62 - La famille
Chloé et Noël ont réussi à la convaincre. Il est rare de pouvoir amener Aurélie en ville. Elle ne veut jamais quitter sa ferme. Surtout depuis le réchauffement climatique. Pendant que Marwah veille au grain à la ferme, elle se promène donc au parc Darcy avec Gabrielle, émerveillée par la fontaine et voulant absolument monter sur l'ours à Pompon pour faire une photo avec sa maman. Chloé se propose et elle demande à Noël de les rejoindre bien-sûr, c'est quand même son papa. Et voilà la famille immortalisée pour des siècles et des siècles, amen. L'ours blanc du sculpteur est vraiment exotique un siècle après. C'était un François aussi, le sculpteur, il a inventé un style, lui, l'employé de Rodin, le collègue de Camille, il n'a jamais vraiment été connu ou reconnu, et sa femme, handicapée par la maladie, est morte sans lui laisser d'enfant et il a fini dans la misère et l'anonymat. C'est le quatrième personnage de la photo qu'elle vient de faire, pourtant il n’apparaît pas à l'image. L'invisible commence à se diffuser dans son esprit. Chloé s'assoit sur un banc. Elle qui était en manque de pieds pour se réchauffer la nuit, elle en a maintenant deux petits dans son ventre qui poussent dans la chaleur de son amour infini. Cette fois-ci elle a le droit de le garder. Elle se sent enfin une femme, accomplie. Après le goûter, direction la gare pour prendre le passage sous les voies et arriver au jardin botanique de l'Arquebuse. Les arbres remarquables souffrent de la chaleur mais tout est aménagé pour faire un parcours idyllique d'un brumisateur à l'autre. Pendant que Noël joue avec sa fille, Aurélie et Chloé discutent :
- Je t'avais dit que tu serais heureuse.
- On voudrait, si tu le permets, l'appeler Aurélia. » Aurélie s'arrête, subjuguée. Elle plaisante : «
- Et si c'est un garçon ?
- Aurélien bien-sûr.
Elle se prennent la main, Aurélie ferme les yeux et sourit. Chloé est vraiment de la famille maintenant.
Noëlle n'en revient pas. François l'amène avec lui à Paris, une réunion de travail qui se termine par un mange-debout où les pièces rapportées sont également conviées. Noëlle a tout fait pour se vieillir et passer de fille à femme dans une tenue stricte mais chic. À la gare de Lyon une voiture officielle les attend pour les amener à l'hôtel du Châtelet. Les huiles s'enferment dans une grande salle, les autres invitées discutent en se dirigeant vers la salle des portraits pendant que le personnel récupère les bagages. Noëlle aperçoit Patrice qui ne la reconnaît pas tout de suite. Les deux sont surpris de se croiser ici :
- J'ai accompagné François, il a une réunion et après il y a un coquetèle. Et toi ?
- Je travaille de temps en temps ici, avec l’évêque. Un bureau officieux, on est censé ne plus être là depuis 1905. Ici, c'était l’hôtel particulier de l’archevêque de Paris à l'époque.
- L'évêque est aussi à la réunion ?
- Il la préside.
La réunion est finie, ils arrivent. C'est la première fois qu'elle voit l'évêque, le contact est sombre et électrique. Noëlle refuse discrètement le champagne qu'on lui propose et demande de l'eau gazeuse. Il n'y a pas de coïncidences. Elle cherche à comprendre. Elle a besoin de s'asseoir un peu. Elle va sur un canapé style Louis XV. François vient la voir :
- Ça va ?
- Explique-moi.
- J'ai travaillé ici dans le temps. J'ai encore une chambre sur place. Tu préfères que je réserve à l'hôtel ?
- L'évêque et Patrice, pourquoi sont-ils là ?
- On fait partie de la même loge.
- D'accord. Tu peux t'asseoir un peu avec moi s'il te plaît ?
Étonné par son attitude anormalement normale, il s'exécute et attend en réfléchissant. Elle lui prend la main et lui souffle à l'oreille : « Je suis enceinte. » Il la regarde, de longues secondes les yeux dans les yeux, ils n'entendent plus rien autour d'eux. Il l'embrasse discrètement et lui sourit, il est heureux.
Le lendemain soir, à la fraîche, à la Villa du Parc, tout le monde est là pour un petit barbecue. Un peu de musique, les enfants qui jouent, les mamans qui discutent et les hommes qui refont le monde une bière à la main. Chloé et Noëlle, du haut des marches, main dans la main, admirent ce spectacle, se regardent et sourient, elles sont tellement heureuses. Leur autre main sur leur ventre, elles s'embrassent rapidement et discrètement, personne ne les a vu, elles rient, enivrées de cet amour sans philtre.
De son côté, Noëlle a un plan. Comme elle va être moins intimement disponible pour son maire, elle décide de lui offrir une maîtresse. Quelqu'une de confiance, une amie proche, très proche, mais jusque là secrète, et pour cause. Ces dernières années, elle se sont couvertes l'une l'autre, il y a eu des morts, elles sont impliquées et complices à la vie à la mort. Elles ont fini par être intimes, très intimes, et Noëlle se sent prête à la partager avec son homme avec Florence Albertini, la gendarme qui était sur l'affaire du suicide du prof de français. Elle va la voir à son nouvel appartement. Elle a dû rendre le précédent qui était un logement de fonction et elle vient de démissionner en fin de contrat pour s'offrir une année sabatique avant d'éventuellement rechercher une autre activité.
- Noëlle, tu te rends compte de ce que tu me demandes, là ?
- Pour l'instant je ne te demande rien. Je veux juste qu'on essaie. Qu'on vive ça ensemble toi et moi. Au moins juste regarder, être simplement là. Je ne veux te forcer en rien.
- Je te vois venir, tu es en train de m'hypnotiser et tu vas me faire boire du philtre pour que je devienne votre esclave sexuelle.
- Quelle bonne idée ! Alors c'est OK ?
- Tu vois, tu me fais dire n'importe quoi.
- Après, peut-être que tu ne vas pas lui plaire. Tu as presque 30 ans, tu es brune, c'est pas gagné.
- Ah ouais ? Bon allez arrête. Je vois que tu ne vas pas lâcher. Pourquoi pas.
- Vraiment ?
- Oui, seulement si...
- Oui ? Quoi ?
- Seulement si tu me bouffe le cul comme jamais, là, maintenant, tout de suite.
- Je vais t'aspirer comme jamais, tu vas sentir ma langue, mes doigts et tous les outils lubrifiés et vibrants du tiroir de ta commode de la luxure. Je vais même t'arracher les poils avec les dents. Mais avant je veux te serrer tendrement dans mes bras et te dire merci, Flo, encore et toujours, je t'aime, à la vie, à la mort, à l'amour.
- Qu'est ce que je ne ferais pas pour toi, ma petite sorcière bien-aimée.
- Bon allez ! On se le bouffe ce cul ou bien ?
***
Dans la salle de tortures de la Villa du Parc, le maire est encore à quatre pattes avec une boule dans la bouche. Il reçoit un coup de fouet et Noëlle lui annonce :
- Pour ton anniversaire, je t'offre un nouveau jouet, fait de chair et de sang.
- Mmmmhh ?
Florence fait irruption dans la chambre, masquée, gothique, entièrement nue en dessous du nombril. Elle se badigeonne l'entre jambe de confiture et proclame :
— Enlève lui sa boule, j'ai besoin d'être nettoyée. Noëlle s'exécute.
- Bonjour madame.
- Bonjour monsieur le maire. Auriez-vous l'obligeance de goûter à cette confiture de fraise ? Elle est bio. Florence saisit la tête de François par les cheveux et la plonge violemment entre ses cuisses.
- Plus haut ! Plus bas ! Oui, là ! C'est bon. Maintenant, regarde bien.
Noëlle vient la rejoindre et elles s'embrassent langoureusement devant lui. Ça l'excite. Elles se caressent très profondément leurs intimités pour ensuite les faire gôuter à l'autre, puis à lui.— Garde bien nos doigts dans ta bouche et montre nous de quelle façon on doit te goûter.Et elles descendent s'embrasser autour de son bâton magique. Quelques heures plus tard, il est sur le dos dans le lit entouré de ses dames, elles ont leur visages sur sa poitrine et s'embrassent pendant qu'il agite un doigt ou deux entre leurs respectives fesses et elles se caressent les doigts autour d'un ultime désir à réveiller en lui.
Quelques jours plus tard, Florence Albertini prend ses fonctions de secrétaire particulière de monsieur le maire. Particulière comme son port d'arme et son Pistolet Heckler & Koch Modèle HK 45 pour être la gardienne du corps de François, entre autres. Et à chaque fois qu'elle sent que son client est stressé, elle l'amène à l'écart pour s'agenouiller devant son maître et lui faire décharger son arme à lui en lui aspergeant sa frange à elle au dessus de ce regard intense qu'elle lui porte avec ses yeux verts auxquels il ne peut pas résister. Pendant qu'elle se refait une beauté dans la salle de bain privée du bureau du maire, François vient l'enlacer tendrement par derrière avant de demander :
- Comment vous vous êtes connues avec Noëlle ?
- En l'interrogeant sur une affaire de suicide. J'étais gendarme à l'époque. Je l'ai revue ensuite à l'occasion d'une autre affaire de suicide. Tu étais là cette fois-ci. À la Villa du Parc. J'étais en civil et on est allé se promener avec Noëlle, pour faire connaissance. C'est là que tout a commencé. Ça fait bien 3 ans. Elle lui prend la main, la pose sur son visage et l'embrasse puis se blottit dans ses bras.
- Je sens que je vais adorer ce nouveau poste, cette nouvelle mission. Je suis là pour assouvir tout tes désirs. Je suis ta chose. Prends soin de ton nouveau jouet comme je prends soin de toi. J'ai besoin d'amour aussi. Laissons souffler Noëlle, qu'elle se concentre sur sa maternité. Ensuite j'aurai terminé ma mission et je me concentrerai sur ma vie, mon destin, ce qu'il me reste à faire.
- Tout ce que tu voudras, mon ange gardienne d'amour.
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