Phase 1 : Compréhension

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14 novembre 2044, Héraclès City — Association des Détendeurs de Pouvoirs Infortunés, 19h17

– Bonjour, je m’appelle Enrico.

– Bonjour Enrico, récite le cercle en choeur.

– C’est ma première session chez les ADPI, et je suis très heureux de pouvoir discuter avec vous.

– Nous demeurons tous égaux lors de cette réunion, lui explique Michel, petit homme chétif à lunettes, l'encadrant de cette séance. Tu te trouves dans un lieu de confiance. Tout ce qui est dit ne sortira pas de cette salle.

– Merci beaucoup. Alors si vous me voyez ici, vous devez vous en douter, c’est parce que je suis frustré de mon superpouvoir… Je me sens tellement humilié de cet héritage !

La crise planétaire de 2027 reste en effet un choc pour tous. Cette explosion d’origine inconnue a transmis des facultés extraordinaires aux humains. Tout le monde pensait à une blague. Et pourtant, cent pourcent de la population possède désormais des capacités surnaturelles.

– Certains se retrouvent bien lotis, mais pour d’autres c’est vraiment une catastrophe !

– Nous en sommes tous conscients, Enrico. Toutes les personnes assises avec toi te comprennent. C’est pour cela que nous nous retrouvons ici une fois par semaine.

– Tu peux nous décrire ton pouvoir ? ose demander Francis, individu à la grande oreille.

– Et bien…

Le nouveau venu hésite à s’ouvrir.

– Prends tout ton temps surtout, intervient Bernard, un petit monsieur chauve potelé. Moi, j’ai mis plusieurs séances avant de pouvoir me dévoiler. Nous connaissons tous la honte de détenir une faculté inutile.

– Merci, mais je veux le dire…

Les dix personnes réunis se préparent à l’écouter. Ils tendent l’oreille, excepté Francis, l’homme à l’excroissance auriculaire.

– Du coup, mon pouvoir… C’est de faire apparaître par mes mains de la crème hydratante…

– De la crème hydratante ? demande Karina, jolie brune assise près de lui.

– Oui, c’est ça…

– De la crème hydratante ? réitère-t-elle.

– Euh… Oui, répond Enrico, perplexe, ne comprenant pas cette répétition.

– Ne t’en fais pas, c’est normal, coupe Vivien, grand brun, vêtu de cuir. Nous possédons, comme toi, des capacités handicapantes. Alors que dehors, se baladent des Supermans et des Thors à tous les coins de rue. C’est rageant !

– Oui, tu verras, énormément de personnes vivent la même situation que croiiiiiii ! coasse Juliette.

– Dis nous en plus sur ta faculté, s’il te plait, reprend Bernard.

– Bah, il n’y a pas grand-chose à dire. Du fluide sort de mes paumes. Genre, un Spider-Man hydratant. Et c’est vraiment une galère quand je suis distrait. J’en mets partout, ça colle, ça pue, c’est gras. Heureusement que ma femme reste patiente avec moi.

– Ah ! C’est sûr, c’est un bon pouvoir de merde ! Mais, regarde un peu sur qui tu es tombé aujourd’hui au sein de cette assemblée, annonce théâtralement Vivien. Moi, on m’a nommé Spoiler-Man. Dès qu’on me donne le titre d’un film, je commence à déballer une intrigue ou la fin, même si je ne l’ai pas vue. Bernard ! Exemple !

Titanic !

– À la fin, le bateau coule et Jack meurt, déclare mécaniquement Vivien.

Sixième sens !

– À la fin…

– Crooooaaaaaaah ! s’égosille Juliette, le cri dissimulant les paroles de Spoiler-man.

– Moi, c’est Jeanne, commence la blonde aux yeux clairs. Et je peux transformer les billets de 100 € en bâtonnet de crabe…

– Et non l’inverse malheureusement, taquine Vivien.

– Mon nom est Francis, poursuit l’homme à la grosse oreille. Et je peux provoquer des flatulences par cet orifice. Ce qui, avouons-le, ne sert strictement à rien.

– Ça, c’est sûr que parfois tu n’es pas un cadeau Francis, rajoute Karina.

– Bon à mon tour, propose Bénédicte, moi on me…

– Ça, c’est sûr que parfois tu n’es pas un cadeau Francis,

– Merci, Karina, poursuit la femme, pour ma part, on me nomme Semi-Flash.

– Flash ? Comme le superhéros ultra rapide ? questionne Enrico.

– Non, comme le flash d’une lampe de poche… Quand je ferme un œil, l’autre s’éclaire et projette un jet lumineux.

– Certains tirent des lasers avec leur regard, mais notre pauvre Béné peut uniquement nous aider à trouver des bouteilles à la cave, précise Bob, jeune homme aux allures de surfeur.

Michel, l’encadrant, écoute son groupe. L’objectif de ces séances est de décomplexer leurs pouvoirs, considérés comme des imperfections. Communiquer et rire ensemble est une bonne méthode pour qu’ils s’acceptent tels qu’ils sont. C’est au tour du grand John, le moins dynamique.

– Moi, je peux parler aux dinosaures…

– Mais, ça n'existe plus ces espèces ? demande Enrico.

– Bah, c’est pour ça que je viens ici…

– C’est incroyable comme quoi même les capacités les plus invisibles peuvent être dépistées par nos scientifiques grâce à de l’ADN, précise Bob, un moyen d’étaler sa culture.

– Mais je ne te raconte pas la galère, poursuit John d’un ton mou. Quand je regarde des films ou des reportages sur la préhistoire, c’est infernal ! Leurs rugissements se convertissent en paroles, cependant ça dit soit n’importe quoi, soit des grossièretés. C’est devenu un supplice de mater Jurassic Park !

– À la fin, le T-Rex, il bouffe les raptors ! s’écrie Vivien.

– Croaaah, je suis Juliette, alias Frog-girl, comme tu l’as constaté, je produis avec ma voix des sérénades de grenouille.

– Moi, c’est Karina, et parfois mon moi du passé d’il y a cinq secondes prend ma place…

– Ah ! Je comprends mieux les répétitions de tout à l’heure, s’amuse Enrico.

– Moi, c’est Karina, et parfois mon moi du passé d’il y a cinq secondes prend ma place…

– Un vrai disque rayé, notre Karina, continue le blondinet. Mon nom c’est Bob ! L’impénétrable Bob ! Mon corps reste insensible aux attaques de couteau.

– Bah ! Pourquoi viens-tu alors aux séances ? s’interroge Enrico.

– Attends, il n’a pas fini, rigole Jeanne, l’alchimiste du surimi.

– Ce pouvoir ne fonctionne qu’à partir du 7e coup reçu…

– On t’a gardé le meilleur pour la fin, s’écrie Bénédicte, la lampe torche du groupe. Bernard, tu nous fais l’honneur de conclure ce tour.

– C’est gênant comme à chaque fois, sourit tout de même l’homme bouffi. Alors moi, selon mes humeurs, un petit chat trop mignon apparaît instantanément.

– Oh c’est trognon, s’émerveille Enrico.

– Mais juste derrière une tondeuse à gazon lui tombe dessus…

– Argh !

– Un vrai calvaire… Quand je ressens des émotions fortes, ça se produit.

– Par exemple, s’écrie Vivien, Bernard, tu sais très bien que dans 10 secondes tu vas utiliser ton pouvoir.

– Oh non ! Je veux plus ! J’en ai marre de voir ces petites bêtes mourir sous mes yeux ! s'émoie celui que l’on surnomme Cat-Destroyer.

« Miaou »

– Ooooooooooh, s’écrie le cercle de participants.

« Sproutch! »,

– Arrrrrrrgh ! Sous la vision du modèle Greencut venant d’écraser sur le petit siamois.

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