63 - Le papy
Ils sont confortablement installés sur le canapé à regarder le feu à travers la vitre du petit poêle à bois. Pauline va bientôt rentrer de l'école, c'est une voisine qui la ramène en même temps que son fils. Fini de jouer les mamans poules pour Aline qui caresse machinalement la tête de Jean-Paul posée sur ses cuisses. Il demande :
- Tu vas reprendre ton travail à la mairie ?
- Elle regarde dans le vide un moment avant de répondre :
- Non, je vais rester avec toi, te consacrer tout mon temps, à ton tour.
- Vraiment ? Tu es sûre ? De ne pas vouloir plus ? Ma retraite te suffit ?
- Ce n'est pas une question d'argent . Ça ne l'a jamais été. Tu me combles entièrement, tout est parfaitement parfait.
- Mais, pour Pauline, plus tard, prévoir ...
- Tout est déjà prévu. On a aucun souci à se faire. En fait, je ne te l'ai jamais dit mais … je suis riche.
- Comment ça ?
- Personne n'est au courant. C'est un secret. J'attendais qu'une question d'argent se pose pour te le dire.
- D'accord. Veux-tu m'épouser ? » Et elle rit. Il faudrait d'abord qu'elle divorce. Jean-Paul réalise : «
- Mince ! Le partage des biens. Tu vas en perdre la moitié.
- Ce sera bien suffisant. Et puis après tout ça lui revenait de droit.
- Comment ça ?
- De son grand-père, le papy dont je m'occupais quand j'avais 20 ans. Il m'a légué beaucoup de choses. Je ne l'ai su qu'après sa mort lorsque le notaire m'a convoqué en toute discrétion.
- Pourquoi ?
- J'étais très proche. Très très proche. Je m'occupais de lui. De ses besoins. De tous ses besoins. Et j'adorais ça. C'était tellement beau, de lui procurer tout ce réconfort, cette tendresse, de l'accompagner vers sa fin de vie de la plus belle des façons.
- Tout s'explique. Occupe toi de moi mon amour, montre moi ce que tu lui faisais à 20 ans.
- Le mieux c'est ce que je lui faisais sur la fin, lorsque j'avais 24 ans. Ça a duré un an. Tous ses derniers besoins. Ça a commencé juste par quelques caresses intimes avec les mains, c'est venu comme ça, un soir, alors que je le mettais au lit, il n'a pas pu retenir son désir, pour moi. Alors je l'ai soulagé. Puis un autre jour, en faisant sa toilette, juste après, j'ai osé y aventurer ma bouche. C'était beaucoup plus doux pour lui. Et puis j'ai voulu lui faire ressentir une dernière fois le corps d'une femme nue sur lui. J'avais quand même gardé une légère robe de chambre, ouverte. Il était alité sur le dos. Je me suis assise sur son intimité et je me suis penché en avant pour qu'il sente mes seins sur son visage. Quand j'ai senti son envie, je me suis redressée pour me brancher en lui et j'ai placé ses mains sur mes seins, il les serrait fermement pendant que je me déhanchais en lui disant d'une voix langoureuse " Oh Papy, mon papy, je suis à toi, tu es en moi, donne-moi tout ton amour comme je te donnes mon corps, tout mon corps". Je me souviens bien. C'était devenu un rituel. D'abord tous les samedis soirs. Ensuite tous les jours, jusqu'au dernier. Je l'ai senti mourir en moi, de la plus belle des façons, la petite mort dans la grande. Je n'ai pas eu peur, j'ai trouvé ça magnifique. Son cœur s'est arrêté pour moi. Son cœur s'est arrêté en moi. Je ne l'avais jamais raconté à personne. Mince ! Je réalise ces paroles, la situation, ces mots que je lui disais. Tu crois que je l'ai hypnotisé ?
- Personne n'aurait pu résister à ça. Rien qu'à t'entendre le raconter j'ai déjà envie de tout de donner.
- Sérieusement. Il n'aurait pas fait ça de son plein gré alors...
- Je crois qu'en hypnose on ne peut pas forcer les gens à faire ce qu'ils ne feraient pas en dehors de l'hypnose.
- Ah bon ? Bon. Tu permets que je vérifie sur toi ?
Drriiing ! C'est Pauline qui arrive.
- Ça attendra ce soir. Et on le fera tous les soirs mon amour. Jusqu'à la fin. Le rituel de la petite mort.
Pendant que Jean-Paul se lève pour aller ouvrir à Pauline, une information traverse l'esprit d'Aline, son cerveau se débloque et une idée jaillit, c'est peut-être le fait d'avoir tout raconté à qulequ'un qu'on aime de la même façon : " Et si, au contraire, c'était le papy qui l'avait hypnotisée ? Depuis le début ? C'est possible. Ça explique bien des choses. Son attachement insensé. Son dévouement sans limites. Un envoutement ? Ou tout simplement l'amour ? " Si toutefois il y a une différence.
La différence, celle qui dérange, une préférence, un état d'âme
Une circonstance, un corps à corps en désaccord
Avec les gens trop bien pensant les mœurs d'abord
Sans jamais parler sans jamais crier ils s'aiment en silence
Sans jamais mentir, ni se retourner ils se font confiance
Si vous saviez comme ils se foutent de nos injures
Ils préfèrent l'amour, surtout le vrai à nos murmures
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