16 : Le tueur
Le son du crayon sur la feuille me grisait. Plus rien n’existait autour de moi hormis ma muse et l’acte de la retranscrire sur papier. Je m’empiffrai de sa présence. Je l’imaginais à chaque instant. Même de l’autre côté de la rue, les volets fermés, je parvenais à esquisser son corps. Je passais des heures à dessiner Séverin, alors qu’il ne m’était plus possible d’atteindre mes proies. J’étais encore bien hésitant sur l’un deux. Celui qui avait barré son nom sur le registre.
Ludwig.
Je savais pour l’avoir déjà rencontré à des expositions qu’il était, lui aussi, un fervent admirateur de Séverin. Je me posais des questions sur lui, sur pourquoi il avait griffonné son nom. C’était bien avant que je ne me penche sur leur livret de membres. Peut-être que je l’épargnerais. De toute façon, temps qu’il ne ferait pas l’erreur de partir de chez lui ou que son agent, ait un malencontreux accident lorsqu’il le suivait, je ne pourrais rien faire. Ni avec lui ni avec les trois derniers noms de ma liste. Si Ludwig n’avait pas la tête d’un coupable, j’avais la preuve que les autres de ses collègues avaient manipulés bien des gens pour nuire à Séverin. Leur bêtise durait depuis quelques temps maintenant. Les laisser continué aurait fini par impacter le moral de mon cher Séverin, et ça, je ne le pouvais pas. C’était au-dessus de mes forces. Je le connais bien trop, pour ne pas m’inquiéter de son mental. Il n’était pas aussi résistant qu’il le faisait paraître. Non.
Il était un homme qui pleurait, qui se couvrait le visage de ses mains peintes. Il était parfois pris de vive colère. Dans ces moments violent, il envoyait valdinguer des toiles, tombait en sol et se recroquevillait pendant des heures.
J’aimais l’observer.
Voyager avec lui.
L’épier dans toutes ses humeurs.
Il m’arrivait si souvent de vouloir m’approcher de lui. Lui tenir la main, le prendre dans mes bras, embrasser son front. J’avais ce désir profond de le consoler, de lui murmurer « Ô combien moi, je le voyais ». Il n’y avait que tendresse dans mes contemplation, qu’admiration devant un tel homme. Si cassé et pourtant si souvent droit.
Je terminai d’esquisser son visage couvert d’un sourire rayonnant. Ces dernier temps, il le perdait. J’en savais être la cause. Les personnes comme moi étaient effrayantes. On ne savait pas où nous cherher, ni où nous trouver. On était là, quelque part, dans l’ombre, mais si souvent dans la lumière. Séverin me croisait chaque jour, sans jamais me voir, et cela malgré mes nombreux visages.
L’art était changeant, comme un masque que l’on portait à la perfection. Tellement réel, qu’on le prenait pour un vrai visage. Et finalement, on ne s’y attardait pas.
Je me démultipliais dans les rues. J’étais un sans-visage depuis notre retour de Janomi. Une créature qui avait perdu son apparence et qui cherchait à en trouver une convenable.
La feuille de papier glissé dans une enveloppe, je sortie sans masque. À découvert.
Le ciel de fin d’après-midi proposait un spectacle édifiant. Le plafond de notre monde baignait dans des nuancés de rose et d’orange.
Le visage offert à la caresse du vent, j’imaginais un être invisible puisant dans mes couleurs afin d’y peindre un paysage saisissant.
Je déposais ma lettre dans une boîte aux lettres dans un quartier plus éloignés avant de retourner dans mon antre.
Ce soir, peut-être rendrais-je visite à Séverin dans son sommeil ?
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