Les réceptifs
Natacha débarque chez Patrice. Une jeune orientale est là. Elle a l'air calme et douce.
- Bonjour, je m'appelle Natacha.
- Moi c'est Marwah.
Elle est tellement souriante, aimable, elle respire la joie de vivre. Natacha regarde Patrice de haut avec l'air de dire « T'en a de la chance ». Patrice entend et répond en souriant et en faisant non de la tête. Un dialogue non parlé. Marwah s'éclipse poliment prétextant aller préparer le thé.
- Patrice, on ne s'est pas rencontrés par hasard. Ce qui nous relie, c'est Aurélie. Au lycée je l'ai repérée à un kilomètre, comme une étoile qui brille en plein jour.
Aurélie est réceptive à 25 %. C'est à partir de ce taux que les 100 % comme Natacha et Patrice les repèrent.
- Je ne l'ai pas trouvé tout seul. Aline me l'a indiqué. Elles qui se sont trouvées dans un groupe de parole sur un problème qu'elles ont en commun. Un problème qui a maintenu la réceptivité que les enfants ont naturellement. Aline voulait que je teste mes procédures obscures sur Aurélie car ça a fonctionné pour elle.
D'un regard, Natacha demande des précisions.
- Conjuration, exorcisme, aspirer le mal pour le remplacer par du bien, c'est ma spécialité.
Natacha comprend mieux maintenant ce qui s'est passé dans le groupe.
- J'ai d'abord rencontré sa mère, elle allait très mal, culpabilité, et cancer. Chimio, hypnose, religion, rien a fonctionné. Elle est morte.
Patrice se livre un peu plus. Il sent qu'il peut faire confiance à Natacha.
- Je ne sais pas d'où me vient cette réceptivité.
Natacha, pour elle-même, à sa théorie.
- Moi, j'ai perdu ma vraie jumelle à 10 ans. Mais elle ne m'a jamais quittée. En fait on ne fait qu'une seule et même personne. Des fois, j'ai l'impression que c'est moi qui suit morte. Quand je suis avec Aurélie, parfois, j'ai l'impression de m'effacer et de laisser ma jumelle agir, communiquer. Aurélie l'entend mais elle croit que c'est moi.
Marwah revient et sert le thé avant de s'asseoir entre eux. Elle sourit, prend la main de Natacha puis celle de Patrice et les met l'une dans l'autre. Ils ressentent que c'est le début de quelque chose. Qu'ils seront toujours ensemble. Ils se sont trouvés. Ils sont arrivés au bout du chemin avec la clé de l'histoire. Mais ça ne sera pas facile. Il y aura des hauts et des bas. Marwah, a l'air ailleurs, elle ne semble pas vraiment connectée au présent :
- C'est facile pour personne.
Patrice reprend :
- Natacha, je pense que Marwah le devient aussi, réceptive. Un exorcisme peut faire ressortir ce don. Un traumatisme dans l'enfance peut le maintenir à l'âge adulte. Les fluides des réceptifs sont contagieux. Pas n'importe quel fluide, le sang apparemment ne fonctionne pas, ce serait trop facile, il suffirait d'une simple transfusion. Mais apparemment nous ne sommes pas des vampires. Les autres fluides corporels peuvent à certaines doses rendre quelqu'un réceptif.
Ils boivent le thé en silence. Le thé de Marwah. Aurélie qui les relie. Patrice et Natacha se regardent et semblent comprendre en même temps :
- Marwah et Aurélie.
- Elles sont reliées aussi.
- Mais pas dans le passé ni dans le présent.
- Dans l'avenir.
- Dans longtemps.
Marwah se lève pour aller allumer la vieille chaîne stéréo, elle installe un vieux 45 tours sur la platine. Ca grésille. Elle se met en position pour danser au milieu de la pièce et chante avec le disque :
Et l'on m'appelle l'orientale
La brune au regard fatal
Et l'on m'appelle l'orientale
Car moi je suis sentimentale
Et pourtant je ne fais pas de mal
On m'a surnommé l'orientale
Même quand je n'ai pas un dinar
Je chante et j'oublie mon cafard
On m'a surnommé l'orientale
Car moi je suis sentimentale
La chanson c'est comme l'amour
Ça fait rêver la nuit le jour
On m'a surnommé l'orientale
Tellement je suis sentimentale
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