Elle
Mes yeux se sont levés sur elle, nos regards se sont croisés et, là, le temps s’est arrêté.
Elle m’a accroché, attrapé, scotché, capturé. Elle s’est emparée de moi et comprenez que tout vient de changer.
Dans la foule, elle est là, elle est belle.
Je ne pense plus à avancer, à reculer, j’en oublie ma veste, quelle veste d'ailleurs ? Elle a eu son importance, elle a joué son rôle et a eu son instant de gloire. Je n'ai plus besoin de la porter, plus besoin de ne rien porter, car elle, elle est là et c’est tout ce qui compte.
Si belle.
Plus rien n'importe, plus rien ne m’importe. Même mon corps n’a plus d’importance. Non, pas tout fait. Là, alors que le temps s’est arrêté, que nos regards s'emmêlent, mes yeux m’importent ! Je veux la voir, ne pas la lâcher, je ne veux voir qu’elle. Et en cela, mes yeux sont ma bénédiction.
Et dans la foule, il n’y a qu’elle.
Mes yeux sont des projecteurs braqués sur elle. Je suis le projectionniste qui met en lumière l’héroïne. Je suis le réalisateur qui la pousse sur le devant de la scène. Je suis le spectateur ébahi entièrement conquis. Réalisateur, convaincu du triomphe à venir, je lui donne, à elle, le premier rôle.
Plus rien ne compte.
La foule n’est pas dupe, c’est elle, seulement, qui doit crever l’écran. Alors, cette foule, qui joue à la perfection, s’incline et bas en retraite. Discrètement, subtilement, telle une ombre fantomatique qui traverserait un couloir, elle s’écarte d'elle de quelques mètres. Elle est à présent seule et a le centre de la toile pour sublimer.
Là, immobile, qu’est-ce qu’elle s’exprime !
Elle ne fait rien, strictement rien, reste sans bouger, mais elle la perce, la toile. Qu’est-ce qu’elle la perce ! Elle la transcende, elle la colore, elle l’investit, la décolore, la recolore, elle en fait des tonnes, elle en remet des couches, elle outrepasse tous ses droits, à ne rien faire, elle me grille les rétines.
Elle rayonne, elle étincelle, elle brille, brille, brille, c’est comme regarder le soleil !
J’ai mal, mais ne veux pas, ne veux pas laisser le temps reprendre son cours. Car je sais, cette fois-ci je sais, que lorsque je clignerai les paupières, le film s’arrêtera, la toile se déchirera. J’en veux encore, encore plus, toujours plus. Je sais, mais cette fois-ci ne veux pas savoir, que tout doit avoir une fin.
Tel le trou noir, elle m'accapare.
Elle m’aspire, m’absorbe, m’anéantit. Plus d’autres choix que de cligner des yeux. Je prends mon temps et décide de garder les paupières closes quelques secondes, figeant à jamais son image dans ma mémoire. Sait-On seulement ce qui adviendra lorsque je les rouvrirai ?
Dans la foule, elle est là, elle est belle.
Si belle.
Et dans la foule, il n’y a qu’elle.
Plus rien ne compte.
Là, immobile, qu’est-ce qu’elle s’exprime !
Elle rayonne, elle étincelle, elle brille, brille, brille, c’est comme regarder le soleil !
Tel le trou noir, elle m'accapare.
On a voulu que je la voie, je l’ai vue et n’ai vu qu’elle.
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