17: Landry

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Depuis que l’inspecteur Tae m’avait mis en retrait de l’affaire, je ne pouvais pas m’enlever l’idée de trouver de nouvelles pistes dans mon coin. Je ne voulais pas qu’il m’écarte parce que mon père semblait connaître un peu trop ce peintre. Je ne voulais pas en savoir davantage sur leur passé ou sur ce mutisme qui avait envahi le foyer de mon enfance.

Mon seul objectif était de mettre la main sur un tueur que personne ne parvenait à attraper. C’est comme s’il apparaissait à un endroit clos et y disparaissait d’une façon tout aussi magique. Il y avait une raison logique à toute cette histoire, et je voulais mettre la main sur cette étrangeté, cette énigme qu’était notre tueur. Je ne démordrais pas et parviendrais aux bonnes pistes. Je ne voulais pas en douter. Je ne voulais pas non plus faire de la paperasse ou être dirigé sur une autre affaire, sous la directive d’un autre inspecteur.

Je poussais la porte d’une taverne. La même que d’habitude. Et slalomais entre les tables pour rejoindre mon informateur.

Il se tenait droit, dans ses vêtements rapiécés. Il n’avait ni l’allure d’un mendiant ni celle d’un homme de la populace. Il appartenait aux « Sans rien », ces personnes qui n’avaient ni chez soi ni grand-chose et qui erraient d’un point à un autre. Des ombres sur lesquelles personne ne s’arrêtait. Sauf les gens qui avaient besoin de faire affaire et trouver l’introuvable. C’était un réseau. Un autre monde où chacun était connecté.

Je m’installais à côté de lui sur un tabouret. La serveuse se pencha sur nous. Je commandais un sirop, il prit une boisson plus forte. À notre dernier entrevu, il m’avait confié ne plus avoir de goût. S’il était encore capable de s’apercevoir qu’il s’agissait bien de moi à ses côtés, c’est parce que son odorat fonctionnait encore. Mais voilà, il aurait eu sous le nez du riz aux épices, les sentir, il aurait eu la sensation de manger du sable. Je sortis une tablette de chocolat, semblait-il qu’il avait encore du gout pour les alcools fort et les sucreries. Il tendit la main sur la tablette et la fourra dans sa poche avec le billet que j’avais glissé à l’intérieur.

— Polie, avez-vous des réponses pour moi ?

— Pas vraiment. J’ai m’y un p’tit gamin sur le coup. Il n’devrait plus tarder à revenir. J’ai circulé dans le quartier des supposés prochaine victime. Il y a bien eut cet homme que j’ai croisé plusieurs fois. Son parfum. Un mélange de lavande et de thym. Il était toujours accompagné et toujours à proximité de l’appartement du numéro 3.

Polie avait numéroté chaque victime potentielle et leur secteur. Je savais qu’il parlait de mon père.

— Peux-tu m’en dire plus.

— Je n’penses pas que ce soit ton gars. Mais il est persistant et remonté comme un coucou. Tous les deux jours, environs à la même heure. Il reste un moment sans bouger, puis il repart suivi de près par un autre gusse. Un agent comme toi avec son uniforme. J’entends nettement la chainette qui retient son arme à feu. En revanche chez le numéro 4, il y a de l’agitation. Mon petit doigt m’a dit que sa famille et lui s’apprête à partir chez une cousine dans le sud. Ce à quoi je pensais « ce n’est pas prudent ». Un obsessionnel pourrait très bien les suivre et revenir. Ton tueur est patient. Il attendra des mois, des années même, pour terminer son œuvre.

Je devais prévenir l’inspecteur à se sujet, à moins qu’il soit déjà au courant. Les agents qui surveillaient la maison avait dû l’être mis au parfum.

— Dis-moi qu’il y a autre chose.

J’avais besoin de plus. Ma famille ne pouvait pas rester enfermée dans notre appartement jour et nuit.

— Oui. Il y a une personne que j’ai souvent eu sur mon chemin. Une odeur de peinture, un pas feutré, très discret. Une manie de faire roule des pièces dans ses poches. Je ne sais pas ce que ça vaut, mais je les croisai chez les quatre personne mis en surveillance.

— Ce pourrait être notre homme.

Mais la description pouvait être celle de n’importe qui.

— Un homme. Je le crois, insista Polie.

Il m’en faut plus.

— J’en conviens. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il ne s’éternisait pas et que hier matin il m’a donné un sou. Ses mains étaient froides. J’y ais senti des coupures. Des cicatrices peut-être. La mache de son manteau était dans un tissu semblable au votre. Sa voix. Mélodieuse. Très douce. Je ne peu en décrit plus. Tu sais comme moi que mon infirmité m’en empêche.

— Je le sais. C’est pour ça que je t’ai choisi. Personne ne se méfie d’un aveugle.

— J’ai demandé à Béatrice et Jomarie de circuler dans les quatre secteurs aux heures où j’ai pu croiser le « tueur », s’il s’agit bien de lui. Pour le moment, rien.

— Y parviendront-elles ?

— Elles sont attentives aux détails.

Il but son verre en me donnant rendez-vous trois jours plus tard.

En ce levant et en parcourant la salle, j’aurai juré que Polie était aussi voyant que moi. Mais voilà, ses yeux voilés ne lui laissaient aucune possibilité de voir.

Il sortit. Je restais un moment à siroter le liquide dans mon verre. Quoi que je puisse penser, j’avais plus d’informations sur le tueur que Tae. Et je me demandais si je devais le tenir au courant. Il m’avait écarté de l’affaire, alors que dirait-il d’un « novice » qui poursuivait un tueur avec l’aide de gens peu recommandable ? Après tout, c’était lui qui m’avait dit que pour suivre un tueur, il fallait le comprendre. Il fallait devenir le danger. Il fallait se prêter à des jeux de réflexion tordus. L’obscurité de certains lieux n’étaient pas à négliger. Je me devais d’y pénétrer afin d’y trouver ce que je cherchais. Les personnes comme Polie étaient certes dangereuses, mais elles restaient professionnelles. Tant que je lui donnerais ce qu’il voulait – de l’argent – il me donnerait ce que moi j’attendais.

En sortant, je me dirigeai vers le quartier du peintre. J’avais eu l’occasion de le voir dans une coupure de journal, en noir et blanc. Il était certainement beau et portait des cheveux aussi longs que mon père. Je ne savais pourquoi je me sentais tiraillé par l’envie de le rencontrer et celle de ne jamais le croiser. Je haussais les épaules et circulais dans la ville. C’était devenu une habitude de faire des rondes lorsque mon emploi du temps me le permettait.

Dans ma réflexion, je me posais vivement la question de qui était cette personne qui s’arrêtait au bas de chez moi. Une autre cible de l’artiste peintre ? Un des anciens collègues de mon père avait-il une chose à lui dire ? Des excuses, peut-être ?

Je n’en avais que faire. Tout ce qui m’importait été de trouver cet assassin. J’en délaissais mes sœurs, ma mère et ma Suzy. Serait-ce toujours comme ça quand une affaire me préoccupera, j’en oublierais ma famille ?

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