chapitre 8 : ludwig
Vadigue me tira dans une rue, non loin de mon appartement. Seuls, il en profita pour déposer un baiser sur mes lèvres. Je l’accueillie avec un gémissement d’envie. Je n’avais plus eu d’amant depuis un moment. Vadigue me rappelait que j’avais des besoins. Sa langue enroulée à la mienne me fit le désirer. Je le plaquais contre un mur, le serrai dans mes bras. Il m’imita avant de m’attraper le menton pour me dégager.
— Pourquoi ne pas prendre une chambre d’hôtel ? proposa-t-il naïvement.
Je me mordis les lèvres. Dans quelques heures, nous nous rendrions à l’exposition de Séverin. Je savais que mon ancien amant ne serait pas là. Il fuyait le monde, la foule. C’était fini le temps où il aimait avoir tous les regards tournés vers lui.
— Allons-y.
J’avais envie de Vadigue. Il était beau. Pertinent. Et satisfaisant.
Il ne s’attacherait pas à moi inconsidérablement. J’étais père de famille, je retournerai toujours vers eux.
La tête reposant sur le ventre de Vadigue, j’observai notre reflet dans le miroir. Dans la pénombre, j’aurais pu redécouvrir un autre corps à mes côtés. Je gardais de Séverins que des souvenir lointains. Quand nous étions vu pour la dernière fois ?
Il y a six ans. Au hasard d’une soirée. Il avait pris un verre avec moi, on avait parlé comme si rien ne s’était jamais passé entre nous. Bien entendu, on avait fini par faire l’amour dans une chambre d’hôtel. J’avais pu à nouveau caresser sa peau, et sentir son odeur si saisissante. C’était toujours ainsi que nous finissions, depuis qu’il était revenu de Janonie. Nous nous voyions et comme, irrésistiblement attiré l’un par l’autre, nous terminions enlacés dans le même lit. C’était une torture de le quitter ou de voir la chambre vide à mon réveille.
— Ludwig ? Que se passe-t-il ?
Vadigue bougea en dessous de moi. Il se redressa, s’assit et tourna mon visage vers le sien.
— Pourquoi pleures-tu ? T’ai-je fait mal ?
La profondeur de ses yeux vert portait l’éclat d’un homme bon et inquiet.
Je secouai la tête.
— Tu as été très doux, lui appris-je en essuyant des larmes que je n’avais pas senties.
— Alors ?
— Alors rien. Il m’arrive de pleurer sans m’en rendre compte. La malédiction d’un amour perdu. Ne t’en fais pas trop pour cela. Caresse-moi encore les cheveux.
Il s’exécuta me prenant plus tendrement dans ses bras. Il déposa un baiser sur mon front et gentiment, me câlina.
— Les amours perdus sont toujours vifs quoique l’on puise vivre.
Je souris. Il me comprenait.
***
En ouvrant la porte de chez moi, je me retrouvais nez à nez avec Lomdélia. Elle avait revêtu un manteau que je savais être un cadeau de son amant. Leur histoire durait. J’en étais heureux pour elle. Peut-être avait-elle trouvé celui qui l’aimerait. J’étais conscient qu’elle finirait par partir, et il y avait des chances, aussi, quelle me laisse les enfants. Après tout, je lui avais laissé se rôle. Combien de fois, l’avais-je laissé seule avec nos enfants ?
Elle m’embrassa la joue et ferma la porte derrière elle. L’animosité avait fini par céder la place au lâché prise. On s’éloignait toujours plus, redevenant de simples amis.
Je déposais mes affaires sur le porte manteau.
Bonifa, la femme à tout faire, me salua. Dally lui racontait une histoire passionnante à n’en pas douter. Ma plus jeune fille ne me vit pas lorsque j’embrassai ses sœurs plus âgées. Elle avait encore la pureté des enfants qui ne savent rien.
Ogarine accueillit mon bisou avec un sourire immense. Elle portait une robe élégante avec une fine dentelle. Mary-Lou avait du la lui acheter pour l’obtention de son diplôme. Comment imaginer une jeune femme si coquette, apprentie dans un garage ? Ogarine avait toujours aimait mélanger les opposés. Sa sœur jumelle, elle, terminait la lecture d’un livre ésotérique. Elle tendit à peine la joue.
Agorine était douceur, silence et pudeur. Toujours caché sous des couleurs sombres et des vêtements amples. Elle était la plus sensible de la famille. Et quand je déposai mon regard sur elle, je me demandais si elle avait un jour eu à subir un quelconque comportement déplacé.
L’expo de Séverin m’avait retourné comme à chacune de ses nouvelles collections. Vadigue était resté prostré sur une chaise. Il contemplait les dénotiations de l’artiste.
Alors, père, cette exposition ? Vous a-t-elle plu ? demanda Ogarine en feuilletant un magasine technique de grosses voitures.
Beaucoup.
Je tirai le journal vers moi, pour m’affranchir des dernières nouvelles.
Mon silence inabituelle après une expo laissa plané les regard de toute la famille vers moi. Vite, chacune reprit ses occupations.
Oui, Séverin m’avait renversé le cœur.
En se penchant sur son travail. J’avais d’abord observé les grandes toiles. Des scènes joyeuses, d’une famille, d’un apprentie pianiste, d’une enfant dans les bras d’un grand-père, des amants… C’était tendre. Beau.
J’avais trouvé la disposition étrange, ainais j’avais suivi les consignes, comme tout le monde, qui étaient noté à l’entrée et sur nos livrés.
En dessus des plus grandes peintures des plus petites.
Les scènes m’avaient saisi. Les crimes odieux.
Sous la représentation d’un vieux couple souriant, un désire forcé de l’homme envers son épouse.
J’avais continué, avec le pianiste et son tuteur. Un lit avec un jeune adolescent l’air absent et complétement nu.
Mon cœur s’était serré.
Une fillette, les bras devant le visage et un grand-père cousu de colère un bâton à la main.
J’avais à peine eu la force, de me baisser pour voir le troisième rends de toiles plus petites encore.
Une femme les bras enroulés autour d’elle, et se rhabillant.
Un jeune pianiste, sur la balustrade d’une fenêtre, un piano en miette.
Une fillette terrorisée par la caresse de sa mère.
C’était une cinquantaine de peinture qui nous renvoyait au plus bas instinct, aux crimes qui ne seraient jamais punis, qui ne seraient jamais connus.
Séverin avait mi de la lumière sur des horreurs.
Un vieil homme, en réalisant son crime envers son épouse, c’était agenouillé devant elle, et la suppliait de lui pardonner. La femme avait pleuré et caressant le visage de son époux. Vadigue avait dû partir, trop sensible pour des œuvres si crus. Quant à moi, j’étais resté figé devant trois toiles. Celles de deux sœurs et du bon ami de lui d’elle. Dans l’ombre du tableau suivant, j’y découvrais la sœur une main sur la bouche dans une pièce d’une maison, une jupe longue remontait si haut, qu’on ne pouvait pas ignorer pourquoi le pantalon du jeune beau était si lâche.
Je n’avais pu baisser les yeux sur le dernier, pris d’une terrible vérité.
Dans cette exposition, les victimes étaient en grande partie des femmes.
En regardant mes filles, je sentis mes larmes couler. Est-ce que je pourrais leur épargner la possibilité de finir victime ?
Je me tournais vers Agorine qui terminait son livre. Je me souvins de ce jour où le petit ami d’une de ses amies l’avait ramené chez nous, par peur qu’elle ne se fut la proie d’un agresseur. Je l’en avais remercié aimablement oubliant de demander à ma fille pourquoi elle avait l’air si triste. À cette période, elle avait commencé à se renfermer, quittant ses amies, et ses couleurs. Agorine pencha la tête m’interrogeant du regard.
— Papa ? Allez-vous bien ? Pourquoi pleurez-vous ?
Sa sœur se tourna vers nous, toute étonnait.
Je n’avais jamais pleuré devant mes enfants.
— Ce n’est rien. De la fatigue et à ne pas douter une allergie.
Agorine me proposa un mouchoir que je pris. Elle resta à me regarder. Je lui souris, à elle, à ses sœurs, à Bonifa.
— Reprenez vos occupations. Je vais très bien.
Je positionnais le journal afin de ne voire plus aucune d’elle.
Bonifa m’apporta une nouvelle lettre. Un nouveau décès. Le cinquième. Ça commençait à faire beaucoup. Les familles m’avaient parlé d’un empoisonnement dans une bouteille d’alcool. Certains avaient tenu plus longtemps que d’autres. Les autres membres qui n’en étaient pas convaincu, moi, encore moins. Je me demandais pourquoi un agent de police me suivait partout depuis plusieurs jours.
Les questions de Landry, sa façon de me regarder. Il y avait un problème.
Mon regard se posa sur une lettre ouverte. L’auteur me surprit.
Séverin ?
Une lettre ?
Dans le journal ?
Mon fils devra répondre à mes questions.
Je quittais le journal avant de me rendre dans mon bureau.
La clé tournée, je me postais devant la bibliothèque et appuyai sur un motif.
Un passage se forma et je pénétrais dans une pure folie.
***
La tête reposant sur de multiples coussins, je me noyais dans les yeux de Séverin. Un autoportrait que j’avais acquis dix-huit ans plutôt. Cette pièce, toujours dans un noir oppressant et dérangeant. Une pièce secrète où dormait plus d’une cinquantaine de toiles. Elles recouvraient chaque centimètre des murs et du plafond. Parce qu’il n’y avait pas assez de place, certaines s’agglutinaient contre le seul meuble. Un bureau d’enfant, qui accueillait une lampe.
Voilà ce que j’étais : un détraqué. Un admirateur adique et passionné.
Obsessionnel. J’avais besoin de Séverin partout autour de moi.
J’étais à ce point malade de lui, malade d’une histoire disparue.
Devant son autoportrait. Devant sa jeunesse. Devant ses cheveux coupés bien trop court, je m’évadais dans un imaginaire créé pour maintenir ma tête hors de l’eau.
J’avais coupé mes cheveux, un soir où j’avais trop regardé son portrait. La sensation de me rapprocher de lui, si je faisais la même chose…
Je l’avais sous la peau, dans le cœur, éparpillé dans mon âme. Quoi qui se passait dans ma vie, je le lui rapportais dans cette chambre qui était la nôtre. Et même s’il n’était qu’un fantôme du passé, il existait. C’était un Séverin inventé pour mon esprit fissuré.
— Mon amour, quelque chose ne tourne pas rond, ces temps-ci. Je m’attends au pire.
Je tendis la main vers son visage en acrylique.
Où m’étais-je coupé ?
Une grande balafre rougie barrait ma main.
— J’ai un mauvais présentiment, Séverin. Comme avec le cordonnier. J’ai peur. Peur de te perdre. Est-ce légitime ?
Je me tournai vers un buste que j’avais commandé à un jeune artiste deux ans plutôt. Le visage de Séverin, les lèvres légèrement entrouvertes. J’approchais ma bouche de la sienne. C’était froid. C’était dur. Mais c’était Séverin.
Pétrifié.
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