66 - Le sous-préfet
Qu'est qu'elle est belle cette petite ! Mince alors. Elle sort d'où ? Je crois qu'elle ma hypnotisé ou un truc du genre. Elle bouge. Je me retourne. Elle est… épanouie, elle cligne des yeux sous un rayon de soleil. Elle est vraiment là ? J'avance mon bras et je sens sa chaleur avant de la toucher. Elle vient sur moi. On se regarde. Et on s'embrasse.
- Bonjour monsieur le sous-préfet .
Je la veux. Pour toujours. On se mélange. Et on jouit. Je reste avec elle, pas question de se lever pour aller au boulot. On entend la cloche dans la cuisine. Et une odeur de brioche grillée. C'est Dominique qui signale le petit déjeuner. On la rejoint, elle est tout sourire, comme si elle avait gagné. Ça fait longtemps qu'elle espère que je lui laisse son Fred. Elle m'a toujours repoussé au lit tous les trois, sauf lorsque j'étais derrière elle. En me voyant avec Hélène accrochée à mon bras, elle sait que c'est fini. Je sens qu'elle a envie de sauter sur place en levant les bras en l'air, elle se retient. Je lui souris et j'acquiesce, elle me fait un clin d’œil et le pouce en l'air. Toutes les autres qu'elle m'a ramené avant ne m'ont jamais plu. Ses copines mannequin étaient superficielles ou bizarres. Cette fois-ci c'est Fred qui a choisi, en s'impliquant car c'est sa petite sœur à qui il tient, il avait même prévu du philtre au cas où.
Je pense à Hélène toute la journée. Je rentre tôt, c'est les vacances. On va à la Villa du Parc se détendre au bord de la piscine. Je fais les présentations à mon fils, à ma fille et à Chloé. Ça a l'air d'aller, ils sont bienveillants. On va à la ferme aider. Les travaux manuels nous font un grand bien. Et il est difficile de résister à l'appel de la paille. On l'a fait en gardant nos bottes ! Aline et sa petite famille ne sont pas encore rentrés de Bretagne, j'ai hâte de leur présenter. Et puis on aime aussi se retrouver tout seul chez nous. Elle a déjà ramené toutes ses affaires et rendu son appartement. Frédérique et Dominique sont repartis à Paris. Hélène est merveilleuse. Je n'ai pas perdu au change. J'ai envie de me poser, avec elle. Elle est si fraîche. Je veux rester le spectateur privilégié de son accomplissement. Car elle est brillante, elle ira loin. Et je veux l'accompagner. Je la veux. Dîner romantique au Chapeau Rouge. Elle ouvre la petite boite. Une bague de fiançailles. C'est là, son regard à ce moment là qui restera gravé dans ma mémoire. Elle est surprise, comblée, heureuse, amoureuse. Et puis elle se ravise. Elle ferme la boite.
- Merci Tom, je t'aime mais c'est trop tôt. Tu te précipites. Il faut d'abord que je rencontre la mater familias.
Elle a raison. Le soir je me suis donc précipité sur le corps de ma promise sous la clim à fond et le lendemain en arrivant chez elle, Aline sait déjà tout. On se rencontre tous en mode détente, dans la bonne humeur. Tout roule. Il y aura un repas de fiançailles en septembre, à la ferme. Et dire qu'on était pas contents avec Dominique quand Fred nous a annoncé qu'il partait en vacances avec sa sœur… Si on avait su qu'à la fin du même été on en serait là… J'espère que je ne vais pas me réveiller demain de ce merveilleux rêve. C'est quand même mieux l'amour sans philtre. Naturel. Bio. Hélène. Je sens qu'elle est le début du reste de ma vie. Que je serai toujours là pour elle et elle pour moi. Comme ça, du jour au lendemain? Brutalement. Un amour qui surgit. Pas un amour qui se construit. Comme mon premier, mon précédent. Maintenant j'ai cette petite Hélène à rendre heureuse, elle est magnifique. Si gauche, si frêle, elle présente mal, bref, elle est irrésistible. Elle a cet aura qui rayonne autour d'elle, qui efface tous ses défauts par magie, qui me la fait accepter comme elle est. Et quand elle me regarde, je me sens tellement heureux, d'être envisagé par elle, comme une chance, comme un honneur, comme une bénédiction. Tout ça m'est donné, en un instant sur ce canapé, comme ça, presque par hasard, sans n'avoir rien fait pour. Maintenant, c'est sûr, Dieu existe. Merci mon Dieu. Je vais être très heureux jusqu'à la fin, parce qu'elle est là, parce qu'elle sera là, et même si elle n'est plus, elle restera présente en moi et chacun des moments passés avec elle vaut tout le reste à l'attendre ou à la perdre. Dès maintenant je peux dire que ça aura valu le coup, que la vie est belle, qu'elle est belle et que je l'aime. Point. Voilà comment la vie peut basculer avec juste une rencontre où l'on se rend compte que le bonheur est à nouveau à l'ordre du jour et même et surtout si on l'a connu avant, le fait de le retrouver lui donne un goût particulier car on sait tout le bien qu'il va nous procurer et on a le savoir d'en profiter à chaque instant car il peut s'effacer doucement ou disparaître du jour au lendemain au détour d'un événement, d'un fait ou simplement de notre propre mort subite et le tout est à conjurer justement par cette mort, petite, la petite mort de notre conscience quand l'orage de plaisir gronde dans notre esprit et fait écho dans notre âme où se croisent les trois éléments principaux qui font que l'existence vaille la peine d'être vécue, c'est à dire dans l'Invisible où le sexe n'est que le témoin d'un Amour aussi pur que la bestialité de nos corps en transe qui se mélangent dans l'autre dans ces moments où il n'est plus question de réfléxion ou de raison et où la parole ne se limite plus qu'à des plaintes et des cris sur cette étroite frontière entre la douleur qui appelle la jouissance et la jouissance qui appelle la douleur dans un big bang intérieur qui explose en fantasmes à l'horizon de nos désirs passés, présents et à venir.
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