Légendes

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Il y a plus de 15 ans, alors que je n'étais encore qu'une enfant, mon grand-père me racontait la légende des dieux de l'ancien temps. Ces créatures immenses qui avaient foulé le sol de la planète, bien avant l'arrivée des premiers hommes et des créatures d'autres galaxies de par l'univers.   

- Nous ne connaissons rien de ce monde, en réalité, avait-il entamé. Ses océans, ses montagnes, ses plaines, ses forêts, ses volcans... ne sont que des énigmes pour nous. Les premières créatures intelligentes étrangères sont arrivées il y a 500 ans de ce que nous savons. Lorsque ces êtres ont foulé le sol de la planète, ils y ont découvert un écosystème plus que remarquable qui obéissait à un ordre naturel bien précis. Il y avait bien des populations autochtones mais elles ne représentaient pas une menace. Ceux qui voulurent se soulever furent réduits au silence et les autres, peut-être parce qu'ils n'avaient guère le choix, décidèrent de coopérer avec les étrangers. Et pendant des décennies, chacune de ses nouvelles espèces s'attribua un territoire bien défini où elle s'installa et décide de vivre, obligeant les espèces déjà sur place à s'adapter. Il y avait bien eu des soulèvements, mais ils avaient été rapidement enrayés. Et comme à chaque fois qu'il y a des guerres, ceux qui la perdent en payent le prix fort. Il y eu des morts, il y eu des esclaves, il y eut des choses atroces que je voudrais te raconter car tu es trop jeune pour les entendre. Mais il y a eu la paix... Au prix du sang. Et il y eut le grondement de la terre, que dis-je, de la planète toute entière.  

Je me revois, avec des yeux contemplatifs, regarder mon grand-père raconter cette histoire qui me marque encore aujourd'hui. Je devais avoir seulement quelques années quand il m'en a parlée pour la première fois. J'étais emmitouflée dans une grande couverture que j'aie toujours gardée auprès de moi depuis, comme un réconfort pour me rappeler tous ces bons moments de mon enfance.

Il avait alors continué son histoire et s'était levé pour accompagner de ses paroles, des gestes bien précis. J'étais captivée par ce spectacle qui s'offrait à mes yeux et qui me paraît irréel maintenant que j'y repense.  

- Ce grondement, c'était celui des dieux de l'ancien temps. Des créatures sublimes et majestueuses qui étaient les gardiens de la planète. Nous avions troublé leur sommeil et provoqué leur colère. Face au chaos qui avait été semé, elles avaient ravagé villes et villages, terrassant tout sur leur passage. Les peuples qui avaient semé le désordre furent punis mais des innocents durent payer de leurs vies pour rétablir l'écosystème qui avait été éprouvé. 

- Mais papi, qui sont ces dieux que tu décris ? l'avais interrogée, alors que plein de questions m'arrivaient en tête. Est-ce que quelqu'un les a déjà vus ? Et toi ? 

Mon grand-père m'avait adressé un grand sourire, les yeux malicieux. Il devait sûrement être content que je le sollicite et que je pose toutes ces questions.

- Ce ne sont que des légendes, m'avait-il confié en continuant de sourire. Et comme toutes les légendes, elles sont alimentées et renforcées au fil du temps. Je ne m'appuie que sur des histoires que j'aie moi-même entendues de mon père qui les a entendues de mon grand-père. C'est ainsi que se perpétuent les belles histoires. Mais rien ne nous dit que tout cela n'est issu que de l'imaginaire collectif.

Il s'arrêta un instant, la mine grave. Son sourire si réconfortant et chaleureux avait laissé place à un silence inquiétant. 

- Grand-père ? murmurai-je pour l'inviter à sortir de ce silence qui me pesait.  

- Pour répondre à ta question, nous n'avons plus eu de nouvelles de ces créatures légendaires depuis plus de 500 ans maintenant, reprit-il. Après ces événements, les conflits cessèrent et chaque peuple vécut plus ou en moins en harmonie avec son voisin, évitant la colère des dieux. Parfois, la peur est tout ce qui arrive à canaliser la haine. Mais elle n'est que passagère. L'histoire est un éternel recommencement, les tensions et les animosités reviennent, les guerres aussi. Personne n'est jamais rassasié... 

- Mais qui sont ces dieux ? insistais-je. 

- De ce que je sais, il y en a quatre. Comme les éléments : l'air, la terre, l'eau et le feu. Le phénix bleuté, le sphinx à la crinière argenté, le serpent de mer aux crocs acérés et le dragon noir qui projette des flammes rouges comme le sang. Si ces créatures, ces dieux existent, mieux vaut ne pas les tourmenter.  

Je me rappelle que nous étions dans une cabane perchée en hauteur quand mon grand-père m'avait raconté cette histoire, dans de grands arbres qui devaient avoir des centaines d'années et qui formaient une forêt gigantesque qui s'étendait à perte de vue. Lorsque l'on se trouvait au bas de ces arbres, on pouvait à peine apercevoir la lueur du ciel. Toujours est-il que de ce que je sais et de ce qu'on m'avait dit, nous avions toujours vécu perchés loin du sol. Il s'agissait de traditions qui avaient été perpétuées avec le temps. Auparavant, mes ancêtres se contentaient de vivre loin du sol qui grouillait de prédateurs en tous genres.

J'avais grandi moi-même dans une cabane avec d'autres membres de mon clan et de ma famille dont mon père était le chef. Je n'en ai que de vagues souvenirs car j'étais toute petite mais mes parents avaient fini par décider d'aller vivre près de la côte, dans la grande cité de Genesis. Le seul endroit au monde où les espèces pouvaient vivre en paix, loin des conflits qui régnaient partout ailleurs. Telle était la promesse de ce petit paradis.

Mon grand-père avait refusé de nous suivre. Il n'était pas le seul. D'autres membres du clan avaient fait le choix de rester vivre dans les arbres et ne souhaitaient pas quitter la terre de leurs ancêtres. Je me rappelle que cette décision sema le trouble au sein de notre communauté et que mon père et mon grand-père s'étaient mainte fois fâchés à ce sujet. Dans les derniers instants que nous avions passés ensemble avec lui, il paraissait souvent triste, comme si cette séparation le déchirait.

J'aurais tout fait pour rester avec lui, mais il m'avait fait une promesse :

- Ma petite Elia, ne t'en fais pas. Ce monde est bien vaste et nous n'en connaissons que très peu de choses. Tu l'exploreras tôt ou tard, j'en suis sûr. Tu vas parcourir le monde et tu en perceras bien des mystères. Sois patiente, car le jour viendra où tu prendras ton envol et tu t'apercevras que tu possèdes des dons incroyables. Et ne t'en fais pas, ma chérie, car je ne serai jamais loin de toi. Peu importe où que tu ailles, je serai toujours là pour toi, je te le promets.

Maintes et maintes fois, j'avais cherché une explication à ces paroles que je n'avais jamais comprises étant petite. Aujourd'hui encore, j'en cherchais parfois le sens, sans vraiment savoir ce qu'il en était. Mais ces légendes étaient restées dans ma tête et partout où j'allais, j'entendais des histoires au sujet des dieux de l'ancien temps. Existaient-ils vraiment ? Avaient-ils disparu ? Avais-je croisé l'un d'entre eux le jour où Genesis avait été noyé ? Je ne pouvais être sûr de rien mais en attendant, je ne cessais de me questionner et surtout, mon grand-père me manquait. J'aurais tellement aimé qu'il soit là, qu'il vive cette formidable aventure avec moi.

Je ne sais pas ce qu'il était devenu. J'avais tenté de le retrouver quelque temps après la grande catastrophe, en retournant là où j'avais grandi. Mais en arrivant, j'avais dû constater qu'il ne restait plus personne. Alors j'en avais déduit qu'ils étaient tous partis ou que quelque chose les avait poussés à partir et j'espérais retrouver un jour celui qui m'avait donné envie de parcourir le monde et d'en explorer les recoins.

Tandis que la Cité Perdue d'Eldemir se prolongeait à l'horizon, je serrais fort le médaillon en or qu'il m'avait laissé le jour où nous nous étions séparés. Je ne trimballais rien de précieux sur moi, mais ce bijou était la chose qui m'était le plus cher au monde. Je le gardais constamment autour de mon cou pour me sentir en sécurité et me donner de la force.

J'enfilai mes deux katana dans mon dos, pour parer toute éventuelle attaque. En ces lieux sombres et oubliés, terrain de jeu de pirates et criminels en tous genres, je ne prenais aucun risque et je parais toute éventualité. Je savais qu'une autre aventure commençait ici. 

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