Sourire

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Ma tête tourne et mon regard se porte vers les jeunes, car oui il s’agit bien de jeunes. Les visages, leurs traits, non sans être enfantins, respirent la jouvence. Ils sont lisses, ils sont beaux, tous. Et jouvenceaux et jouvencelles sourient et ils chantent et ils s’agitent, ils font du bruit et marquent ainsi le lieu de leur essence enjouée.


Leur joie est communicative et c’est tout naturellement que mon sourire en vient à rayonner au milieu de ma figure. Au moment où mes joues me tirent, je réalise que je dois avoir l’air bien niais…


Je me ressaisis, me force, non sans aller jusqu’à grimacer, au moins à désourire.


Tant et si bien que la mélancolie me gagne, premier néfaste sentiment depuis ma présence en cet énigmatique lieu. Étrange. Il faut être réaliste, mes traits à moi sont plus tirés, je le sais, eux sont pleins d’énergie, de vitalité, moi je suis, sans être usé, un peu fatigué… Ma vie me fatigue…


— Tu t’écoutes trop ! me lance en pleine face une voix dénuée de timbre.


C’est nouveau, ça. Voilà que j’entends des voix. Une, précisément, asexuée, insaisissable. Une voix prévenante et délicate. Qui sonne comme un rappel à l’ordre. Pour m'éloigner des coups de blues ? Tout comme la gêne et la honte, ici, se lamenter sur son sort n’est pas en vogue.


J’en ricane, On est incroyable, puisque c'est indéniable il s'agit de On, il sait et commande tout, il devine tout, je ne suis qu’un pantin manipulé à sa guise. Ça se confirme.


Je ricane à nouveau et puisque c’en est ainsi, autant opter pour le tout sourire. Un sourire éclatant qui, tout aussi benêt soit-il, me repeint à nouveau les joues et les tire, les tire, à en dévoiler mes gencives, à m’en déchausser les dents !


Demeuré que je suis, je souris en regardant tous ces gens, je les admire, ils s’amusent et, d’eux, j’ai la certitude que rien ne les a jamais tracassés. Quel est donc leur secret ?


J’aperçois des cheveux blancs, puis là-bas un visage ridé, ou encore un couple qui, plus que se trémousser, piétine. Ils étaient pourtant tous jeunes, ils ne le sont plus. Devant moi, certains vieillissent puis rajeunissent, ou le contraire. Ils ne sont ni jeunes, ni vieux. Ils sont nobles, majestueux… auparavant pharaons, ils deviennent olympiens.


Et ce groupe, plus hétéroclite que je ne le pensais au premier abord, toujours plus surprenant, accentue encore – était-ce seulement possible ? – mon stupide sourire.


Naïf et bien innocent que je suis, je sais dorénavant qu’ici l’âge ou le temps ne sont pas un problème, pas même un détail. Ils n’ont pas lieu d’être, ils ne sont rien. Ici, ils n’existent tout simplement pas.

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