dans leur tête, et parfois, il y a des déviances qui se jouer en nous.

Il s’était approché pour me le susurrer à l’oreille.

Lordegrift n’est jamais loin de moi. Et maintenant, nous avons un cadavre qui nous attends.

— Pourquoi me prendre avec vous ?

— Voyons, tu le sais bien. Tu seras bientôt mon ombre. En tant qu’ombre, je t’amènerais partout. Il est prudent de commencer tôt à observer des cadavres. Une histoire va nous être raconter, mon garçon.

Tae avait les mêmes boucles blondes que moi, sauf qu’il ne les laissait pas atteindre ses épaules. Peut-être n’étais-je pas que seulement le sosie de Lordegrift.

***

L’atelier de peinture de la victime était au dernier étage d’un appartement de quartier. À peine eu-je mis un pied dans l’atelier qu’une odeur m’emporta dans une quinte de toux. Je recouvris mon nez sous le col de mon manteau. Les deux agents qui nous accompagnaient eurent un large sourire. Je ne doutais pas de leur amusement à me voir tousser mes tripes. Mes yeux brûlaient de cette odeur infame de pourriture.

Je suivais Tae comme son ombre. Une blouse blanche nous salua en lançant une œillade à l’inspecteur qui eut un sourire maudit. Qu’est-ce que cela signifiait ?

En pénétrant dans l’atelier où des chevalets et des toiles s’adossaient à un mur, je crus me pétrifier, tellement l’odeur était insoutenable.

Tae eut la bonne idée de se décaler sur le côté me laissant en proie à une vision d’horreur enchanteresse.

Les yeux écarquillaient, je visualisais le corps tenu dans une position de danse part des files accrochées eut même au plafond. Je déportais mon regard sur les peintures derrière la victime : d’immenses fleurs y étaient représentées sous un paysage macabre de membres désarticulés.

J’avais déjà vu une toile similaire dans ma jeunesse.

Mon analyse ne dure pas plus de deux minutes avant que le l’odeur insoutenable ne me fasse déguerpir. J’étalais mes tripes dans le petit salon en m’excusant auprès d’un photographe de crime, et descendit quatre à quatre les escaliers avant de me vider dans une ruelle plus loin.

Accroupi et la respiration laborieuse, je me frottai le visage.

Quel genre de tordu m’était en scène un corps ? Et pour dire quoi ? Quelle était cette histoire derrière la scène ?

Les files qui tenaient le corps sortaient de la chair. Et cette position ridicule ! Pourquoi ? Dans quel but ?

Des pas se firent connaître derrière moi. Je me redressai, mal en point et encore nauséeux.

L’inspecteur me tendit un petit pot en terre cuite avec un demi sourire figé sur ses lèvres fines.

— Je… qu’est-ce que c’est ?

— Un baume pour éviter de vomir à chaque fois qu’une odeur de cadavre est trop forte.

Ne pouvait-il pas me le donner avant d’entrer ! Sans déconner.

— Je voulais savoir à quel point tu serais capable de résister.

— Ah ! Et le spectacle a été, semble-t-il, édifient.

— J’aurais trouvé dérangeant que l’odeur ne te procure pas de vomissement.

— Bien entendu.

Je savais qu’une moue de contrariété maquillait mon visage. Tae s’en amusait, d’ailleurs.

Il reprit vite une attitude sérieuse.

— Alors, avec ce que tu as vu, que peux-tu me dire du tueur et de sa victime ?

Il me testait. Il voulait savoir si mes aptitudes à recopier ses notes étaient prolifique en action. Si mon cerveau travailler aussi vite.

— Le tueur a passé du temps à mettre sa victime en scène. Il n’est donc pas toucher par la mort. Ce n’est pas un crime passionnel, mais plutôt obsessionnel. Il recommencera. Ce n’est que le début d’une histoire sordide. Qui fait tenir un cadavre par des files ?

Une grimace de dégoût passa sur mon visage.

—Hum… Il n’a pas fait que le ficeler, mon grand. Il l’a figé dans cette position avec des tiges de fer. Le légiste nous a montré les longues entailles. Celles-ci laissaient voir la ferraille.

La nausée faillit me reprendre. À la place, ma bouche s’entrouvrit de dégoût. Pourquoi prendre autant de soin d’un corps auquel on a ôté la vie ? Pourquoi vouloir l’exposer ? Que racontait son crime ? Parce qu’un tueur de cette trempe, ça tuait pour une cause. Oui. Il revendiquait quelque chose encore brumeuse pour nous, spectateur. Il s’exprimait. Mais pourquoi punir ainsi ?

Parce qu’à l’évidence, c’était une punition.

Je n’avais pas raté le tatouage sur le front de la victime : une chouette à six ailes.

Damaron, le dieu punisseur.

— Nous avons affaire à un tueur en série, dis-je. Et pas un détraqué qui tue pour s’amuser, non, un qui se prend soit pour un dieu, soit pour un justicier.

— Nous verrons ce qu’il nous proposera, prochainement.

Tae me tendit un mot.

— Qu’est-ce que c’est ?

L’écriture du tueur.

— Il nous dira lui-même pourquoi, il fait ce qu’il fait.

Vous…

***

Je fermais la documentation que j’avais récupéré à la bibliothèque sur le dieu Damaron. Je n’avais rien trouvé en particulier, seulement qu’il punissait les crimes engendrés par l’envie.

Je sortis de ma chambre en direction de la cuisine.

Je me fis une tartine, de quoi nourrir ma frustration.

Les yeux rivés à la fenêtre, j’observais le ciel étoilé, lorsque la voix de ma mère me surprit.

— Il est tard, Landry. Tu devrais dormir un peu plus.

— Je devrais, dis-je en me retournant.

Ma mère portait une robe de chambre plus que touffue et marchait pourtant pied-nu sur le carrelage.

Elle tira une chaise. S’y assise.

— Qu’est-ce qui te tracas ?

— Hier. J’ai rencontré mon premier cadavre.

Ma mère eut un haussement de sourcil, mais me laissa parler.

— Je sais qu’il y en aura d’autres prochainement. Mais je ne comprends pas pourquoi le tueur se cache derrière Damaron.

— Le dieu ?

Ma mère était comme moi. Elle ne croyait pas aux dieux et déesses de l’ancien temps. Ceux qui nous étaient contés dans les livres, sur les murs et les temples. Je voyais en eux et leurs histoires, rien de plus que des humains un peu trop imaginatifs et inventifs. Après tout, à quoi ressemblait vraiment le monde mille ans en arrière, c’était comme ses histoires ridicules sur les sorciers et le monde de l’envers. Je n’y croyais pas plus. Mais c’était bien trouvé.

— Oui. J’ai l’impression qu’il tut pour punir. Et ce que j’ai appris, c’est que Damaron, tue les criminels séduit par l’envie. Donc, j’en viens à me demander si la victime n’a pas fait quelque chose de réprobateur envers le tueur.

—Une vengeance ?

— Je n’en sais rien.

Je ne dis plus rien. Si j’étais sur l’affaire de ce maniaque à la tige de fer avec Tae, je surveillais de loin les derniers crimes d’un autre tueur en série.

Le Loup.

Lui qui avait tendance à tuer d’autres criminel pourrait-il assassiner l’artiste-peintre ?

Un nom bien trop doux pour un meurtrier.

Mais l’inspecteur aimait bien donner des noms avant les journalistes.

D’ailleurs notre affaire n’avait pas été médiatisé sous ordre de Tae.

« Il voudra qu’on le voie. ».

Bien évidemment. Qui fait une si belle mise en scène pour être ignoré ? Il destinait ses crimes pour quelqu’un…

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