La nuit tombe vite. La cheminée crépite. Aurélie aide Noël à terminer un devoir de vacances sur la table du salon. Il la regarde avec douceur. Elle lui sourit. Il se lève et s'approche pour lui faire un bisou sur la joue. Elle le prend dans ses bras et ferme les yeux en plongeant son visage dans la tignasse blonde qui sent bon la vanille. Elle l'entend en elle. Elle se souvient de la première fois que c'est arrivé, lorsqu'ils se sont rencontrés. Elle était à la place passager du monospace Toyota d'Aline qui plaisantait : « Ma Toyota est fantastique ! ». Aurélie s'était retournée pour regarder le petit garçon de 5 ans et elle l'a entendu sans qu'il ne parle : « bienvenue dans la famille ».

Noël se dégage de l'étreinte et la regarde. Ce ne sont plus des mots qu'elle ressent en elle, mais des vagues d'amour. Leurs regards bleu océan plongés l'un dans l'autre, il s'approche à nouveau et l'embrasse au coin de la lèvre. Elle ouvre la bouche pour reprendre un peu d'air, un frisson remonte de sa colonne vertébrale pour exploser dans son crâne.

À 10 ans ce n'est pas elle qui les donnait les bisous. Elle les recevait. De force. Sur la bouche. Et là un joli petit garçon de 10 ans vient tout effacer, lui faire reprendre son histoire là où elle s'est arrêtée. Sa vue se trouble, noyée de larmes qui coulent sur ses joues, quelques sanglots s'échappent et elle sent les lèvres de Noël sur son visage, elle le prend dans ses bras, le serre et se calme dans de profondes inspirations et expirations. Elle l'entend : « c'est fini, je suis là ». Car pour Noël, Aurélie est le début et la fin, l'alpha et l'omega, elle est tout son univers.

Noël embrasse les larmes salées d'Aurélie. Puis ils se regardent. Sans rien dire. Plus la peine. Ils sont connectés, par leur contact physique, tout passe par les mains. Noël a trouvé celle qui le rendra heureux. Ils se marieront et auront beaucoup d'enfants. Aurélie sait que non, qu'il trouvera certainement celle qui lui conviendra, dans longtemps. Mais Noël insiste, c'est peut-être vrai mais pour l'instant, ce qui est plus vrai encore, c'est ce qu'il ressent dans son cœur pour sa baby sitter.

Cette nuit là, Aurélie laisse la porte de sa chambre entreouverte. Elle sait qu'il veut la rejoindre. Et vers minuit lorsque tout le monde dort, il vient se blottir contre elle et ils rêvent ensemble pour la première fois. Au matin il n'est plus là. Quel drôle de petit bonhomme. Leur rituel est en place. Ce sera systématique ou presque. Et quand ça ne le sera pas, il y aura comme un vide, comme un manque dans l'humeur affective du petit comme de la grande. Les voilà liés.