79 - La pécheresse pénitente
Suzanne
Dans la bibliothèque du couvent, Papa me présente à Patrice, au père Simon, à Natacha et à Aline qui est venue avec sa belle-fille Sophie et son bébé, impliquée elle aussi dans le groupe puisque c’est la mère d’Abigaëlle. Marwah m’explique les missions, le fonctionnement, les succès et les échecs mais aussi toutes les personnes concernées et leurs pouvoirs. À mon tour :
- Bonjour, je suis Suzanne Coblenzer, je vis à New-York mais je viens souvent en France et je retourne quelques fois en Allemagne. C’est là-bas que je suis née, il y a très longtemps. J’ai grandi dans un village où tout le monde vieillissait sauf mon père et moi, je me suis arrêtée entre 25 et 30 ans. Un jour mon père a disparu. Je l’ai retrouvé grâce à Marwah avec qui j’ai un lien dans l’Invisible. On a le même père. Je suis la fille de l’évêque ici présent.
Puis tout le monde se met à discuter, à s’affairer. Ils viennent me voir un à un pour discuter. J’explique à Natacha mon projet. Aline me dit plein de belles choses, elle est tellement gentille, douce et bienveillante, elle a l’air très proche de Sophie. Je vais voir le père Simon :
- Padre ? Vous êtes le seul immortel disponible que je connaisse. Acceptez-vous de me faire un bébé ? Je n’y suis jamais arrivée avec personne et avant les expériences étranges de Natacha je souhaiterais essayer avec vous.
- Bonjour mademoiselle, euh madame, enfin… Je vois que vous êtes très bien connecté avec Marwah et au courant de nos exploits mais…
L’évêque vient nous interrompre, met une main sur son épaule et lui dit :
- Mon père, je vous confie mon autre fille.
Et il repart. Je regarde le Padre et je lui fait un clin d’œil. Marwah vient nous voir, s’accroche amoureusement à son bras et lui chuchote à l’oreille.
- Ne t’inquiète pas, je vais te la présenter en toute intimité, je vais te l’introduire dans notre couche et quand vous serez prêt l’un et l’autre je vous laisserai … conclure. Je pourrai regarder ?
- Très bien les filles mais on ne pourrait pas juste prendre un café avant, calmement, je veux dire, on a toute l’éternité devant nous.
L'évêque va voir Aline. Ce n'est que la troisième fois en trente ans qu'ils se croisent. Il a l'occasion de se justifier sur l'indiscible de leur première rencontre le 31 août 1997 :
- À cette époque là, j'étais aux ordres, il n'y avait rien de personnel. Maintenant que je donne les ordres, je peux vous protéger. De Sophie. Je ne crois pas aux coïncidences. C'est la grand-mère de Sophie qui m'a dépêché ce jour-là. Sophie a au moins 25% de Marie Matignon en elle. Une ange blanche. Protégez-vous, Aline. Elles vous ont tellement impliqué avec Abigaëlle. Pour l'instant tout va bien, mais quand ça tournera mal, souvenez-vous de mes conseils.
- Je ne suis pas seule. J'ai Noëlle et Gabrielle.
- Pas que, l'équipe peut vous aider aussi. Moi je suis fini. Je vais vous donnez quelques choses, faites-en bon usage.
L'évêque enlève son collier avec la croix catholique en or ouvragé et retire sa chevalière du Vatican. Il prend la main de Aline, les pose dedans et referme sa main avant de repartir.
Sophie vient lui demander :
- Qu'est qu'il voulait ? Il t'a donné quoi ?
- Il me veut encore des ennuis. Noëlle l'a vu à Paris, elle ne le sent pas du tout. Tiens, c'est pour toi.
Aline donne les bijoux de l'évêque à Sophie qui les lâche immédiatement sur le tapis en se soufflant dans la main.
- C'est bouillant !
- Excuse-moi, je vais les garder. Non, on va les donner à Patrice.
L'évêque, en touchant Aline, s'est rendu compte que l'âme du 31 juillet 1997 n'était plus en elle. Elle a dû passer en Sophie.
Le Padre
J’ai réussi à m’éclipser pendant que des filles de l'évêque commencent à parler mon intimité, je vais voir Patrice et je lui expose les faits. Il veut tout de même Natacha sur le coup, pour différentes raisons, et pour elle, il ne veut pas qu’elle reste sur un échec. Pendant qu’il m’explique tout ça je sens quelque chose en moi. Dans mon ventre, dans mon cœur. Je crois que c’est du bonheur. Je regarde autour de nous, je veux la regarder, la voir, je la trouve en train de discuter avec Sophie qui lui montre Abigaëlle. D’un coup elle me regarde et me sourit. Puis reparle avec Sophie. En fait, j’aimerais bien passer l’après-midi avec elle, faire connaissance. Je réfléchi aux différentes options en faisant semblant d'écouter Patrice qui est encore à m'expliquer différents protocoles pour le projet de Suzanne. Je sens quelqu’un faire toc toc sur mon dos. Je me retourne, c’est elle, qu’est ce qu’elle est belle ! Elle demande :
- Pourrez-vous m’accompagner au musée des Beaux-Arts, je dois vérifier quelque chose là-bas.
En fait c’est juste histoire de discuter, on traverse la place Darcy doucement, les gens pressés nous dépassent, elle a l’air détendue mais elle se tient droite, je dois lever la tête pour voir son regard, qu’est ce qu’elle est grande! Elle avance d’une démarche chaloupée nonchalante mais sûre et ferme. Je me sens petit, courbé et hésitant à côté, prêt à trébucher sur le moindre obstacle. Nos mains se frôlent, puis elle me tient par le bras, comme pour me retenir, puis sa main descend et prend la mienne, elle me regarde en souriant. D'un signe de la tête elle veut que je regarde au-dessus, nous sommes sous la porte Guillaume. Elle m’embrasse sur la bouche et elle me dit
- Ça porte bonheur.
Puis nous descendons la rue de la Liberté pour aller au musée des Beaux-Arts.
Suzanne & le Padre
Main dans la main ils n’ont plus besoin de parler. Le Padre la ressent. La voit un siècle plus tôt ici même à Dijon. Elle était la maîtresse d’un sculpteur. Elle posait nue pour lui et plus en fin de séance. Elle aimait ses mains qui essayaient de la sculpter elle aussi. Elle devenait jalouse de sa réplique qui prenait forme petit à petit, de séance en séance, de jouissance en jouissance.
Au musée, elle s’arrête devant une statue de Pierre-Paul Darbois, elle explique :
- C’est la pécheresse pénitente. Tu as vu, il l’a faite plus petite que moi. Et j’ai des plus gros… enfin bref. J’en était quand même devenue jalouse. À sa première exposition tout le monde était sous le charme. Du coup j’ai pris la croix qu’elle avait dans la main et je suis partie. Je n’ai plus jamais revu PP ensuite. Je pensais qu’il en aurait refaite une. Mais non, il l’a laissé comme ça, sans sa croix dans la main, incomplète. Comme le symbole de ma disparition.
Suzanne jette un coup d’œil à droite et à gauche, ouvre son sac à main, en sort un objet enveloppé dans un chiffon blanc. C’est la croix. Elle l’embrasse et la remet en place. Et là, l’attitude de la pécheresse change, elle reprend tout son sens.
Travaux pratiques
Nus l’un contre l’autre, sur le lit, dans la chambre du Padre, à la cure, elle essaie de le rassurer : « Je t’ai trop mis la pression. Je suis trop belle. On va laisser faire les choses. On a l’éternité. » Et elle l’embrasse tendrement sur la joue. Il pleure.
- Je vais me rafraichir.
En fait elle lui subtilise son smartphone et dans la salle de bain, assise sur le trône elle cherche Marwah dans les contacts :
- Alors mon Padre, c’était comment ? Elle a crié ? Raconte je veux tout savoir.
- C’est moi. Il ne s’est rien passé. Il est en panne.
- Encore ? Bon… il y a les pilules bleues dans le tiroir de ton côté du lit. Vous êtes bien à la cure ? Attention, un seul cachet. En attendant que ça agisse, tu vas à la boite à clefs dans le couloir. Pièce n°13, c’est une ancienne chambre de bonne sœur, de none, de religieuse quoi. Normalement sur la chaise il y a encore sa tenue. Il n’y a que le haut, c’est normal. Rien en dessous du nombril. Et garde la coiffe. Tu verras, ça l’excite tellement qu’il te fera faire la toupie sur son… voilà quoi.
- OK, merci. J’y vais. Bisou.
- Attends !
- Quoi ?
- Si ça ne marche pas, tu me rappelles et j’arrive. Hi hi.
Le RETEX
Le lendemain matin Marwah s’invite au petit déjeuner, elle emmène même ses jumeaux. Quand ils descendent à la cuisine, tout est prêt. Elle veut faire le débriefing en direct live avec Suzanne. Pendant que le Padre fait manger les enfants, elles se mettent à l’écart pour discuter :
- Ça a marché, tout comme tu as dit. Il était là, sur le dos, avec son… mat. J’ai dû le redresser un peu quand même, avec la bouche. Ce n’est pas pratique cette cornette. J’ai dû la remettre deux fois. Bref, je me suis mise en position pour la toupie, il m’a dégrafé la poitrine pour les faire sortir. Et puis, ça ne venait pas. Lui il se concentrait sur un événement de son passé.
- Son premier amour. D’où le déguisement.
- Je n’osais pas lui dire des trucs cochons ou autre, je n’ai pas ton talent d’oratrice. Mais j’avais emporté un ustensile.
- Ah oui ? Quoi ?
- Dès que je lui ai montré, je le tenais très fort dans la main et je le menaçais avec et là, il a joui.
- C’était quoi ?
- Une croix.
- Une croix ?
- Oui, je t’expliquerai.
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