68 - Sophie
On se voit dès que c'est possible, discrètement, en cachette. Ça a commencé par des séances de caresses et de massage quand j'étais enceinte. Rien à voir avec ce que Phoebe fait. Dans ces moments, je ne suis pas moi-même. Mais tout paraît avoir du sens. Après la naissance, je pensais que le lien allait être rompu mais non, c'est du même ordre, légèrement différent. Il nous manque juste Abigaëlle qui prend son indépendance non loin de là, dans l'Invisible. Lorsqu'elle termine ses massages, je lui fait goûter mon lait et ça a ouvre une connexion entre nous, très puissante, intime. Dès que j'ai repris le travail je n'ai plus eu accès à ces sensations parallèles, le père Simon m'a expliqué pourquoi, le sang du Christ est un antidote. Nous allons bientôt pouvoir nous revoir plus facilement. Pauline rentre à l'école.
Ça sonne, c'est elle. Elle est venue directement. Mon cœur s'emballe. J'ouvre la porte doucement. Elle me voit, me sourit. Il y a tellement de douceur dans son regard. Elle s'approche et elle me fait un petit bisou au coin des lèvres, puis sur les lèvres, puis elle y laisse sa bouche et je sens sa langue, je ferme les yeux, je tombe, elle me retient. Le contact est rétabli. Je rouvre les yeux, je suis dans ses bras. On ferme la porte et on va dans la petite chambre, doucement, on entre et on regarde notre petite dormir. On s'approche. Je pose ma main droite sur le front d'Abigaëlle et ma main gauche dans celle d'Aline dont l'autre main s'approche du bébé pour se connecter, au même moment elle m'appelle, je la regarde, elle m'embrasse à nouveau et nous sommes propulsés dans l'Invisible où le passé, le présent et l'avenir se confondent dans des sensations qui se répondent, comme des cycles, comme une fréquence, comme le tic tac de la grande horloge de l'univers.
Phoebe me dit que j'ai changé, que je suis plus posé, que ça lui plaît. Tout lui plaît en moi, depuis le début, alors je ne la ménage pas. Elle était déjà là lorsque j'étais avec la maîtresse de chai qui m'a largué. Phoebe attendait son tour. Elle n'est jamais partie. Même avec l'arrivée d'Abigaëlle. Je ne lui donne pas beaucoup d'amour mais ça lui suffit. Mais je vais changer d'attitude. J'ai senti dans l'Invisible ce qui se passe quand elle part. Un grand vide. Je sens en moi une chaleur qui veut la retenir. Je vais tout faire pour la garder. Elle s'entend tellement bien avec papa. En revanche elle est terrorisée par maman, je me rappelle elle se cachait derrière moi pour que je la protège dès qu'elle était là. De toutes façon on ne la voit plus, ma mère est perdue dans les limbes de la recherche scientifique, dans une vie dissolue, centrée sur elle-même.
Ça sonne, c'est elle. Tous les jours d'école elle passe dire bonjour après avoir déposé Pauline. Comme Phoebe est déjà au travail, on a notre intimité. On s'embrasse, je la prépare et elle allaite Abigaëlle pendant que j'essaie de lui donner un peu de plaisir avec quelques caresses, comme celles que Phoebe m'a apprise, pour nous reconnecter toutes les trois comme quand j'étais enceinte. Je lui enlève Abi et je la goûte aussi, comme elle me goûte, comme on se goûte. Et on pose notre bébé entre nos ventres. Et on s'embrasse. Finalement on repose Abi dans son berceau et on se mélange à nouveau. D'où nous viennent toutes ces sensations ? On est là, debout dans le salon, nues, à s'embrasser comme si c'était la première fois. Elle me gratte la nuque, elle descend sur mes fesses, elle s'aventure dedans, je dois repousser son visage pour inspirer à fond en fermant les yeux afin de jouir de chaque décharge électrique qu'elle me procure. Finalement je tombe à ses genoux et j'entreprends son entre-cuisse, comme le veau affamé sous la vache, et je remonte alors sur les mamelles que je pétris et que je presse pour aller ensuite dans sa bouche ramener le breuvage de la vie à sa source. Chaque jour est intense, chaque fois est unique, elle va chercher dans tous les recoins de mon corps la moindre source de plaisir, il y a tellement de couleurs, de chaleur, de fraîcheur, de bons sentiments, des sensations merveilleuses et beaucoup, beaucoup d'amour, sans philtre.
Ce n'est sûrement pas vrai, tout ce qu'on raconte sur Sophie
Ça ne peut être vrai, sinon j'aurais honte de Sophie
Non, je ne peux pas croire à la voir si blonde, ma Sophie
Qu'à ce point je me sois trompé sur son compte
Ce n'est sûrement pas vrai, tout ce qu'on raconte sur Sophie
Et je la défendrai tant que je vivrai
Car je l'aime, je l'aime, les rieurs ont beau jeu
Mais devant moi, ce sont eux qui baissent les yeux
Je sais que ce n'est pas vrai, ce que les gens disent de Sophie
Je ne croirai jamais toutes ces bêtises sur Sophie
Car je la connais bien, elle est sans méfiance, ma Sophie
Elle parle aux copains en toute innocence
Sans savoir qu'avec certains et leurs médisances
Il suffit parfois de trois fois rien pour faire un potin
Les gens parlent, parlent, parlent et reparlent, c'est une maladie
Et bien sûr, les autres croient tout ce qu'on leur dit
Car toutes les filles sont plus ou moins jalouses de Sophie
Et je vois les garçons dont les yeux épousent ma Sophie
Alors s'il faut choisir entre cette engeance et Sophie
J'aime autant vous le dire, j'ai choisi d'avance
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