Chapitre 12 : séverin

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Dans le salon du rez-de-chaussée, je m’enfonçais dans le moelleux de mon fauteuil en écoutant les pas de l’inspecteur et d’un agent. Ils repartaient après être venu chercher un croquis que le tueur m’avait destiné. À l’évidence, il savait où je me trouvais. Mais comment cela aurait pu être autrement ? Tuer et m’offrir des cadavres pour applaudir mon travail, n’était-ce pas le fait d’un maniaque ? D’un obsessionnel ? Je repensais au passé, à cet homme qui s’était acharné sur moi, me faisant tout remettre en question à commencer par l’amour que me témoignait Ludwig. Était-ce moi qui attirait les problèmes ? Je ne pouvais ignorer que le Cordonnier et L’artiste-peintre n’avaient pas les mêmes intentions à mon égard. Bien que le vent semblât tourné. La lettre glissée dans le journal avait fait écho à l’instabilité de mon admirateur. Mes visions ne me permettaient pas encore de savoir à qui j’avais affaire. Je ne voyais que des installations, des cadavres, un baiser échangé avec Ludwig et un retour sur les terres de Janomi. Mon pouvoir n’était pas fiable. Il aurait fallu que je l’exerce, mais je n'avais aucune envie de voir l’avenir.

David me rejoignit, trouvant confortable mes jambes. Il enlaça mon cou afin d’y cacher son visage. Un visage que je ne voyais plus jamais sourire. Un visage qui, il y a deux ans, resplendissait de vie. À vingt-quatre ans, j’avais la sensation qu’il se laissait mourir et je ne parvenais pas à en connaître la raison. Sa joie avait simplement décliné de jour en jour. J’avais tenté de lui redonnais goût à la vie, mais mes mots lui étaient indifférents. Alors, quand il se posait ainsi contre moi, je le gardais enfermé dans mes bras. S’il en avait besoin, je les lui tendrais à chaque fois. Je ne pouvais faire plus que cela pour lui, être là, sans plus les poser une avalanche de question auxquelles il n’avait pas de réponse. Lorsqu’il arrêtera de peindre, je sais qu’il me quittera. Moi, je n’en avais pas la force. J’aurai eu la pénible sensation de l’abandonner. De toute évidence, je n’avais qu’un seul nom gravé dans mon cœur, le reste n’était que divertissement, qu’émotions éphémères.

— Embrasse-moi, susurra-t-il dans sa mélancolie.

Il se dégagea et attendit que je lui tende les lèvres. Il y posa les siennes doucement, puis plus fort. Il avait envie d’oublier le mal qui le rongeait, alors il me sollicitait. Comment ne pas vouloir de lui, de son corps svelte et ses yeux de chiots ?

Il entoura mes cuisses avec ses jambes, se posant à califourchon au-dessus de moi, et attrapa mon menton en coupe.

— Arrache-moi la peau, supplia-t-il.

Cela voulait dire réchauffe-moi et détruit, pour un instant, le vide qui m’étouffe.

J’obtempérai, tirant sur ses vêtements et le laissant me retirer mon pantalon, déboutonner ma chemise. Toujours dans le grand fauteuil à la tenture beige, je caressai David. Une musique douce nous parvint de la rue. Une des fenêtres était rester entrouverte pour aérer la pièce. David ferma les yeux, m’empêchant de contempler le bleu ciel de ses iris. Nu contre moi, il attrapa ce qui l’animerait le temps de quelques minutes et m’engloutit en lui. La sensation de vive chaleur fit monter un grand désir en moi. Je sentis une brûlure dans mes yeux. Si je tourais la tête vers un miroir, je verrais le noir envahir l’entièreté de mes yeux. Noyé dans les ombres d’une vision, je découvris le corps nu de Ludwig et un croquis sur son dos.

La danse soubresautant de David au-dessus de moi, me ramena à la réalité.

Et si Ludwig était en danger ?

Je me devais de le prévenir, comme il l’avait fait pour moi.

— Serre-moi, ordonna David.

J’obéis et enroulais mes bras autour de sa taille. Il continuait ses mouvements, se précipitant sur la fin.

— Refais-moi l’amour comme avant, supplia-t-il en descendant de mes genoux.

— Promis.

Je ne le sentais en vie que lorsqu’il me demandait de rentrer en lui.

Dans la nuit, je l’abandonnai dans sa chambre et croquais des corps en pleine action. L’idée de mettre en scène ce besoin de souffle vital dans une forme primaire m’était déjà passé en tête, lorsque j’étais encore en Janomi.

Je tirai des feuilles, esquissais des couples. C’étaient toujours des actes consentis. Une décharge d’énergie envoyait dans un autre corps.

Sur mon dernier croquis, je me laissais emporté par la fatigue et le passé. Je songeais à mon appartement, lorsque j’étais encore danseur, et à ce corps bouillant qui me serrait toujours fort contre lui. C’étaient deux jeunes hommes aux visages encore juvéniles, s’emboîtant délicieusement, les noués, dos contre ventre, lèvres contre lèvres.

C’était de la tendresse.

Parce qu’il arrivait que Ludwig et moi, soyons tendre l’un avec l’autre.

Je posais enfin mon crayon, contemplatif de toutes les feuilles éparpillées.

Il y a longtemps, j’avais eu une vision. Je me tenais aux côtés de Ludwig.

Nous étions vieux, mais tout l’amour que nous nous portions dans notre jeunesse nous brulait toujours les yeux.

La vie nous imposerait la présence de l’autre. Ce n’était qu’une question de patience, d’attente… de savourer les moments où pour une nuit, il nous arrivait de tomber dans les bras de l’autre. C’était toujours au hasard… jamais calculé.

Nous étions un aimant en attirant un autre.

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