Réflexion

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Allongé au sol, j’ouvre les yeux.

Où suis-je ?

Au sol !

Je suis affalé sur le ventre et mes yeux, face contre terre, fixent bêtement le macadam.


Naturellement, puisque je ne suis pas une tortue, je me retourne.

Beaucoup plus naturellement, j’aurais tout aussi bien pu me relever, mais il n’en est rien.

Ne me demandez pas pourquoi, certainement le contrecoup des aléas et des émotions improbables, intenses et irréalistes.


Allongé au sol sur le dos, me voici donc à contempler les cieux.


Je vous le donne en mille, il s’agit d’une nuit apparemment des plus ordinaires.

Ou devrais-je dire, un début de soirée des plus ordinaires…


Tranchons pour cela !


Début de soirée, temps clément, le ciel n’est ni bleu ni gris, je n’ai ni chaud ni froid, il ne fait ni jour ni nuit. Et dans cet environnement où à première vue règne la neutralité la plus totale, passif, je reste étendu là, dans la rue, à ne rien faire.


Au bout d’un moment, mon ouïe s’alarme, car au loin me proviennent une nouvelle fois des bruits de chant, de musique, de cris et de rires.


Ensuite, mon corps tout entier, tel un indien à l’écoute des rails pour détecter l’approche d’un train, résonne de vibrations saccadées provoquées par, non pas une locomotive, mais par des centaines voire des milliers de pas.


Vu le bruit et mon expérience tout juste passée, j’en conclus qu’une foule, à coup sûr la même foule qu'auparavant, déambule non loin.


Je respire, souffle, me remémore ma chute infinie et…


Tiens tiens, pourquoi et comment se fait-il que je ne ressente aucune douleur ?


J’effectue un rapide calcul et réfléchis à la question : temps de chute additionnée à face contre terre est, selon les lois universelles, au moins égal à douleur insupportable ou à mort imminente… voire mort tout court.

Je ne suis pas Einstein, mais ce genre de calcul élémentaire est totalement à ma portée.


Donc, j'en reviens à : pourquoi je ne souffre pas ?

Suis-je en train de mourir ?

Tout cela n’est-il qu’un signe imminent de ma mort à venir ?

À moins que cela ne fasse partie intégrante de la mort…

Suis-je dans l’après-mort ?


La panique me gagne !


Ainsi qu’une autre terrible idée : si ça se trouve je ne ressens aucune souffrance parce que je suis totalement paralysé. De la tête aux pieds !


Je vous entends vous gausser, très bien, allez-y gaiement.

Bon, c’est bon ?

Pouvons-nous reprendre au moment de ma panique ?

Au moment où vous vous êtes dit que je ne pouvais pas être paralysé puisque, l’imbécile non-tortue que je suis vient tout juste, il n’y a même pas deux minutes, de se mettre sur le dos…

Ce qui me fait dire que je serais plutôt une anti-tortue, puisque les tortues, elles, ne se mettent pas sur le dos…

Bref, la panique étant, ajoutée à toutes les expériences qui m'ont mené jusqu’ici, ont petit-à-petit, je le sens, raison de ma capacité à réfléchir et de ma santé mentale.


Suis-je seulement fou ?

Suis-je un aliéné entravé dans une chambre capitonnée qui, persévérant et entêté, a réussi l’improbable exploit, à coups de tête contre les murs, de s’infliger une commotion cérébrale ?

Suis-je un malheureux Alzheimer qui, réfléchissant à l’envers, ne sait tout simplement plus où il en est ?


En même temps, cette chute m’a brassé en tous sens et, désorienté, il n’est pas impossible que l’envers et l’endroit se soient inversés dans mon cerveau.


Point positif et somme toute rassurant, réussir à catégoriquement qualifier l’idée de la paralysie d’absurde est une preuve d'un retour progressif à la raison, non ?


N’empêche que… Il faut que je m’en assure !


Alors je bouge, mon bras, d’abord, ma jambe, après – les deux d’ailleurs –, mes épaules, ma nuque, mon dos. Bon, tout répond à la perfection, pas de gêne, pas la moindre courbature.

Et figurez-vous qu’à ce rythme, voilà que je me redresse et me retrouve debout sans même m’en rendre compte.


Que je sois fou et emprisonné dans mon propre cerveau à l'envers, que je sois mort ou non loin de l'être, que tout ceci ne soit qu'un rêve – à ce stade un cauchemar ? –, ou que ce ne soit pas si simple et que ce soit tout à la fois, une seule option se présente de toute façon à moi… allez de l'avant et voir ce qu’il se passe.

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