La réceptive
C'est une explosion de sensation dans la tête de Noëlle. Elle a l'impression de devenir folle. Elle voit derrière les choses, dans le passé et dans le futur. Tout s'explique, tout s'imbrique jusqu'à sa propre histoire. Il faut qu'elle en parle à quelqu'un. En gardant le secret. Qu'elle se confesse. Le père Simon. Où est-il ? Noëlle prend son smartphone. Elle appelle Marwah. Messagerie. Elle écrit un message texte. Au moment de l'envoyer elle a la réponse. Elle efface le message. Elle vient de savoir où il est.
Elle pose sa trottinette derrière la grande porte en bois de l'ancien couvent. Retire son casque. Regarde au premier étage. Il y a de la lumière. Elle n'est jamais venue mais elle sait qu'il est là. Le père Simon photographie des documents avant de les ranger dans les tiroirs. Il la voit arriver. « Noëlle ? Tu es avec Marwah ? » Seule Marwah sait où il est tout le temps. « Pardonnez moi mon Père parce que j'ai péché. »
Après la confession le père Simon essaye de rassurer la jeune fille. «
- Ne t'inquiète pas, c'est juste l'Invisible. Tu y as accès maintenant. On va canaliser tout ça.
- Patrice va m'aider ?
- Surtout pas. Il ne vaut mieux pas l'approcher en ce moment. Je ne sais pas si ça serait prudent. Natacha peut nous aider. »
Natacha surveille son gâteau qui cuit dans le four lorsqu'elle entend un bip bip. Le frigo ? Non. Et puis elle se rappelle du son programmé pour les SMS de son smartphone. « Code rouge – Malette n°5 » Une géolocalisation vient d’apparaître dans les notifications.
Natacha arrive. Noëlle s'agite. Le père Simon rend compte : «
- Je l'ai testé, elle est à 10 sur 10 en R.
- Tu es sûr ? Ça fait du 100 % de réceptivité.
- J'ai vérifié 3 fois.
- Bon… On va partir sur du chimique classique alors. »
Natacha prépare un médicament. Casse un comprimé, le broie et le dilue dans une fiole d'eau sucrée pétillante. Elle explique à Noëlle qui l'arrête tout de suite « Père Simon ? J'entends 2 voix quand Natacha parle. Je ne comprends pas ce qu'elle dit. » Natacha tend la fiole à Noëlle et demande d'un geste de la tête au père Simon de lui dire de boire. « Elle voit ma jumelle. » En attendant que ça fasse effet, Natacha appelle Aline pour qu'elle vienne récupérer Noëlle.
Le père Simon s'interroge. Pourquoi elle ? Quel est le rapport entre Patrice et Noëlle ? Il n'y a qu'un 100 % qui peut transmettre 100 %. Pour Natacha, c'est différent, elle est à 50 % x2. Aline est le seul lien entre Patrice et Noëlle. Peut-être qu'elle a la réponse, ou pas. Patrice peut faire tant de choses avec ses perceptions, son hypnose et ses psychotropes.
Aline arrive : "Ma pauvre petite bébé, on va rentrer et se reposer" Natacha lui donne quelques consignes et une boite de médicaments. C'est parti pour de longues années d'adolescence occulte à gérer. Elle est sûre qu'ils vont lui trouver tout un tas d'explications logiques sorties de la bibliothèque secrète. Mais pour l'instant personne ne comprend. Aline installe sa fille en toute sécurité à l'arrière du monospace. Elle jette la trotinette et le casque dans le coffre. Dans la cour du couvent, elle se tient prête à partir, mais elle attend. Elle a demandé au Père Simon de contacter Patrice pour lui rendre compte. Elle attend qu'il appelle. Ça sonne, c'est lui.
- Je ne peux pas venir. Tu es encore au couvent ?
- Oui.
- Rentre doucement et met la au lit, ça va aller avec ce que Natacha lui a donné. Ne donne rien de plus. Elle a son smartphone ?
- Oui.
- Je l'appelle."
Aline démarre. Derrière le téléphone sonne. Noëlle répond. Elle dit des "oui" aussi, sans vraiment écouter ce que Patrice lui explique. Noëlle ne sait pas grand chose. Elle n'est qu'une petite fille. Mais elle est sûre et certaine, au plus profond d'elle-même, que eux tous, autour, ne sont pas à la hauteur de son problème à elle. Elle lâche le smartphone, elle ne comprend rien au latin des phrases étranges de Patrice. Elle a mal, elle a envie de se gratter partout, elle quand elle le fait elle a plus mal encore. Elle scanne autour d'elle si quelqu'un peut l'aider, elle ne voit rien dans le passé ou le présent mais elle voit dans l'avenir, quelqu'un qui pourrait la soulager mais elle n'est pas encore née, sa nièce, la fille d'Aurélie, elle sera de la même force. En attendant la voilà seule avec elle-même et cette stupide chimie de médecine occidentale classique dans ses veines et l'autre qui parle comme à la messe. "Allez ! Pouvoir à la con ! Trouve-moi une solution !" Il faut qu'elle respire, la douleur l'en empêche. Une idée, elle soulève sa jupe et plonge sa main dans son legging, sous sa culotte elle cherche, elle trouve, elle masse, elle ouvre la bouche pour prendre une grande inspiration. Ça va mieux. Elle reprend ses esprits. Elle voit le visage de sa mère dans le rétroviseur intérieur. Aline fait mine de n'avoir rien vu. Mais elle sait. Noëlle le sait qu'elle sait. Mais elle continue et chaque douleur est effacée par du plaisir. Au diable le latin.
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